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Entre François Ruffin et les Insoumis, du divorce à la guerre ouverte

septembre 13, 2024 23:14, Last Updated: septembre 14, 2024 12:37
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Nouvelle secousse dans le paysage de la gauche française. La séparation entre François Ruffin et La France insoumise (LFI) laisse désormais place à un affrontement sans merci.

Le 4 juillet, le député de la Somme avait annoncé, en cas de réélection au second tour des législatives, sa décision de ne plus siéger aux côtés de ses anciens camarades de la gauche radicale, qualifiant de « boulet » le chef de file des Insoumis, qui lui avait rendu la pareille en le traitant de « girouette ».

Brutale, cette rupture publique n’avait toutefois pas de quoi surprendre. Le nouvel échec de Jean-Luc Mélenchon à la dernière présidentielle, les divergences stratégiques, mais aussi les rivalités en interne nourrissaient à petit feu l’animosité grandissante entre les deux hommes depuis 2022. Jusqu’au point de non-retour.

Dans son nouveau livre paru le 11 septembre, Itinéraire. Ma France en entier, pas à moitié et dans plusieurs interviews, François Ruffin ne retient cependant plus ses attaques et tire désormais à boulets rouges contre son ancien camp : « Campagne au faciès », « parti où il y a de la peur », l’« épouvantail » électoral Mélenchon… le Picard pilonne comme jamais il ne l’avait fait auparavant son ancien camp.

Outre la critique sur les carences démocratiques d’un mouvement qui, en son sein, « ne laisse pas de place pour débattre, discuter, se contredire, échanger », ou encore sa charge contre les « apparatchiks » de LFI dont la « principale bataille » est « de faire la cour à Jean-Luc » pour obtenir des circonscriptions favorables, François Ruffin fustige aussi l’abandon de la classe ouvrière au profit des jeunes, des femmes et des minorités. Selon sa formule dans un entretien au Nouvel Obs, LFI a embrassé « la stratégie de Terra nova avec le ton du NPA ».

Ses électeurs d’Hénin-Beaumont, fief de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon les qualifieraient même « d’obèses » qui « sentent mauvais » et « transpirent l’alcool dès le matin ». À leur place, il convoite avec avidité le vote des banlieues, persuadé que les anciens bastions de la gauche sont définitivement acquis au RN. Hasard du calendrier, c’est la stratégie électorale décrite par Jean-Luc Mélenchon, filmé à son insu, lors de la manifestation du 7 septembre : « Il faut mobiliser la jeunesse et les quartiers. Tout le reste, laissez tomber, on perd notre temps. » Pour l’ancien journaliste, Jean-Luc Mélenchon « choisit l’abandon, et découpe la France en segments ».

Désireux d’illustrer cette volonté du parti de promouvoir son concept de « Nouvelle France » qui se fonde, à ses yeux, sur une base « spatiale et quasi-raciale », l’auteur du documentaire Merci Patron ! avoue même avoir effectué « un tractage au faciès » pendant la campagne présidentielle de 2022. Aux « électeurs Noirs et Arabes des cités d’Amiens-Nord », pour lesquels Jean-Luc Mélenchon serait « un passe-partout », une affichette avec la photo du patriarche. Aux électeurs blancs, pour lesquels le patriarche représenterait un repoussoir, un tract sans.

La riposte des rangs insoumis ne s’est pas faite attendre. D’abord les lieutenants : « C’est toi la honte », a répliqué crûment sur X la députée LFI Danièle Obono. De son côté, la députée Ersilia Soudais s’est dite « soulagée qu’un homme qui n’a jamais rien compris aux luttes antiracistes ait quitté notre groupe parlementaire », tandis qu’Antoine Léaument, partageant sa « déception », a reproché au député de la Somme d’être devenu « docile » vis-à-vis « du pouvoir ».

Ensuite, les leaders du mouvement. Jeudi 12 septembre, au micro de France Inter, Eric Coquerel a vu dans les propos de François Ruffin l’attitude d’un « sécessionniste » animé par des « ambitions présidentielles », ne réussissant toutefois que difficilement à neutraliser le réquisitoire du député de la Somme. Le soir même, c’est le bras droit de Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, qui a cette fois-ci pris la plume. Pour le coordinateur de la France insoumise, le fondateur du média Fakir répand des accusations « injustes, blessantes et douloureuses » et reprend un réquisitoire qui est « l’apanage de l’extrême droite » et « un mode de pensée réactionnaire, pas très éloigné malheureusement de celui des inventeurs du concept de grand remplacement ».

Au sein du Nouveau Front populaire, la gauche s’était déjà déchirée sur la désignation d’un éventuel Premier ministre. L’ouverture de ce nouveau front ne manquera pas de venir fissurer encore un peu plus ce fragile édifice bâti à la hâte avant les législatives, dont les principaux chefs de file ont néanmoins d’ores et déjà fait savoir qu’ils déposeraient une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier.

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