Les États opposés à l’exploitation minière sous-marine et ceux qui défendent cette potentielle activité controversée ont chacun défendu leurs positions en Jamaïque, mercredi. « Nous avons le devoir de débattre de ces sujets fondamentaux dans cette assemblée », a insisté Hervé Berville, rejoint dans sa demande par d’autres pays comme le Chili et le Costa Rica. L’État-parti chinois a réussi pour l’instant à empêcher la tenue d’un débat officiel sur le sujet, selon l’AFP.
En vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) est chargée à la fois de protéger le plancher océanique des zones hors des juridictions nationales sous son contrôle, et d’y organiser les activités liées aux minerais convoités. Cet organisme basé en Jamaïque — et qui pour l’instant n’octroie que des permis d’exploration — négocie depuis dix ans un code minier pour fixer les règles d’une éventuelle exploitation du nickel, cobalt ou cuivre dans ces grands fonds marins classés « patrimoine commun de l’humanité ». Selon certains industriels, ces métaux sont primordiaux pour la transition énergétique, en particulier les batteries des véhicules électriques.
Mais, depuis le 9 juillet, n’importe quel État peut déposer une demande de contrat d’exploitation pour une entreprise qu’il sponsorise, grâce à l’expiration d’une clause déclenchée en 2021 par le gouvernement de Nauru, permettant de réclamer l’adoption du code minier sous deux ans. Dans ces conditions, Nauru — petit État insulaire du Pacifique — a assuré qu’il solliciterait « bientôt » un tel contrat pour Nori (Nauru Ocean Resources Inc.) qu’il sponsorise.
L’entreprise, qui est une filiale du canadien The Metals Company, vise à récolter des « nodules polymétalliques » dans la zone de fracture de Clarion-Clipperton (CCZ), dans le Pacifique. Selon l’AIFM, la CCZ recèle environ 21 milliards de tonnes de nodules, soit une possible réserve de 6 milliards de tonnes de manganèse, 270 millions de tonnes de nickel et 44 millions de cobalt, « ce qui dépasse les réserves connues » de ces trois minerais sur terre.
« Risque de dommages irréversibles pour nos écosystèmes marins »
« Une batterie dans un caillou », résume The Metals Company, qui assure qu’ils sont « la voie la plus propre vers les véhicules électriques ». Cependant, de nombreuses ONG et scientifiques alertent depuis des années sur les menaces de dommages inestimables à des écosystèmes profonds encore peu connus.
« Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas nous lancer dans une activité industrielle nouvelle alors que nous ne sommes pas encore capables d’en mesurer pleinement les conséquences, et donc de prendre le risque de dommages irréversibles pour nos écosystèmes marins », a déclaré le secrétaire d’État français à la Mer, Hervé Berville.
« Notre responsabilité est immense et aucun d’entre nous ici dans cette salle ne pourra dire qu’il ignorait l’effondrement de la biodiversité marine, l’élévation du niveau de la mer ou encore l’augmentation brutale de la température des océans », a-t-il lancé mercredi dernier, lors de la réunion annuelle des 168 États membres de l’Autorité internationale des Fonds marins (AIFM) à Kingston.
La France fait partie de la vingtaine de pays qui réclament désormais une « pause de précaution » avant la possible extraction du nickel, cobalt ou cuivre que recèlent des fonds marins riches d’une biodiversité encore largement méconnue. Outre la France, de plus en plus d’États relaient cette inquiétude : Suisse, Canada, Australie, Belgique, Brésil et d’autres ont insisté à Kingston pour que l’exploitation ne puisse commencer en l’absence de règles rigoureuses.
« L’enjeu est de poser le sujet sur la table, d’avoir un débat qui n’a jamais eu lieu », a indiqué à l’AFP le secrétaire d’État français à la Mer, Hervé Berville, espérant que cela fera « cheminer d’autres pays ».
La Chine communiste s’y oppose
Si les défenseurs d’un moratoire se réjouissent d’un certain élan politique, ils sont toutefois loin d’être majoritaires. Preuve en est la résistance de plusieurs pays, notamment la Chine, qui ont réussi pour l’instant à empêcher la tenue d’un débat officiel sur cette question à l’Assemblée de l’AIFM qui s’est terminée vendredi 28 juillet.
En mars dernier, un article du quotidien China Daily, soutenu par le Parti communiste chinois (PCC), a clairement indiqué que la Chine communiste allait intensifier ses efforts en matière d’exploitation minière en eaux profondes. Il cite le directeur adjoint du Centre chinois de recherche scientifique sur les navires, qui qualifiait cette industrie de « nouvelle frontière de la concurrence internationale ».
En 2019 déjà , Michael Lodge, secrétaire général de l’AIFM, a déclaré lors de sa visite à Pékin que la Chine communiste pourrait « facilement » devenir le premier pays au monde à commencer à exploiter les minéraux des fonds marins si les règles internationales d’exploitation étaient approuvées dans les années à venir.
L’AIFM a déjà signé 30 contrats d’exploitations avec des gouvernements, des instituts de recherche et des entités commerciales pour la phase d’exploration. L’État-parti chinois en détient 5, le plus grand nombre de contrats. Par ailleurs, « la Chine possède plus de zones d’exploration minière dans les eaux internationales que n’importe quel autre pays », comme l’explique Stef Kapusniak, ingénieur chez SMD.
Cependant, « le consensus scientifique actuel suggère que l’exploitation minière en eaux profondes sera très dommageable pour les écosystèmes océaniques », selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement datant de 2022. Plus de 700 experts en sciences marines et responsables politiques ont signé une pétition appelant à une « pause » dans l’exploitation minière en mer jusqu’à ce que des recherches plus approfondies aient été menées.
« L’extraction minière sous-marine abîmerait le plancher océanique, mais aurait aussi un impact plus large sur les populations de poissons, les mammifères marins, et le rôle essentiel de régulation du climat des écosystèmes profonds », a souligné le représentant du Vanuatu, Sylvain Kalsakau.
Mauvaise réputation en matière d’écologie et de droits de l’homme
La Chine communiste domine le traitement et le raffinage du lithium, du cobalt, du cuivre, du manganèse, du nickel, du zinc, du chrome, de l’aluminium et des terres rares, ainsi que la fabrication de technologies telles que les panneaux solaires, les éoliennes et les batteries pour véhicules électriques, qui nécessitent des minéraux dits de transition. Mais derrière cette domination du PCC se cachent de nombreuses violations vis-à-vis de l’environnement et des droits de l’homme liées à ses investissements dans les minéraux de transition à l’étranger au cours des deux dernières années.
En effet, le Business & Human Rights Resource Centre (BHRRC), un organisme de surveillance des entreprises qui suit l’impact local de milliers d’entreprises internationales, a identifié 102 abus présumés en 2021 et 2022 liés à des intérêts miniers chinois dans 18 pays.
Le plus grand nombre d’abus présumés commis par le PCC — 27 — a été enregistré en Indonésie, qui possède la plus grande réserve de nickel au monde, suivie du Pérou, de la République démocratique du Congo, du Myanmar et du Zimbabwe. Plus de 70 % des violations présumées ont été documentées dans ces cinq pays où la mauvaise gouvernance et les violations des droits de l’homme ont été largement signalées. Un autre point commun est que la Chine communiste est un partenaire économique majeur de chacun de ces cinq pays.
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