« On est dans une bulle »: à 18.000 km de Paris, la Nouvelle-Calédonie, qui vote sur son indépendance de la France dimanche, est l’un des très rares territoires au monde à avoir échappé à l’épidémie de Covid-19, et ses habitants mènent une vie « normale ».
« On sort, on voit nos amis, on va voir des spectacles, sans masques et sans gestes barrières », explique à l’AFP Yoanna Wiard, directrice des ressources humaines d’une grande entreprise calédonienne. « On vit tout à fait normalement et on sait combien on a de la chance », alors que la pandémie a déjà fait plus d’un million de morts dans le monde.
« Le masque, vous n’allez pas le trouver chez nous », confirme Viannick, 46 ans, habitante autochtone de la Calédonie qui vit à Koumac, (nord). « On a une vie à peu près normale, mais on sait qu’on a une épée de Damoclès au dessus de la tête », nuance-t-elle.
Référendum sans masque ce dimanche
Comme tous les électeurs du référendum, elle ira voter dimanche « sans masque ».
Dimanche, les Calédoniens sont appelés à voter pour le maintien ou non de ce territoire ultra-marin dans la France.
Un premier référendum avait été organisé le 4 novembre 2018 et s’était conclu par la victoire du « non » à l’indépendance (56,7%) de ces îles situées dans le Pacifique et la mer de Corail.
Tous les cas de Covid guéris
Sur les 270.000 habitants du territoire, seuls 27 cas de coronavirus, tous importés, ont été recensés à ce jour dans l’archipel, qui a été le territoire français au confinement le plus court (24 mars/20 avril). Le seul autre territoire totalement épargné est Wallis-et-Futuna, également dans le Pacifique.
Tous les cas de Covid sont par ailleurs guéris, à l’exception du dernier, identifié vendredi dernier, auprès d’une personne venant de métropole et placée en quatorzaine.
Car depuis le 20 mars, les vols internationaux ont été drastiquement réduits et tout arrivant est obligatoirement placé en quatorzaine dans des hôtels réquisitionnés par le gouvernement. Un test PCR doit être effectué avant le départ et un autre avant la sortie de l’hôtel.
« Nous sommes un petit village de Gaulois qui résiste »
Le gouvernement calédonien, autonome en matière de santé, a décidé de prolonger ce dispositif jusqu’au 27 mars 2021. « Nous sommes un petit village de Gaulois qui résiste. Tout autour de nous, le monde connaît une recrudescence du virus et nous avons donc la responsabilité de maintenir la Nouvelle-Calédonie dans cette situation favorable », a expliqué le président du gouvernement collégial, Thierry Santa.
Résultat, « tout le monde a revu ses plannings de grandes vacances (de décembre à fin février) », admet Yoanna Wiard. « Au lieu de partir, les Calédoniens vont faire vivre l’économie calédonienne », ajoute-t-elle.
« C’est contraignant », reconnaît Viannick, qui attend avec impatience que son fils, coincé depuis décembre au Canada par la raréfaction des vols, sorte enfin de sa quatorzaine. « Mais on préfère qu’ils ne lâchent personne dans la nature, on est en sécurité », souligne-t-elle.
« Conscience que ce virus là est dangereux »
« Dans les tribus, on a pris conscience que ce virus là est dangereux », poursuit Viannick. « On se lave plus les mains, on tousse à l’écart, les plus âgés sont très protégés. Si je rencontre une personne que je ne connais pas, je ne lui tends plus la main », avoue-t-elle, « alors que l’Océanien est d’habitude très famille, très tactile. On aime bien s’enlacer, mais la coutume a été bouleversée ».
Car chez les kanak, le Covid-19 rappelle l’introduction par les Occidentaux, à partir de la fin du XVIIIe siècle, de virus à l’origine d’épidémies meurtrières. Les chefferies coutumières ont même interdit depuis fin février l’accostage de navires de croisière, pourtant source de revenus.
L’inquiétude gagne toutefois le monde économique, 73% des entreprises locales ayant enregistré une baisse de chiffre d’affaires sur les six derniers mois, selon une étude de la Chambre de commerce et d’industrie réalisée en août.
On manque de visibilité sur « l’avenir », déplore Xavier Benoist, président de la Fédération des industries.
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