Gabriel Boric est devenu officiellement vendredi à 36 ans le plus jeune président du Chili lors d’une cérémonie de prestation de serment préfigurant de profonds changements qu’il entend mener à la tête d’un gouvernement qu’il veut écologiste, féministe et à la forte empreinte sociale.
Visiblement ému lors de l’hymne chilien, ceint de l’écharpe tricolore que venait d’abandonner peu avant son désormais prédécesseur, Sebastian Pinera (2010-2014, 2018-2022), Gabriel Boric a juré, selon la tradition, de respecter la Constitution « devant le peuple chilien », mais s’est empressé d’ajouter : « tous les peuples chiliens », une référence aux peuples autochtones, notamment Mapuches.
Les 24 ministres de son gouvernement, de 42 ans de moyenne d’âge et majoritairement composé de femmes (14 sur 24), notamment aux postes régaliens de l’Intérieur, la Défense ou des Affaires étrangères, ont ensuite également prêté serment.
Une vingtaine de dignitaires internationaux ont assisté à l’adoubement du représentant d’une nouvelle génération de la politique chilienne, dont les présidents argentin Alberto Fernandez, péruvien Pedro Castillo, uruguayen Luis Lacalle Pou, bolivien Luis Arce ou le roi Felipe VI d’Espagne.
Relever les défis
A l’issue de la cérémonie au siège du Parlement à Valparaiso (150 km au nord-ouest de Santiago) d’où le nouveau président est sorti au bras de sa compagne, la nouvelle Première dame Irina Karamanos, Gabriel Boric a dit ressentir un « grand sens des responsabilités et du devoir envers le peuple ».
« Nous allons faire de notre mieux pour relever les défis que nous avons en tant que pays », a-t-il ajouté avant de monter à bord d’une voiture décapotable conduite, pour la première fois dans le protocole, par une femme.
En soirée depuis le palais à la Moneda, à Santiago, où est attendue une immense foule pour le saluer, le nouveau président s’adressera à la Nation.
Tenir les promesses
L’ex-leader étudiant, député depuis 2014, qui comme à son habitude ne portait pas de cravate, doit maintenant s’attacher à tenir les promesses qui l’ont porté au pouvoir et ont soulevé un immense espoir parmi ses soutiens. Il s’était dit « convaincu que la grande majorité des Chiliens exigent des changements structurels ».
Héritier politique de la révolte sociale qui a secoué le Chili en 2019, considéré jusqu’alors comme le pays le plus stable de la région, le président élu en décembre à la tête d’une coalition de gauche doit trouver des réponses aux demandes de transformation des systèmes de santé, d’éducation et de retraite ainsi qu’aux exigences de réduction des inégalités.
Selon lui la solution passe par l’instauration d’un Etat-providence inspiré de la social-démocratie européenne et la rupture avec le néolibéralisme dont le Chili a été le laboratoire sous la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).
Instauration d’un Etat-providence
Si les résultats économiques du Chili depuis trente ans ont été salués et enviés, ils ont été obtenus au prix de grandes inégalités (1% de la population possède 26% des richesses, selon l’ONU) et ont conduit aux violences de 2019.
Le président sortant avait été forcé de céder à la demande de rédaction d’une nouvelle Constitution. Après l’élection des membres d’une Assemblée constituante, son élaboration est en cours et sa nouvelle version sera soumise à référendum courant 2022.
« On ne commence pas un nouveau chapitre de notre histoire démocratique. On ne part pas de zéro, il existe une histoire avant nous qui nous élève et nous inspire », avait cependant tempéré M. Boric le 21 janvier lors de l’annonce de son gouvernement qu’il veut également « écologiste ».
« Boric commence dans un climat favorable de l’opinion publique, grâce au capital politique qu’il a obtenu lors des élections et avec la nomination de son gouvernement » ouvert à diverses sensibilités, augure Marco Moreno, directeur de l’école de Sciences politiques de l’Université centrale du Chili.
Mais il devra réformer en rassemblant un Parlement loin d’être acquis à sa cause: « le grand défi que Boric devra relever est d’instaurer un dialogue pour surmonter les obstacles législatifs afin d’avoir la capacité de financer ses désirs d’Etat-providence », estime M. Rodrigo Espinoza, universitaire à l’Université Diego Portales.
Il devra également faire face à la méfiance des élus radicaux de droite et de gauche quant à sa capacité à réaliser les changements sociaux qu’il promet alors que sa marge de manœuvre est réduite par le ralentissement de l’économie chilienne.
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