Epoch Times s’est entretenu avec Gérald Olivier, journaliste franco-américain et chercheur à l’Institut Prospective et sécurité en Europe, sur les dernières élections aux États-Unis et les deux grands acteurs politiques concernés, Joe Biden côté démocrate et Donald Trump côté républicain.
EPOCH TIMES : D’une manière générale, comment voyez-vous les résultats des élections qui viennent d’avoir lieu aux États-Unis et le contexte politique dans lequel elles ont eu lieu ?
GERALD OLIVIER : C’est une déception. Pour le camp républicain et pour les supporters de Donald Trump. La politique menée par l’administration Biden en place depuis deux ans a des résultats qui, objectivement parlant, ne peuvent être décrits autrement que par le mot désastreux. L’inflation est plus forte que ce qu’elle a été depuis 40 ans. Le prix de l’essence, qui fait partie de l’inflation, a été multiplié par trois. Le prix du chauffage aussi, on en parle moins, mais les Américains eux aussi ont froid l’hiver et ça coûte cher de se chauffer. La frontière mexicaine est une passoire, une passoire honteuse, délibérée. Il n’y a jamais eu autant de gens qui sont rentrés de manière illégale aux États-Unis : plusieurs millions de personnes en 18 mois, c’est considérable et sans précédent. Il y a une perte d’influence sur la scène internationale, aussi bien avec le fiasco afghan qu’avec la guerre en Ukraine…
Par ailleurs, la criminalité explose aux États-Unis, la criminalité violente dans les ghettos noirs et la criminalité de tous les jours dans tous les autres quartiers. Un certain nombre de procureurs de gauche ont décidé que la justice était raciste parce que, statistiquement, les personnes des minorités ethniques, noires surtout, sont sur-représentées au sein de la population carcérale et des personnes avec un casier judiciaire, donc ces procureurs refusent de condamner et même de poursuivre les criminels. Il s’agit de faire changer les statistiques en cessant de les arrêter. Mais ces criminels ne cessent pas pour autant de commettre des crimes. Simplement ces crimes sont impunis et donc se multiplient. Les centre-villes de certaines métropoles des États-Unis sont devenus des zones à éviter. Il y a de plus en plus de quartiers où vous n’allez plus parce que vous ne voulez pas prendre le risque qu’il vous arrive quelque chose. À San Francisco par exemple, le quartier des grands magasins, l’équivalent de notre boulevard Haussmann, est une zone dévastée parce que prise d’assaut par la petite criminalité.
Au vu de cette situation, les observateurs s’attendaient à un vote sanction contre les démocrates et une adhésion franche aux candidats républicains. À la place, nous avons assisté à une victoire très étriquée des républicains. La fameuse « vague rouge » n’est pas venue. La question est de comprendre pourquoi. Pour moi, il y a trois explications possibles.
La première, c’est que la situation telle que les républicains la perçoivent, et telle que je viens de vous la décrire, n’est pas perçue comme si catastrophique par un certain nombre d’Américains. Après tout, si vous êtes aisé financièrement, le prix de l’essence ou le prix du chauffage comptent moins pour vous. Et pour les Américains les plus riches, ceux des métropoles, ces questions de pouvoir d’achat peuvent paraître secondaires.
Deuxième explication, les démocrates ont mené une campagne de diabolisation du Parti républicain, des supporters de Trump et des candidats soutenus par Trump qui a porté ses fruits. À force de répéter que les Américains « MAGA », c’est-à-dire ceux qui se rassemblent derrière le slogan « Make America Great Again », sont des extrémistes et des terroristes de l’intérieur, Joe Biden, les démocrates et les médias ont réussi à convaincre les électeurs indépendants de se tourner vers ces candidats. Cela suffit à faire la différence.
Troisième explication, ce sont les républicains qui n’ont pas réussi à convaincre. Soit ils ont mal fait campagne, soit ils ont des candidats qui n’étaient pas suffisamment qualifiés.
Mitch McConnell, le président du groupe des sénateurs républicains, n’a pas joué son rôle. Il n’a pas investi suffisamment d’argent pour soutenir tous les républicains candidats au Sénat. Il porte une part de responsabilité.
D’un autre côté, lorsque vous êtes candidat républicain, surtout d’une certaine tendance, vous avez contre vous la presse locale, la presse nationale, les grands artistes, les influenceurs, Twitter, Facebook, Google. C’est le handicap des candidats conservateurs dans un monde dominé par la pensée unique. Il existe une collusion d’intérêts divers qui se rejoignent dans un même rejet de votre point de vue et qui vont donc agir contre vous. Et l’on constate qu’il y a eu un petit peu plus de candidats pro-Trump, donc d’une aile assez radicale du Parti républicain, qui ont été boudés par l’électorat après avoir subi les critiques de cette collusion d’intérêts.
Les démocrates en 2020 ont déjà réussi à faire élire Joe Biden, non pas sur Joe Biden, mais contre Donald Trump. En 2022, ils ont encore fait campagne contre Donald Trump et contre le mouvement « MAGA ». Et d’une certaine façon, cela a marché. C’est un vrai problème pour les républicains, sachant qu’en termes d’influence médiatique, les démocrates sont très puissants.
On a aussi entendu parler de l’hypothèse d’une « vague blanche » des votes par correspondance. L’idée est que les républicains, en décriant ce mode de vote, l’ont découragé chez leurs électeurs. Cela les a privés aussi d’un certain nombre de votes potentiels, facilitant la victoire démocrate.
Je suis d’accord, la technologie progresse et le monde change. Avant la pandémie, le vote par correspondance était relativement exceptionnel. Aujourd’hui, il est devenu un mode de vote plus commun, très populaire auprès des électeurs qui veulent voter à l’avance. C’est un moyen de favoriser la mobilisation. Car les électeurs qui ont l’intention de se déplacer le jour du vote peuvent toujours rencontrer un problème ou avoir un empêchement qui les prive de voter. On dit en anglais « if you can’t beat them join them », « si vous ne pouvez pas vous débarrasser du système, tournez-le à votre avantage ». Les républicains vont devoir prendre cela en compte et développer une stratégie du vote par correspondance.
Concernant les candidats proches de Donald Trump, comment analysez-vous leur résultat ?
Beaucoup ont gagné mais les duels phares ont tourné à l’avantage des démocrates, notamment dans le Nevada, dans l’Arizona et en Pennsylvanie. En Géorgie, les deux candidats sont à égalité et s’affronteront dans un troisième tour début décembre. Toutefois les médias ont titré sur une défaite pour Trump, ce qui n’est pas forcément le cas. D’autant que très souvent les duels ont été très serrés, les candidats qui ont perdu ont perdu de très peu.
Pourquoi ? Il est possible que certains électeurs républicains ne soient pas allés voter pour ne pas donner leur voix à un candidat « trumpiste ». Je n’y crois pas. Je crois plutôt que ce sont les indépendants qui ont fait la différence. Les élections aux États-Unis se jouent souvent au centre. Il faut aller chercher les électeurs indépendants qui passent d’un camp à l’autre. Et peut-être que certains indépendants n’ont pas voulu voter pour des candidats pro-Trump, non pas par désaccord avec leurs propositions, mais bien plus à cause de tout ce qu’on a dit autour de Trump et de l’incessant battage médiatique anti-Trump. Et il est vrai que sous Trump, le quotidien était plus chaotique que sous Joe Biden. 2020 a été l’année des émeutes, suite à la mort de George Floyd et le cycle électoral s’est achevé sur les incidents du 6 janvier 2021. Depuis que les démocrates sont au pouvoir, la rue américaine est calme. Les seules tensions récentes ont touché à la question de l’avortement depuis la décision de la Cour suprême, d’invalider son autorisation sur tout le territoire fédéral.
Quand il y a une défaite, il faut des coupables ! Que ce soit des boucs émissaires ou pas. Le coupable évident et le plus facile à pointer du doigt, c’est Trump.
Pour certain républicains, Donald Trump est très encombrant. Il y a ceux qui n’ont jamais voulu se joindre à lui, les « never Trumper ». Puis il y a ceux qui le suivaient bon gré mal gré, tant que c’était bénéfique au parti, on y va. Ils le supportaient tant qu’il gagnait. À partir du moment où il ne gagne plus, ils vont vouloir se débarrasser de lui. Lui mettre un échec électoral sur le dos est le prétexte idéal.
Certains républicains rêvent de passer à la suite. Il y a un tas de gens qui attendent derrière, dont Josh Hawley, sénateur du Missouri, ou Ron DeSantis, le gouverneur de Floride.
Les pressions vont monter pour que Trump passe la main. Regardez le revirement du New York Post, du groupe Murdoch, ou l’attitude de Fox News, également du groupe Murdock.
Avec une Chambre des représentants qui est passée sous majorité républicaine, comment voyez-vous la fin de ce mandat Biden ?
Les républicains vont quand-même prendre la présidence de la Chambre, la présidence des commissions et décider de l’agenda. Et cela change tout… C’est ce qui rattrape la déception relative des élections. Ce sont eux qui vont décider de quelles lois on débat, à quel moment on vote et comment on le fait. Donc le fait de contrôler la Chambre suffit à bloquer le président et à orienter l’agenda général. C’est fondamental. Par ailleurs les républicains peuvent – et vont – lancer des enquêtes sur les agissements d’Hunter Biden, le fils du président. Les deux dernières années du mandat de Biden vont être beaucoup plus difficile pour lui.
Enfin, les démocrates ont un autre problème, c’est Biden lui-même. D’une certaine façon, il sort renforcé de ce vote. Un président a rarement été aussi peu désavoué que lui. Obama devrait avoir honte. Obama avait perdu 63 sièges en 2010, deux ans après une élection triomphale. Biden va en perdre une dizaine peut être. Donc il s’en sort beaucoup mieux que son mentor. Il est légitimement en droit de se présenter à un second mandat.
Si les démocrates ne sont pas d’accord parce qu’il est trop vieux, parce qu’il perd la tête, etc., il va falloir le déloger, il va falloir qu’il y ait de véritables primaires. En deux ans, les Américains se sont habitués à lui. Il y a des Américains qui aiment bien son côté « apaisant »… il marche à côté de ses pompes, mais bon, ce n’est pas si gênant. Le président dit parfois n’importe quoi, il s’adresse à des gens qui sont morts, il bafouille, il invente des mots, il perd le fil de sa pensée, paraît perdu, mais le monde ne s’est pas écroulé pour autant.
Quand on pense à l’hystérie médiatique du temps de Trump, la nonchalance actuelle peut séduire certains Américains… La situation est chaotique à la frontière mexicaine, mais seuls ceux qui vivent le long de la frontière en souffrent. L’administration peut nier le problème, d’autant que les médias refusent de s’y intéresser. La bourse a perdu 20 %, mais elle va peut-être les regagner. Tant que les médias seront derrière Biden, comme ils l’ont été depuis son entrée en campagne, les électeurs démocrates suivront. Biden a droit à un deuxième mandat, comme tout président. S’il a envie de se présenter, les démocrates devront laisser les électeurs trancher lors de primaires.
Les républicains, quant à eux, vont devoir se trouver un candidat qui peut gagner malgré tout. Et la question que tout le monde se pose aujourd’hui, c’est : est-ce que Trump peut encore gagner ?
Justement, Ron DeSantis semble être l’un des grands gagnants de cette élection côté républicain…
C’est vrai. C’est le grand vainqueur du scrutin. Il a été réélu avec une majorité écrasante. En tant que gouverneur, il a mené une politique indépendante. Il s’est beaucoup battu contre l’administration pendant le Covid parce qu’il était contre la généralisation du port du masque. Il était contre la fermeture des écoles, il était contre la vaccination obligatoire, il était contre le confinement. Donc sur tous les points, il avait une position qui était opposée à celle mise en avant par le Docteur Fauci, le CDC et Washington. Il a montré une certaine indépendance d’esprit. Il a montré une forte volonté de maintenir l’économie en marche. Cela a très bien fonctionné.
Puis il n’a pas hésité à s’attaquer à de grands groupes, comme Disney. Disney est très important en termes de revenus fiscaux pour la Floride. Le groupe emploie énormément de monde et attire des millions de visiteurs. DeSantis n’a pas hésité à s’attaquer à ce groupe de front pour dénoncer leur promotion de la cause gay, trans et lesbienne ainsi que la question des genres, qui sont pour lui des attaques contre les valeurs familiales traditionnelles. Les électeurs ont manifestement apprécié cette attitude.
Après l’annonce de la candidature de Trump, comment voyez-vous la situation politique évoluer, que ce soit dans le parti républicain avec Trump et ses possibles futurs challengers comme DeSantis, et entre les deux grands partis ?
Donald Trump est un battant qui va toujours jusqu’au bout de ses engagements. Rien ne le fera renoncer à se présenter en 2024. Sauf les électeurs républicains, s’ils le rejettent lors des élections primaires, mais c’est peu probable. C’est le gros problème auquel sont confrontés les dirigeants du Parti républicain et les sympathisants de la cause républicaine. Donald Trump est le favori pour emporter la nomination républicaine. Mais ses chances de remporter l’élection générale sont faibles. Parce qu’il y aura un « front anti-Trump », comme il y a eu en France un front anti-Marine Le Pen, lors de la présidentielle.
La seule chance de Donald Trump est de faire évoluer son personnage, de mettre 2020 derrière lui. De contenir son ego et de se focaliser sur un programme de croissance pour l’Amérique, et sur la corruption du système démocrate en général et du clan Biden en particulier. Ce sera difficile. Les enquêtes contre Hunter Biden pourront l’aider mais lui-même devra se battre contre le procureur spécial que le ministre de la Justice vient de nommer contre lui.
Rappelons que le président Biden s’est engagé publiquement à tout mettre en place pour « empêcher » Trump d’être candidat. La phrase en dit long sur la volonté de son administration d’utiliser tous les pouvoirs à sa disposition pour éliminer cette opposition politique. Et son ministre de la Justice vient d’agir comme s’il était aux ordres.
Les pseudo-défenseurs de la démocratie, tous ceux qui dénoncent la menace représentée supposément par Trump et ses supporters auraient dû être effrayés par une telle phrase, qui illustre une dérive totalitaire, mais cela n’a pas été le cas. Les démocrates aux États-Unis agissent comme s’ils avaient un monopole sur la démocratie et comme si le débat se réduisait à leurs seules idées.
Trump et les républicains sont devant un gigantesque défi.
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