Lors d’une conférence à l’Assemblée Nationale de Paris le 3 décembre, présidée par la député et ancien ministre Françoise Hostalier, intitulée «Prélèvements meurtriers: assassinats des pratiquants de Falun Gong pour leurs organes», journalistes, défenseurs des droits de l’homme et chirurgiens transplanteurs ont partagé leurs analyses, arrivant à des conclusions sans concession.
Avant de rentrer dans le vif du sujet de son dernier livre «Bloody Harvest» (Moisson macabre), l’ancien Secrétaire d’Etat canadien David Kilgour a pris soin de rappeler qu’il aime la Chine et est passionné des cultures asiatiques. En effet, comme toute personne qui «critique» la situation des droits de l’homme en Chine, il explique avoir été accusé par les autorités chinoises d’être «anti-Chine».
Avec ses 340 camps de travaux forcés non soumis au système judiciaire, la Chine emprisonne 300.000 criminels présumés et des «ennemis d’Etat» sans s’embarrasser de procédures légales. Parmi ces prisonniers on trouve en masse des membres du mouvement bouddhiste Falun Gong; ils représenteraient, selon un rapport du gouvernement américain de 2007, la moitié de la population carcérale chinoise.
David Kilgour explique avoir réuni 52 preuves qui convergent toutes vers la même conclusion: en Chine, l’armée et les hôpitaux militaires, parfaitement organisés sous l’autorité du Parti-Etat, exécutent des membres du Falun Gong pour profiter de leurs organes dans le cadre d’un commerce très lucratif.
Parmi ces 52 preuves de la «moisson macabre» d’organes sur des pratiquants de Falun Gong, citées par David Kilgour:
– dans les camps de travaux forcés (laogai), seuls les membres de Falun Gong sont soumis à des examens médicaux – dont on imagine bien qu’ils ne visent pas à leur bien-être si l’on considère les conditions sanitaires abominables qui règnent dans les camps chinois ;
– depuis 2007 les exécutions de condamnés à mort, qui permettent les greffes d’organes depuis les années 90 en Chine, ont diminué or les greffes, elles, ont continué d’augmenter ; la seule question qui demeure : quel groupe de détenus sert de banque d’organes ? Selon les nombreux témoignages que David Kilgour a recueillis par téléphone en Chine, tout confirme que les pratiquants de Falun Gong sont une banque d’organes privilégiée par le régime chinois.
Contrairement à ce que prétend le régime chinois, David Kilgour précise qu’il ne pratique pas lui-même le Falun Gong, tout comme Michel Wu, ancien chef du service Chine de Radio France International, qui intervenait à ses côtés à l’Assemblée Nationale. Les rapports sur les prélèvements d’organes à vif sur des pratiquants de Falun Gong que David Kilgour a produits avec son ami de longue date, David Matas, autre avocat des droits de l’homme engagé sur d’autres causes humanitaires internationales, sont donc bien des rapports indépendants.
Michel Wu rappelle que le Parti communiste chinois rassemble à lui seul les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Cet ancien journaliste de l’agence de presse officielle chinoise Xinhua a fui la Chine au moment du massacre de Tiananmen, il a poursuivi sa carrière à la tête du Service Chine de Rfi, et explique que depuis 60 ans, «80 millions de Chinois innocents ont péri dans les campagnes politiques menées au nom de la dictature prolétarienne» et que cela continue de plus belle dans un système où pour les hauts responsables du Parti tous les moyens sont permis pour s’enrichir. «Quand les condamnés à mort ne peuvent plus satisfaire à la demande d’un marché [de greffes d’organes] florissant, tombent à point nommé les pratiquants de Falun Gong qui sont ravalés au rang du paria, dont on peut disposer à sa guise parce qu’ils pratiquent une philosophie à l’opposé de la lutte de classes.»
Le président de l’Association Falun Gong France, M. Alain Tong rappelle que récemment encore, des médias chinois ont révélé que deux militaires chinois avaient été promus à de hauts grades militaires pour s’être distingués dans la collecte des organes de membres du Falun Gong. Une preuve de plus selon lui que non seulement les meurtres pour prélever des organes ne sont pas punis par les autorités chinoises mais sont encouragés, et que le Falun Gong constitue bien une cible prioritaire officielle.
«La société [de transplantation] britannique a été la première société à crier haut et fort que des agissements de la sorte et que la commercialisation des organes se faisait en Chine, que les Falun Gong en étaient les premières victimes» confirme le Professeur Navarro, du CHU de Montpellier. «Je suis heureux que vous ameniez toutes ces preuves car nos petites voix de médecins transplanteurs ne sont pas entendues car il y a d’autres problèmes qui viennent se greffer.»
Le Professeur Navarro explique que, invité en Chine pour former des médecins chinois aux greffes d’organes, il a pu découvrir une réalité effrayante, qui l’a conduit à mener sa propre enquête. C’est ainsi que, alors qu’il se faisait passer pour un patient en attente de greffe, il a entendu la coordinatrice des transplantations d’un hôpital militaire dire: «Dépêchons-nous, il faut procéder à toutes les exécutions avant le Nouvel an chinois».
De manière surprenante, le plus difficile n’est pas d’évaluer l’ampleur du crime en Chine mais de faire face aux résistances des médecins et des institutions occidentales. Lorsqu’en janvier 2007 le professeur Navarro** se préparait à répondre à une interview du magazine Marianne «Le Pr Navarro ne greffera pas en Chine», il a reçu un e-mail d’un ministère français l’exhortant à «ménager ses propos» et à respecter son «devoir de réserve» et des confrères l’ont durement critiqué pour ses positions. Si le Professeur Navarro n’était pas étonné que dans un pays instable comme le Pakistan, où le trafic d’organes est orchestré par une mafia liée au pouvoir officiel, il ait dû risquer sa vie pour rapporter des preuves du commerce criminel des organes, il semble plus démuni face aux résistances de ses confrères français et d’institutions médicales françaises telles que la Société Française de Transplantation. «Nous avons l’impression de ne pas être écoutés» s’inquiète-t’il. Il a été un des premiers à dire haut et fort que le Falun Gong était la première victime de ce trafic macabre en Chine, découverte politiquement gênante dont l’enquête de David Kilgour prouve la réalité.
Le Professeur Yves Chapuis, un des pionniers de la transplantation en France, confirme: «Je crois que s’agissant des condamnés du Falun Gong, et d’autres prisonniers chinois, c’est vrai que pendant un certain temps, la communauté des transplanteurs a été, et la population, ont été sceptiques; maintenant je crois que la réalité est démontrée d’une façon éclatante, ce qui accentue encore l’angoisse que nous avons.» Le professeur Chapuis, qui préside la Commission «Ethique et Droit» de l’Académie de Médecine, rappelle la complexité de la situation et sa dimension politique puisque de nombreux médecins français et jusqu’à de grands organismes de recherche comme l’INSERM collaborent avec des centres de transplantations en Chine. Sans compter qu’ «un de nos présidents de la République, le précédent, est allé inaugurer un institut [de transplantation en Chine]; vous voyez donc cette espèce d’ambigüité extraordinaire dans laquelle nous nous trouvons.»
La blogueuse Catherine Coste*** pense que les médecins et activistes des droits de l’homme qui cherchent à informer sur le sujet ne sont pas entendus car le trafic d’organes pratiqué dans certains pays tels que la Chine, le Pakistan, l’Iran ou l’Argentine, profite à certains médecins et institutions médicales en Occident.
C’est pour toutes ces raisons que David Kilgour pense que l’on ne pourra endiguer le trafic d’organes qu’à l’aide d’une législation internationale semblable à celle relative au tourisme sexuel – en permettant de poursuivre un coupable présumé non seulement dans le pays du délit mais aussi dans son propre pays. Ce devrait être le prochain chantier législatif pour les députés français présents à la conférence.
* Coalition pour Enquêter sur la Persécution du Falun Gong (CIPFG)
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