Ces collines de l’arrière-pays, au confluent des districts de Coimbra, Viseu, Guarda et Castelo Branco, ont été frappées par les feux de forêt les plus meurtriers de l’histoire du Portugal, avec 64 morts en juin et 41 nouvelles victimes depuis dimanche.
Depuis janvier, quelque 280.000 hectares sont partis en fumée dans cette région du « Pinhal interior » (Pinède intérieure), soit environ 80% de la surface brûlée dans tout le pays, selon les estimations du Système européen d’information sur les feux de forêt.
« C’est une région où l’exode rural a été particulièrement intense. Ceux qui y vivent encore sont essentiellement des personnes âgées, dispersées dans de nombreux petits villages en pleine forêt », explique à l’AFP le professeur Rui Amaro Alves, spécialiste de l’aménagement du territoire à l’Institut polytechnique de Castelo Branco.
Les champs et les pâturages sont abandonnés, les forêts ne sont plus entretenues et les sous-bois facilitent la propagation du feu, surtout avec la sécheresse sévère qu’a connu le Portugal cette année.
Et, dit le professeur, l’eucalyptus y est particulièrement répandu, alors qu’il flambe comme une torche.
Les populations appauvries le plantent pour le vendre à l’industrie du papier. « C’est un arbre assez rentable qui ne demande aucun entretien et pousse très vite », précise un haut-fonctionnaire à l’AFP sous couvert d’anonymat.
« Pour des gens qui vivent d’une agriculture de subsistance, ce revenu est essentiel », souligne ce fonctionnaire, qui a participé au recensement des dégâts provoqués par l’incendie de juin à Pedrogao Grande.
Sur ce territoire où les propriétés sont extrêmement morcelées, la forêt arrive jusqu’aux portes des villages et au bord des routes, qui ne fonctionnent plus comme coupe-feu.
« Cela fait longtemps que nous essayons d’aménager la forêt pour éviter les incendies », dit Carlos Fonseca, un biologiste de 42 ans, qui possède de nombreux terrains dans la commune de Penacova.
« Les zones où les arbousiers ont remplacé les eucalyptus et les pins ont mieux résisté au feu, cet aménagement, il faudrait le faire à plus grande échelle, poursuit-il. Le problème, c’est que pratiquement toute la forêt est privée, il y a toujours quelqu’un qui ne veut pas vendre sa parcelle et qui bloque tout le processus ».
En fait, comme il n’y a pas de cadastre des propriétés rurales au nord de Lisbonne, les pouvoirs publics « n’arrivent même pas à identifier le propriétaire de chaque parcelle » pour faire appliquer les règles de prévention des incendies, relève M. Amaro Alves.
Une réforme de l’aménagement des forêts lancée par le gouvernement en juillet prévoit une réduction progressive de la surface occupée par des eucalyptus, et la création d’un « cadastre simplifié ».
Ce spécialiste se montre toutefois pessimiste : « ce n’est pas simple à mettre en oeuvre car les gens associent l’idée d’un cadastre à la collecte d’impôts. (…) C’est déjà la troisième tentative depuis 1995 », note-t-il.
Une fois que la forêt s’embrase, les villages dépeuplés ne peuvent plus lutter par leurs propres forces. « Jusqu’aux années 1980, les populations locales étaient capables de se défendre des incendies, en livrant un combat de proximité », explique M. Amaro Alves.
« Nous n’avons jamais eu autant de moyens qu’aujourd’hui, mais les pompiers doivent venir de loin pour arriver sur un terrain qu’en plus ils ne connaissent pas », poursuit-il.
« Le problème le plus grave, c’est que le système de protection civile est incapable d’attaquer les incendies dès qu’ils se déclarent », confirme le haut-fonctionnaire interrogé par l’AFP.
Une commission indépendante chargé d’étudier les causes des incendies de juin a dénoncé des nominations sans rapport avec les compétences au sein de ce dispositif, placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.
Sous un torrent de critiques, la ministre de l’Intérieur, Constança Urbano de Sousa, a démissionné mercredi.
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