Un patient hospitalisé sur dix-huit en France est touché par au moins une infection nosocomiale : un rebond causé en partie par le Covid, selon une enquête nationale sur ces infections contractées dans un établissement de santé, responsables de plus de 4000 morts par an.
Après avoir baissé régulièrement entre 2001 et 2012, puis stagné de 2012 à 2017, la proportion de patients infectés a augmenté entre 2017 et 2022 (+14,7%), constate Santé publique France (SpF) dans un communiqué publié vendredi. Par rapport à ses voisins européens, la France se situe dans la moyenne (17e sur 31 pays en 2017 pour la prévalence nosocomiale). Il faudra attendre 2024 pour la finalisation des enquêtes menées en Europe en 2022.
4200 décès en 2022
Les autorités sanitaires estiment à quelque 4200 le nombre de décès liés à des infections nosocomiales chaque année en France. L’édition 2022 de cette enquête quinquennale de Santé publique France a été menée entre le 15 mai et le 30 juin, un jour donné, auprès de 1155 établissements de santé (soit plus de 150.000 patients).
« On s’attendait à pire »
L’épidémie de Covid a pesé, directement ou indirectement : « la proportion de patients infectés est supérieure à celle d’il y a cinq ans, mais les infections Covid nosocomiales représentent la moitié de l’augmentation », relève auprès de l’AFP Anne Berger-Carbonne, responsable de l’unité Infections associées aux soins et résistance aux antibiotiques au sein de SpF. À ses yeux, « c’est une photographie très large qui n’est pas si mal dans le sillage de la crise terrible du Covid. On s’attendait à pire ». Si l’on exclut les Covid nosocomiaux, la proportion de patients infectés en 2022 reste en hausse (+7,5%) mais « de manière non significative » par rapport à celle estimée en 2017, selon l’agence sanitaire.
Elle observe ainsi que « par rapport à 2017, les patients hospitalisés en 2022 présentaient des risques accrus de complication infectieuse », en raison de profils plus vulnérables ou de l’usage de dispositifs de soin invasifs. En 2022, l’activité des hôpitaux demeurait affectée par la pandémie de Covid mais aussi par le « virage ambulatoire » du système de santé, « de sorte que les gens hospitalisés étaient en situation plus grave », aux yeux de Anne Berger-Carbonne. Le virage ambulatoire s’accompagne d’un raccourcissement des durées d’hospitalisation, et les séjours longs sont réservés aux cas les plus graves.
Davantage d’ infections nosocomiales dans les services de réanimation
Les infections nosocomiales restent davantage constatées dans les services de réanimation (près d’un patient infecté sur quatre), qui soignent des patients plus vulnérables et exposés à des dispositifs invasifs (cathéter, assistance respiratoire, sonde urinaire). Infections urinaires, liées à une intervention chirurgicale, pneumonies, bactériémies (présence de bactéries dans le sang) restent les principales manifestations du fléau. Quatre bactéries, notamment Escherichia coli et le staphylocoque doré, sont impliquées dans près d’un cas sur deux d’infection nosocomiale à l’hôpital, quasiment comme en 2017.
Antibiothérapie pour un patient hospitalisé sur six
Autre enseignement de l’enquête : environ un patient hospitalisé sur six reçoit un traitement antibiotique, une proportion en hausse de 7,5% par rapport à 2017. « Ce n’est pas très bon signe », relève la spécialiste de Santé publique France. L’antibiorésistance – le fait que certaines bactéries finissent par devenir résistantes aux antibiotiques – est en effet considérée comme une menace majeure par les autorités sanitaires mondiales.
Un patient sur deux est traité par antibiotique en réanimation, un sur quatre dans les services de médecine ou de chirurgie, selon l’enquête de SpF. Le contexte du Covid a cependant pu modifier les priorités, avec un effort moindre sur l’usage mesuré des antibiotiques. Et « les équipes de prévention de l’antibiorésistance n’ont pas été épargnées par la crise des soignants », note Anne Berger-Carbonne.
« Renforcer les actions pour le bon usage des antibiotiques »
Pour l’agence sanitaire publique, ces résultats « incitent à poursuivre les actions de prévention » des infections nosocomiales en les ciblant sur les plus fréquentes (infections urinaires, pneumonies, infections du site opératoire, bactériémies). Il faut aussi « renforcer les actions pour le bon usage des antibiotiques ».
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