Le suspense continue en Italie : le président Sergio Mattarella a décidé jeudi de donner jusqu’à mardi aux formations politiques pour s’entendre sur une nouvelle majorité, deux jours après la chute de la coalition formée par la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement 5 Etoiles (M5S).
Peu avant l’annonce du chef de l’Etat, le Mouvement 5 Etoiles (anti-système) a donné mandat à ses dirigeants pour négocier avec le Parti démocrate (PD, centre-gauche) en vue d’un accord de coalition.
« Certaines forces m’ont demandé de vérifier » la possibilité d’une majorité au parlement, a expliqué M. Mattarella, au terme de deux jours de consultations avec l’ensemble des groupes parlementaires.
Mais il faut faire « vite dans l’intérêt du pays », a-t-il souligné, annonçant qu’il « tiendra mardi de nouvelles consultations et prendra les décisions nécessaires ». Il a averti qu’il donnerait son feu vert uniquement à un exécutif « capable d’obtenir la confiance » du parlement, avec une majorité solide, « autour d’un programme de gouvernement » précis.
Car l’Italie est « un grand pays » qui fait face à de nombreux défis: « le début de nouvelles institutions européennes » et « une situation politique et économique internationale incertaine ».
A défaut, a-t-il reconnu, il n’y aurait plus d’alternative à un retour immédiat aux urnes, une perspective qui l’inquiète car ce scrutin tomberait au milieu de l’élaboration du budget 2020 de la troisième économie de la zone euro, endettée et en panne de croissance.
Les promoteurs d’un mariage PD-M5S disposent donc d’un délai supplémentaire de quatre jours.
Le chef du M5S Luigi Di Maio, qui mènera les négociations pour son parti, a égrené 10 points impératifs pour une nouvelle « majorité au service des citoyens ».
D’abord la réduction du nombre de parlementaires (à 600 contre 950, un record en Europe), qui attend d’être adoptée en dernière lecture au parlement. Autre revendication : « un budget équitable », avec l’instauration du salaire minimum ainsi que des aides aux familles, des baisses d’impôts pour les entreprises et un plan d’investissement pour le Sud.
Le patron du PD, Nicola Zingaretti, a estimé que les propositions de Di Maio et celles du PD « font émerger un cadre qui permet à coup sûr de commencer à travailler ».
M. Di Maio a en revanche fermé la porte à une réconciliation avec son ex-allié Matteo Salvini, critiquant « des caprices d’été », à propos de l’annonce abrupte le 8 août par le chef de la Ligue (extrême droite) de la « rupture unilatérale » de leur alliance.
Aux yeux de Di Maio, le M5S ne peut pas retourner aux urnes comme le réclame M. Salvini, car il y a « encore tant de choses à réaliser ».
Dans ses 10 points, le vice-Premier ministre sortant n’a pas mentionné l’Europe, alors que le PD lui a demandé « une confirmation de la vocation européenne de l’Italie », parmi cinq conditions « non négociables ».
Les quatre autres conditions posées par le PD sont la « centralité du Parlement », une croissance respectueuse de l’environnement, un changement de cap radical dans la gestion des migrations et un virage économique vers davantage de redistribution et d’investissements.
Le M5S, né du rejet de la vieille classe politique, a fondé une partie de son succès sur ses critiques envers l’Europe, mais pour cette formation tombée de 32% aux législatives de 2018 à environ 15-16% des intentions de vote aujourd’hui, un scrutin anticipé serait un suicide, selon les analystes.
Avant les Cinq Etoiles, Matteo Salvini était monté au palais présidentiel du Quirinal pour réitérer son exigence d’élections immédiates : « la voie royale ne peut pas être celle de jeux de pouvoirs, de manœuvres de palais, c’est celle des élections ».
M. Salvini aurait voulu capitaliser sur les sondages, qui créditent son parti de 36 à 38% des voix, et plus de 50% à l’ensemble de la droite.
Si une majorité PD-M5S se dégage, il faudra aussi une personnalité pour diriger le gouvernement. Un nom aurait les faveurs du président, celui de Marta Cartabia, 56 ans, vice-présidente de la Cour constitutionnelle, au profil de médiatrice et ouvertement pro-européenne.
Ce serait une première pour l’Italie, qui n’a jamais été dirigée par une femme.
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