Le Jura, tout un art de vivre

26 juillet 2016 18:25 Mis à jour: 26 juillet 2016 18:33

Pays rare qui s’explore comme un archipel vert dont les îlots de vigne se partagent l’espace avec des prairies, des vergers et des forêts qui hérissent les crêtes d’une montagne qui ne dit pas son nom. Douceur des mamelons tapissés d’un treillis de verdure et creusés de brèches géantes où l’eau dévale en cascades chantantes. Pour le plus grand plaisir du randonneur.

La chaîne jurassique se présente comme un drapé en forme d’arc dont les plis modèlent les marches d’un escalier colossal qui grimperait depuis les plaines jusqu’aux cimes qui marquent la frontière avec la Suisse. Le Revermont, terroir de vignobles, s’adosse à la Petite Montagne, adossée elle-même à la région de lacs qui elle-même s’appuie sur le Haut-Jura, royaume des forêts. Chacun contemple ceux du bas jusqu’à la plaine si ce n’est que parfois le pays se dérobe, creusé par un effondrement calcaire qui forme alors un cirque bordé par de hautes falaises millénaires. Celles-ci veillent sur un paysage de contes d’enfants avec ses escarpements envahis par une forêt sauvage, ses prairies où paissent quelques vaches rousses et blanches et une route qui ondule d’une fermette à l’autre.

Incontournable aussi la découverte du village de Château-Chalon, resserré autour de son église et perché sur un escarpement qui surplombe un pays ondulant de vignes. Les anciennes fortifications abritaient une abbaye de nobles dames qui auraient acclimaté un cep du tokay que des consœurs hongroises leur auraient apporté dans leurs bagages. Il deviendra le savagnin qui n’est présent que sur le sol jurassique et qui donnera le fameux vin Jaune, l’or du Jura qui s’obtient au terme d’une maturation de six années et trois mois minimum sans aucune intervention extérieure durant ce laps de temps. Le vin de Paille est un autre élixir. Les plus belles grappes de Chardonnay, Savagnin, Poulsard et Trousseau sont laissées durant les trois mois d’hiver sur un lit de paille ou suspendues à des crochets dans une pièce aérée avant d’être pressées. Le moût vieillit alors durant trois ans dans des fûts avant de devenir un inimitable vin liquoreux.

Stéphane Meyer cueillant du polypode dans le village de Château-Chalon (Charles Mahaux)
Stéphane Meyer cueillant du polypode dans le village de Château-Chalon (Charles Mahaux)

Une leçon de choses

Le Jura est une terre de civilisation qui doit tout à la volonté des hommes qui ont su apprivoiser cette nature morcelée. Elle a vu naître Victor Hugo, Louis Pasteur, Armand Peugeot et bien d’autres encore. Elle a aussi inspiré les projets extraordinaires de Vauban, Ledoux et Le Corbusier. À croire qu’elle offre un terreau fertile qui fait grandir les rêves, les belles idées, les utopies.

Stéphane Meyer dont la vie s’enracine sur les pentes de Château-Chalon est un de ces anonymes jurassiens qui rêve d’un monde ancré dans la nature, conscient qu’elle est source de vitalité. Œnologue de formation, issu d’une famille de vignerons et inspiré de son aïeul Gabriel Clerc et de Pierre Overnoy, il a grandi dans le respect de la nature, mère nourricière. Son terroir, il le connaît bien, il en a arpenté tous les sous-bois à la recherche de plantes sauvages. Cueilleur de plantes des temps modernes mais aussi dénicheur de goûts, il a pour ambition de réhabiliter cette pratique ancestrale et de promouvoir un savoir perdu.

Vivre à ses côtés une cueillette à l’heure où le soleil se lève est une étonnante leçon de choses. Un panier, une serpette et un incroyable flair, les seuls outils nécessaires pour cette randonnée. Stéphane se penche, soulève une herbe folle et repère un petit tapis de serpolets mauves qu’il caresse et coupe adroitement mais avec parcimonie, juste ce qu’il nous faudra pour la tisane qui récompensera notre sortie matinale. Plus loin il explique que les jeunes pousses de sapin tendres à souhait sont riches en vitamine C et idéales pour aromatiser la viande. La cueillette du jour est composite : des brins d’achillée mille feuilles parfumées, un kalamata violet qu’il écrase dans la main pour en révéler les arômes entre le basilic et le cacao, des graines de berce qui – malgré un premier nez très noix de coco laisse en bouche un goût prononcé d’agrumes –, du cerfeuil musqué, de la camomille au goût d’ananas très mûr, etc…

(Charles Mahaux)
(Charles Mahaux)

Autant de plantes qu’on appelait jadis des « simples » pour leurs multiples vertus comestibles mais aussi thérapeutiques. Encore faut-il les reconnaître ! Stéphane Meyer a déjà conquis les plus grands chefs parisiens qui construisent avec ces plantes sauvages toute une palette gustative dont raffolent leurs clients.

Sa notoriété dépasse largement les frontières de son terroir jurassien entre autres depuis qu’il a réinventé au printemps dernier trois absinthes sauvages créées à base d’alcools de blé biologique, très pur, au goût délicat et de plantes exclusivement sauvages cueillies dans les massifs du Jura, de la Vanoise et des Écrins. « Contre la tradition qui en fait une boisson anisée, j’ai », dit-il, « une approche vigneronne. Je nomme mes crus en fonction des tribus celtes qui ont occupé les massifs où je cueille les herbes. Composées à 50% de fleurs d’absinthe contre 5% dans les productions classiques ». Commercialisées sous le nom de Druid of Paris, elles racontent leur créateur dont l’insolite silhouette cheveux au vent, pieds nus dans ses sandales et panier au bras, parcourt hiver comme été les belles avenues parisiennes au guidon de sa trottinette. Un paysan fier de ses racines jurassiennes dans Paris.

Christiane Goor, journaliste. Charles Mahaux, photographe. Un couple, deux expressions complémentaires, ils fixent l’instant et le racontent. Leur passion, ils la mettent au service du voyage, de la rencontre avec l’autre.

INFOS PRATIQUES

A découvrir sur www.franche-comte.org.

Incontournable la visite du Musée de la Vigne et du Vin au Château Pécauld : www.arbois.fr/musee-de-la-vigne-et-du-vin-du-jura.htm

Se loger. Si vous aimez la formule gîte même rudimentaire, Les Adrets à Bellecombe est un chouette relais paysan www.gite-les-adrets.fr. À Arbois, une nuit à l’hôtel Les Messageries dans un ancien relais de poste permet de vivre au cœur de la petite ville www.hotel-arbois.com.

Gastronomie. Incontournable à Château Chalon, sur la place du village, Les Seize Quartiers. Maïa Bouvret vous recevra avec du fait maison et une très belle palette de vins nature. +33 (0)3 84 44 68 23

Druid of Paris. À découvrir sur Facebook.com/druidofparis et à déguster entre autres à La Robe et le Palais (13 rue des Lavandières, Paris 1er), au Bistrot Volnay (8 rue Volney, 2e), à La Conserverie (37 rue du Sentier, 2e), En vente à la Maison Plisson à 267,00 € (93 Boulevard Beaumarchais, 3e), au Relais Saint-Germain (Carrefour de l’Odéon, 6e), chez Sauvage (60 rue du Cherche-Midi, 6e), au Park Hyatt Vendôme (5 rue de la Paix), au Pavillon Ledoyen (1 av. Dutuit, 8e), au Septime (80 rue de Charonne, 11e), au 6 Paul Bert (6 rue Paul Bert, 11e), chez Table (3 rue de Prague, 12e).

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