Une photo de deux athlètes chinoises s’embrassant après avoir terminé leur course aux Jeux asiatiques a été censurée en Chine. Les numéros de dossard attribués aux femmes ont involontairement fait allusion au massacre de la place Tiananmen en 1989.
Après avoir terminé la course de la finale du 100m haies féminin aux Jeux asiatiques de Hangzhou le 1er octobre, Lin Yuwei et Wu Yanni se sont serrées dans les bras l’une de l’autre. La photo a capturé le moment où le numéro de couloir de Lin, le 6, était juste à côté du numéro de couloir de Wu, le 4, alors que les deux athlètes s’étreignaient.
Les numéros ont le tort de faire penser au 4 juin, le numéro du mois précèdant généralement celui du jour en Chine, comme dans beaucoup d’autre pays, soit 6/4 pour dénoter le 4 juin. Or, c’est à cette date, en 1989, que l’armée du Parti communiste chinois (PCC) a ouvert le feu sur des manifestants pro-démocratie, tuant des dizaines de milliers d’étudiants innocents.
Lin a remporté la médaille d’or avec un temps de course de 12,74 secondes, tandis que Wu a terminé deuxième mais n’a pas reçu la médaille d’argent ayant été disqualifiée pour un faux départ.
Selon le China Digital Times, la recherche de messages mentionnant cette accolade entre les deux athlètes sur Weibo, la plateforme de microblogging la plus populaire de Chine, aboutit à des carrés gris.
Des combinaisons de chiffres, telles que 6-4, 64, 63+1, 65-1, ou tout autre terme de recherche pouvant faire référence au 4 juin 1989, sont systématiquement censurées sur les réseaux sociaux chinois. Les autorités effacent toute information sur l’incident, bloquent les sites web et les discussions sur les médias sociaux qui en parleraient, et appliquent une censure stricte sur toute une liste de mots-clés et de contenus qui y sont liés.
Les médias chinois, qui sont contrôlés par le gouvernement, n’ont pris conscience du caractère sensible de la photo de l’étreinte des femmes que tardivement.
China Central Television News (CCTV), le principal organisme de radiodiffusion d’État, a partagé la photo sur son compte Weibo, suivi par 132 millions de personnes, et Xinhua, une autre agence de presse d’État, l’a publié dans un article sportif. Mais CCTV News a fini par retirer la photo de son compte Weibo, et Xinhua a effacé l’article.
D’autres médias ont publié des photos des deux athlètes montrant différents angles de l’étreinte de façon à ne pas faire apparaître leurs numéros de couloir.
En réponse à cette censure, les internautes ont été nombreux à critiquer le gouvernement. Un utilisateur a écrit : « Seuls ceux qui ont commis des actes inadmissibles craignent les fantômes de l’histoire ». Un autre a qualifié l’événement sportif de « Jeux asiatiques de 1989 ».
Une censure de taille
L’année dernière, à l’occasion du 33e anniversaire du massacre de la place Tiananmen, Austin Li, l’un des influenceurs les plus populaires de Chine, suivi par 42 millions de personnes, a été censuré. Son stream a été interrompu lorsqu’il a présenté à la caméra un gâteau en forme de char d’assaut avec des biscuits en guise de roues et un bâton de chocolat en guise de canon. Il a ensuite fait l’objet d’une enquête.
L’image communément appelée « Tank Man » est l’une des photographies les plus emblématiques associées aux manifestations de la place Tiananmen à Pékin en 1989. Elle montre un Chinois non identifié devant une colonne de chars de type 59 quittant la place le 5 juin 1989, au lendemain de la violente répression des manifestants par le régime chinois.
Les actions de cet homme symbolisent désormais l’esprit de résistance pacifique et le désir de réforme politique que défendaient de nombreux manifestants sur la place Tiananmen.
Les manifestations ont marqué un tournant dans l’histoire de la Chine : des milliers d’étudiants, d’intellectuels et de citoyens s’étaient rassemblés sur la place pour réclamer des réformes politiques, la liberté d’expression et la fin de la corruption. Le PCC a réagi aux manifestations par une répression militaire brutale, qui a entraîné la perte de nombreuses vies humaines et l’imposition d’une censure stricte.
En juin dernier, la police de Guangzhou a harcelé une femme qui s’est filmée lors d’une choréographie élaborée et dont les doigts indiquent les chiffres 6 et 4 tels qu’ils sont représentés en Chine (pouce et auriculaire pour le chiffre 6, et les quatre doigts pour le chiffre 4)
L’anniversaire du massacre de la place Tiananmen est célébré en dehors de la Chine. Toutefois, à Hong Kong, la veillée aux chandelles annuelle, qui attirait autrefois des dizaines de milliers de personnes dans un parc du centre-ville, est interdite depuis 2020, dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin, qui réprime toute dissidence dans l’ancien territoire britannique.
La dernière fois qu’une veillée du 4 juin a été organisée dans la ville, remonte à 2019, et on estime que 180.000 personnes ont participé à l’événement.
En 2020, des milliers de personnes se sont rassemblées au parc Victoria de Hong Kong pour marquer l’anniversaire, mais les autorités ont arrêté plusieurs militants et les ont ensuite condamnés à des peines allant jusqu’à 15 mois de prison.
Le massacre de la place Tiananmen n’est pas le seul sujet tabou en Chine. Le Falun Gong est lui aussi un sujet sensible. Cette pratique spirituelle est persécutée par le PCC depuis 1999 ; depuis lors, des millions de personnes ont été détenues dans des prisons, des camps de travail et autres infrastructures, et des centaines de milliers d’entre elles ont été torturées pendant leur incarcération, selon le Centre d’information sur le Falun Dafa.
Un rapport du Citizen Lab, basé au Canada, a révélé que WeChat, l’application de chat la plus populaire en Chine avec plus de 800 millions d’utilisateurs actifs dans le pays, utilise des algorithmes visuels pour filtrer les images dans lesquelles figurent des phrases interdites ou toute image liée à des questions jugées sensibles par le PCC.
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