« La Corde » et « L’Inconnu du Nord-Express » : Brandon, Bruno et Hitchcock

Bien que les deux films aient des intrigues et des décors différents, les personnages d'Hitchcock sont confrontés à un dilemme moral similaire

Par Tiffany Brannan
21 avril 2025 18:30 Mis à jour: 1 mai 2025 19:57

Quand vous pensez à Alfred Hitchcock, quels titres vous viennent à l’esprit ? Sueurs froides (Vertigo), Fenêtre sur cour, Psychose et Les Oiseaux comptent parmi les films sombres les plus connus du réalisateur. Ce réalisateur d’origine britannique s’est fait un nom à Hollywood à partir de 1940 avec des films intrigants qui lui ont valu le titre de maître du suspense. Cependant, bon nombre des films qu’il a réalisés avant le milieu des années 1950 ont été largement oubliés.

Si ses films les plus connus sont généralement plus violents, les premières œuvres d’Hitchcock illustrent mieux sa maîtrise des techniques de suspense. Les films sanglants mettant en scène des psychopathes armés de couteaux ou des attaques d’oiseaux monstrueux n’ont pas la subtilité et la profondeur que le mot « suspense » évoque. Un véritable film à suspense met davantage l’accent sur le mystère et la tension croissante que sur la violence à l’écran, laissant le spectateur imaginer le véritable crime.

Le suspense peut être discret ou culminer dans la violence, comme par exemple lorsque Roger Thornhill (Cary Grant) court pour échapper à un avion pulvérisant des pesticides dans La Mort aux trousses. (Domaine public)

Deux des plus grands exemples du génie d’Hitchcock sont La Corde de 1948 et L’Inconnu du Nord-Express de 1951. Ces deux films présentent de nombreuses similitudes. Tous deux mettent en scène Farley Granger dans le rôle d’un jeune homme quelque peu innocent qui se retrouve pris au piège dans une toile de meurtres et de tromperies tissée par un autre jeune homme obsédé par l’idée du crime parfait. Traitant avec habileté les tabous complexes du marxisme et de la perversion présents dans les histoires originales, ces films sont des chefs-d’œuvre du genre policier classique.

La Corde

La Corde est le premier film en Technicolor de Hitchcock. Il y utilise des techniques cinématographiques révolutionnaires. Le plus remarquable est que toute l’histoire est censée se dérouler pendant la durée réelle du film. Hitchcock a utilisé des trucages photographiques pour donner l’impression que tout le film a été tourné en une seule prise, sans coupures.

Librement inspiré du véritable « crime du siècle » commis par Nathan Leopold et Richard Loeb en 1924, ce film explore la manière dont des idéologies dangereuses peuvent pousser des personnes vulnérables à commettre des actes répréhensibles et fournir une justification aux désirs malveillants d’individus manipulateurs et égocentriques.

L’affiche du film La Corde, réalisé par Alfred Hitchcock. (Domaine public)

L’histoire se déroule lors d’un dîner organisé dans l’appartement de deux amis d’université, Brandon (John Dall), le cerveau meurtrier, et Phillip (Farley Granger), son acolyte effrayé. Parmi les invités figurent leur ancien professeur Rupert Cadell (James Stewart), leur ami d’université Kenneth Lawrence (Douglas Dick), ainsi que la fiancée, Janet (Joan Chandler), le père (Sir Cedric Hardwicke) et la tante, Anita Atwater (Constance Collier) de leur quatrième camarade de classe, David Kentley (Dick Hogan).

La seule personne qui manque à cette petite réunion conviviale est David. Au fur et à mesure que la soirée avance, une conversation tendue révèle que Janet, bien qu’elle soit désormais fiancée à David, sortait auparavant avec Kenneth. Avant lui, elle était également sortie avec Brandon. Brandon en veut donc profondément à Kenneth et David.

Une conversation tendue entre les personnages du film La Corde (1948). (Domaine public)

Alors que la nuit tombe et que David n’a toujours pas donné signe de vie, ses proches commencent à s’inquiéter. Ils ne se doutent pas qu’il était là depuis le début, dans un coffre où Brandon et Phillip ont caché son corps après l’avoir froidement assassiné dans l’après-midi.

L’Inconnu du Nord-Express

Pour L’Inconnu du Nord-Express, Alfred Hitchcock est revenu au film en noir et blanc et à la durée conventionnelle des plans. Il s’est plutôt plongé dans une obsession minutieuse pour chaque détail de la production, de retour en grande forme après une période d’inactivité agitée.

L’affiche du film L’Inconnu du Nord-Express, réalisé par Alfred Hitchcock. (Domaine public)

Il a méticuleusement choisi les plats commandés par les personnages, dessiné la cravate symboliquement malveillante du meurtrier, disposé les débris dans un égout pluvial et travaillé longuement sur un plan reflété dans une paire de lunettes. Toujours partisan du symbolisme, Hitchcock a utilisé ces détails pour donner plus de relief à ses personnages au-delà des dialogues et approfondir l’histoire sans allonger la durée du film.

Le film met en vedette Farley Granger dans le rôle du célèbre joueur de tennis Guy Haines. Robert Walker incarne Bruno Antony, un riche psychopathe. Laura Elliott joue Miriam, l’ex-femme de Guy. Ruth Roman incarne Anne Morton, la femme qu’il aime. Leo G. Carroll joue son père, le sénateur Morton. Patricia Hitchcock incarne Barbara, sa petite sœur curieuse.

Une histoire d’amour naît entre Anne Morton (Ruth Roman) et Guy Haines (Farley Granger) dans L’Inconnu du Nord-Express. (Domaine public)

Guy rencontre Bruno par hasard dans un train, lorsque ce dernier le reconnaît comme une star du tennis et insiste pour engager la conversation. Guy ne prend pas au sérieux ce jeune homme charmant mais étrange lorsqu’il lui propose d’échanger leurs meurtres pour commettre le crime parfait. Bruno déteste son père et sait que Guy a du mal à divorcer de sa femme, qui attend un enfant d’un autre homme. Guy en rit comme d’une plaisanterie.

Lorsque le corps de Miriam est découvert, Guy réalise avec horreur que l’inconnu impitoyable a respecté sa part du marché qu’il n’avait jamais accepté. Alors que Guy lutte pour prouver où il se trouvait au moment du meurtre, Bruno revient sans cesse le voir et le presse de respecter « l’accord ».

Un thème, deux dénouements

La Corde et L’Inconnu du Nord-Express sont très différents en termes d’intrigue, d’esthétique et de style cinématographique, mais ils montrent deux dénouements différents à partir d’un même postulat : un jeune homme impitoyable tente de manipuler un autre jeune homme pour qu’il l’aide à commettre un « meurtre parfait ». La différence est que le personnage de Farley Granger dans L’Inconnu du Nord-Express est immédiatement rebuté par cette suggestion, tandis que son personnage dans La Corde accepte de se lancer dans ce plan diabolique.

Certes, Brandon et Bruno ne sont pas des personnages identiques. Brandon est mature, intelligent, rusé et effrayant lorsqu’il le souhaite, même si son arrogance finit par le trahir. Bruno est un fils à maman gâté dont le charme et l’amabilité cachent une immaturité psychopathique. Pour Brandon, le meurtre d’un individu qu’il considère comme inférieur est un privilège ; pour Bruno, le meurtre d’un inconnu en échange de l’assassinat discret de son père qu’il déteste est un jeu.

Ce qui est plus important, c’est la différence entre Phillip et Guy. Phillip est un pion, un véritable suiveur qui se plie aux idées et aux plans de son ami plus fort depuis l’enfance. Il laisse Brandon diriger sa carrière musicale, choisir ses associés et régir ses allées et venues. Comment pourrait-il soudainement développer une telle force de caractère lorsque son ami lui demande de tuer quelqu’un ?

Guy, en revanche, est un homme de principes. Il a un caractère plus fort. Il prend la description de l’inconnu concernant les meurtres échangés comme une blague morbide, sans jamais imaginer qu’un homme apparemment civilisé puisse être aussi brutal.

Guy Haines (Farley Granger) est une star du tennis qui subit une épreuve terrible dans L’Inconnu du Nord-Express (Warner Bros.).

Après avoir été accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, Guy se retrouve pris au piège dans la toile de chantage tissée par Bruno. S’il ne tue pas le père de Bruno, son ami meurtrier fera en sorte qu’il soit reconnu coupable du meurtre de sa femme. Dans le livre dont s’inspire le film, Guy succombe à la pression et assassine M. Antony. Dans le film, cependant, il refuse de se laisser entraîner dans le péché par cet étranger manipulateur et immoral.

Un meurtre avec une morale

Pourquoi ces films méritent-ils d’être vus aujourd’hui ? N’y a-t-il pas assez de violence et de brutalité dans le monde réel pour choisir de se divertir avec le meurtre d’innocents ? Je dirais que ces films ne sont pas des exemples de brutalité ou de violence gratuite destinés à choquer. Tout d’abord, les crimes présentés sont décrits avec délicatesse, conformément aux directives en vigueur à l’époque.

Plus important encore, ces histoires véhiculent un message moral poignant. La pression des pairs est un outil d’influence dangereux et puissant. Combien de fois les journaux font-ils état de tendances dangereuses sur TikTok qui laissent des enfants crédules mutilés ou morts ? Ce sont là des exemples de pairs poussés à commettre un acte qu’ils savent répréhensible.

Alfred Hitchcock, dans le documentaire Mon nom est Alfred Hitchcock. (John Archer)

Dans La Corde et L’Inconnu du Nord-Express, deux jeunes hommes sont soumis à une pression extrême de leurs pairs pour commettre l’irréparable : un meurtre. Celui qui succombe est immédiatement rongé par la culpabilité et finit par se trahir et trahir le cerveau de l’opération, tandis que celui qui reste fidèle à ses principes moraux, même au péril de sa vie, est récompensé par une fin heureuse.

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