La Corée du Nord multiplie les menaces nucléaires en se rapprochant de la Russie et en s’éloignant de la Chine

Kim Jong-un pourrait ne plus faire confiance totale à Pékin pour défendre ses intérêts et pourrait considérer Moscou comme un meilleur partenaire pour faire avancer ses ambitions nucléaires, selon des experts

Par Sean Tseng
18 octobre 2024 16:24 Mis à jour: 18 octobre 2024 16:24

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a annoncé une accélération de son programme d’armement nucléaire tout en renforçant ses liens avec la Russie. Selon les experts, cette décision témoigne de l’intérêt commun de Pyongyang et de Moscou à s’opposer à l’Occident, ainsi que de l’impatience croissante de Kim à l’égard de la stratégie chinoise de « guerre sans restriction » à long terme – la stratégie qui vise à infiltrer et à subvertir graduellement l’Occident.

Alors que Pékin est aux prises avec des difficultés économiques et cherche à éviter de nouvelles tensions dans ses relations avec les pays occidentaux, la Corée du Nord et la Russie semblent vouloir adopter une position plus ferme. Selon les experts, Kim pourrait ne plus faire confiance totale à la Chine pour représenter ses intérêts et pourrait considérer Moscou comme un meilleur partenaire pour faire avancer ses ambitions nucléaires.

Le 8 octobre, Kim a averti, par l’intermédiaire de l’agence de presse officielle KCNA, qu’en cas de menace, la Corée du Nord utiliserait « sans hésitation » toute sa puissance offensive, y compris l’arme nucléaire.

Cela intervient alors que, selon des rapports, des soldats nord-coréens combattraient aux côtés des troupes russes en Ukraine. Le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Yong-hyun, a informé les législateurs du pays qu’il était « très probable » que des officiers et des soldats nord-coréens aient été tués lors d’un tir de missile ukrainien près de Donetsk le 3 octobre. Il a ajouté qu’il était très possible que la Corée du Nord déploie davantage de troupes pour soutenir la guerre menée par la Russie.

Nathan Su, expert de la Chine basé aux États-Unis, a indiqué que l’alignement de la Corée du Nord sur la Russie pourrait conduire à une confrontation plus directe avec l’Amérique et ses alliés.

« La Russie et la Corée du Nord espèrent adopter une position plus dure à l’égard des États-Unis et du monde occidental. D’autre part, le Parti communiste chinois veut continuer à utiliser son approche de la ‘guerre sans restriction’ pour infiltrer et subvertir les pays occidentaux », a-t-il déclaré à Epoch Times, faisant référence aux stratégies à long terme impliquant une influence économique, financière et culturelle.

« Xi Jinping a besoin de temps et, parce qu’il a besoin de temps, il joue [le jeu lent] avec l’Occident. Cependant, Kim Jong-un et Poutine s’impatientent de l’approche de Xi Jinping. »

Renforcement des liens avec la Russie

La collaboration croissante de la Corée du Nord avec la Russie marque un changement important dans la dynamique régionale. En établissant des relations plus étroites avec Moscou, Pyongyang semble rechercher une plus grande autonomie en diversifiant ses partenariats internationaux et en réduisant sa forte dépendance à l’égard de son allié traditionnel – la Chine. Cette dernière représente actuellement plus de 90 % des échanges commerciaux de la Corée du Nord.

Le 7 octobre, Kim a envoyé un message d’anniversaire à Poutine, le qualifiant de « camarade le plus proche » et se disant convaincu que les « relations stratégiques et de coopération » entre les deux pays atteindront un nouveau niveau.

En juin, Kim et Poutine ont conclu un partenariat stratégique global comprenant un accord de défense mutuelle, officialisant ainsi des mois de coopération croissante en période de grande nécessité pour les deux pays.

Selon de nombreux rapports, la Corée du Nord aurait fourni à la Russie un soutien militaire important pour poursuivre sa guerre en Ukraine, alors que la Russie est confrontée à une diminution de ses stocks de munitions et d’équipement militaire, ainsi qu’à une aggravation de la pénurie de main-d’œuvre.

En retour, la Russie s’est efforcée d’affaiblir les sanctions de l’ONU à l’encontre de la Corée du Nord, soulageant ainsi ses difficultés économiques de longue date qui ont été aggravées par la pandémie du Covid-19.

« En renforçant sa coopération avec la Russie, la Corée du Nord espère obtenir un soutien économique et militaire, améliorer son pouvoir de négociation dans les négociations internationales et répondre aux préoccupations de sécurité régionale », a expliqué Sun Kuo-Hsiang, professeur d’affaires internationales à l’université Nanhua de Taïwan.

Un écran géant diffuse un bulletin d’information avec des images d’un essai de missile nord-coréen, dans une gare de Séoul, capitale de la Corée du Sud, le 12 septembre 2024. (Jung Yeon-je/AFP via Getty Images)

S’aligner sur la Russie offre à la Corée du Nord plusieurs avantages stratégiques, a souligné M. Sun. La Russie peut fournir une aide économique vitale, des ressources énergétiques et des technologies militaires de pointe qu’il est difficile d’obtenir pour Pyongyang en raison des sanctions internationales. Cette alliance renforce l’influence de la Corée du Nord sur la scène internationale en indiquant qu’elle dispose d’alliés puissants, ce qui réduit sa vulnérabilité aux pressions d’autres pays et pourrait inciter ces pays à prendre les exigences de Kim plus au sérieux.

Nathan Su a précisé : « Le principal objectif de Kim est de maintenir son contrôle sur la Corée du Nord. Certaines factions nord-coréennes sont extrêmement favorables à la Chine. En se tournant vers la Russie, il cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine et à renforcer son emprise sur le pouvoir. »

Tensions historiques avec la Chine

Pendant la guerre de Corée (1950-53), la Chine a joué un rôle central en soutenant la Corée du Nord contre les forces des Nations unies, contribuant ainsi à préserver le régime de Kim Il-sung, le grand-père de Kim Jong-un. Cette alliance « forgée par le sang » a jeté les bases de leurs relations au fil des décennies.

En 1961, les deux pays ont signé un traité de défense et d’aide mutuelle, dans lequel la Chine s’engageait à apporter un soutien immédiat, militaire et autre, par tous les moyens, à la Corée du Nord en cas d’attaque extérieure. L’accord a été renouvelé en 1981, en 2001 et en 2021.

Malgré les décennies de commerce et d’aide de la Chine pour soutenir le régime de Kim, les relations de la Corée du Nord avec Pékin sont depuis longtemps empreintes de méfiance.

Han Gi-beom, chercheur à l’Asian Institute for Policy Studies, a écrit que Kim aurait qualifié la Chine, en 2015, d’« ennemi vieux de 5000 ans », soulignant ainsi des griefs historiques profondément ancrés.

Bien que la Chine ait été le plus grand bienfaiteur économique de la Corée du Nord, Pyongyang n’a jamais considéré Pékin comme un allié véritablement fiable.

Des tensions ont été observées lors des pourparlers à six entre 2003 et 2009, lorsque Pékin a cherché à utiliser la Corée du Nord comme moyen de pression sur les pays démocratiques pour obtenir des concessions. « La Chine et la Corée du Nord sont apparues en conflit pendant les pourparlers à six, mais il s’agissait essentiellement d’un conflit tactique. Leur coopération à long terme, en particulier dans le domaine nucléaire, était stratégique », a expliqué Nathan Su.

La stratégie de dénucléarisation de Pékin a toutefois évolué au fil des ans. En mai dernier, la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont publié une déclaration commune soutenant les efforts de dénucléarisation de la région. Bien qu’accueillie favorablement au niveau international, cette déclaration a déclenché la défiance de la Corée du Nord. Le même jour, Pyongyang a tenté de lancer son « satellite de reconnaissance militaire no 2 », qui a échoué, mais a été perçu comme une réponse claire.

« Les gestes symboliques de la Corée du Nord servent d’avertissement à la Chine », a dit M. Sun. « Pyongyang exige de Pékin une position plus claire sur la dénucléarisation, une position qui correspond à ses intérêts. »

La Corée du Nord a également pris des mesures pour limiter l’influence culturelle et économique de la Chine sur son territoire. Les autorités nord-coréennes auraient élargi l’interdiction des films et des émissions de télévision chinois, confisqué les appareils avec du contenu chinois et renforcé la surveillance des résidents chinois. « Ces mesures reflètent la méfiance de la Corée du Nord à l’égard de l’influence chinoise », a noté M. Sun. « Cela fait partie de sa stratégie visant à mettre l’accent sur l’indépendance et à préserver la pureté idéologique. »

Nathan Su a partagé cette opinion.

« La rhétorique et les actions rudes de Kim Jong-un signalent son mécontentement, mais servent avant tout son objectif de consolidation du pouvoir et de gestion des factions internes », a-t-il déclaré, ajoutant que les tensions entre les deux pays sont enracinées dans un mélange complexe de « griefs historiques, de politique interne et de calculs stratégiques ».

Pour la Chine, il est essentiel de maintenir son influence sur la Corée du Nord sans paraître trop intrusif ; toute instabilité en Corée du Nord pourrait affecter directement la sécurité et les intérêts économiques de la Chine, a poursuivi Nathan Su.

Malgré les tensions apparentes, l’alliance entre la Corée du Nord et la Chine reste fondée sur des intérêts mutuels, a-t-il souligné.

« Le cadre de leur alliance à long terme ne peut pas changer. Si quelqu’un pense que ces trois parties – la Corée du Nord, la Chine et la Russie – finiront par se séparer, je ne peux que dire qu’il s’agit d’un point de vue très étrange. »

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