La dernière erreur de Pékin : l’excès de capacité manufacturière

Pour compenser la crise immobilière et la faiblesse de la demande intérieure, l’État-parti a investi dans les capacités de production manufacturière. Aujourd'hui, il en a trop et ne sait pas comment les utiliser

Par Milton Ezrati
26 juin 2024 15:47 Mis à jour: 4 juillet 2024 16:28

Face aux problèmes de la crise immobilière en cours en Chine, ainsi qu’aux consommateurs démotivés et aux propriétaires d’entreprises privées, découragés dans leurs plans du développement économique, les autorités chinoises ont mis l’accent sur l’industrie manufacturière, en particulier sur les secteurs qu’elles ont appelés les « nouvelles forces productives ».

Il s’agit notamment des semi-conducteurs, des batteries pour véhicules électriques (VE), de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne. Étant donné que la Chine reste largement une économie planifiée, l’argent a afflué dans ces industries. Personne, semble-t-il, ne s’est demandé où iraient leurs produits. L’économie nationale atone ne pouvait pas les absorber, tandis que l’Occident était et reste toujours réticent à l’accroissement des échanges commerciaux avec la Chine pour toute une série de raisons. Aujourd’hui, la Chine dispose dans ces secteurs d’une capacité supérieure à celle qu’elle – et quiconque – peut utiliser.

Des observateurs aux États-Unis, en Europe et au Japon ont tous montré du doigt cette surcapacité gênante. L’Union européenne (UE) y voit la raison pour laquelle la Chine déverse des VE bon marché sur les marchés européens, à tel point que l’UE s’apprête à y imposer des droits de douane élevés.

Sans surprise, les dirigeants chinois ont nié l’existence d’une quelconque surcapacité. Selon les récentes déclarations du chef du Parti communiste chinois Xi Jinping, « il n’y a pas de soi-disant problème de surcapacité chinoise ». Selon lui, si les VE chinois inondent l’Europe, c’est tout simplement parce qu’ils sont meilleurs et plus compétitifs que les véhicules occidentaux. Il a peut-être raison en ce qui concerne la compétitivité des VE chinois, surtout si leurs exportations sont subsidiées par l’État chinois, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de surcapacité de production. Sur ce point, le flux d’informations en provenance de Chine donne tort à Xi Jinping.

Même les secteurs qui ne sont pas désignés comme « nouvelles forces productives » montrent des signes d’excès de capacité manufacturière. La production d’acier, par exemple, a augmenté bien au-delà des besoins nationaux. En 2001, la production d’acier en Chine était à peu près égale à la consommation intérieure. En 2023, sa production dépassait déjà la consommation intérieure de 5 %, et cette année elle devrait la dépasser de 8 %.

Certes, une telle situation reflète en grande partie l’impact de la crise immobilière et de l’effondrement de la demande d’acier dans le secteur de la construction. Il s’agit néanmoins d’un excédent de production.

Les panneaux solaires sont l’un des domaines sélectionnés pour bénéficier d’un soutien gouvernemental spécial – l’excédent de production y est beaucoup plus important. La capacité des installations solaires en Chine est en effet passée de 50 gigawatts l’année dernière à un niveau probable de 90 gigawatts cette année. Cependant, la fabrication de panneaux solaires a largement dépassé ces taux et montre des signes d’augmentation à plus de 150 gigawatts cette année. On peut se demander où la Chine vendra tous ces panneaux et pourquoi les autorités n’ont pas tenu compte de cet aspect en planifiant le développement accéléré de ce secteur.

D’autres données, bien que moins directes, révèlent la même chose. L’année dernière, au début de la promotion des « nouvelles forces productives », les dépenses d’investissement dans les équipements électriques et les VE ont fait un bond en avant. Dans le premier cas, ces dépenses ont augmenté de 40 % et dans le second de 25 %, soit bien plus que l’augmentation de 5 % de la capacité de production manufacturière chinoise en général.

Cette année, comme pour annoncer qu’une telle accélération de production n’a jamais été justifiée, les investissements dans les équipements électriques et les VE sont redescendus sur terre : leur accroissement est maintenant un peu plus lent que celui de l’ensemble des investissements dans l’industrie manufacturière. Pourtant, les précédentes hausses ont clairement entraîné un excès de capacité.

Dans une économie à croissance rapide, comme l’a été celle de la Chine, les problèmes de surcapacité peuvent être résolus au cours de seulement une ou deux années de croissance de la demande intérieure, souvent même moins. Par ailleurs, si la Chine restait toujours l’usine du monde, comme par le passé, les surcapacités pourraient également disparaître rapidement. Pourtant, l’économie chinoise ne croît plus rapidement et la Chine n’est plus l’usine du monde.

Par conséquent, l’erreur liée à l’augmentation de ses capacités industrielles persistera pendant un certain temps et aggravera les autres problèmes de l’économie chinoise. Il faudra d’autant plus de temps pour remédier à ce déséquilibre économique, car les pays occidentaux et le Japon se sont détournés du commerce avec la Chine, du moins par rapport à leur engagement par le passé. Ce n’est pas la première fois que les planificateurs de Pékin exacerbent les problèmes économiques du pays.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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