Les émeutes ont retardé la présentation de la « feuille de route de la planification écologique », qui devait être présentée par le gouvernement mercredi dernier. Estimant que « la planification écologique doit guider l’ensemble des perspectives de production de notre pays », le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Arnaud Rousseau, souligne que « l’agriculture française est un atout économique et un pilier essentiel de la croissance verte, au cœur de la stratégie de souveraineté alimentaire » et qu’il « appartient » au chef de l’État « de (la) défendre ».
Le conseil de la planification écologique, à l’issue duquel l’exécutif doit dévoiler son plan pour atteindre les objectifs de la France en termes de réduction des émissions des gaz à effet de serre d’ici 2030, devait initialement avoir lieu mercredi 5 juillet. Cependant, le moment n’était pas propice à l’annonce d’un plan très attendu, en raison de la réponse aux émeutes de la semaine précédente qui a concentré toute l’attention médiatique, ont rapporté à l’AFP plusieurs sources gouvernementales. À la place, une simple réunion de travail « préparatoire » a eu lieu autour d’Emmanuel Macron à l’Élysée avec les ministres concernés, sans communication prévue.
L’État français vise à réduire les émissions de la France d’ici 2030 de 50% par rapport au niveau de 1990, et se mettre sur la voie de la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle, conformément aux nouveaux objectifs de l’Union européenne (UE). Le président Macron, à la suite d’un précédent conseil de la planification écologique en janvier, avait reconnu que « la France » devait « doubler » son « taux d’effort » pour tenir ces engagements. Pour l’instant, le gouvernement a chiffré en mai l’effort que devra faire chaque secteur d’activité, notamment les transports, l’agriculture et l’industrie, sans entrer dans le détail des mesures permettant de le concrétiser, ni du financement.
Une feuille de route tant attendue par le monde agricole
Dans le domaine de l’agriculture en particulier, la planification écologique promise par Emmanuel Macron est très attendue par les experts et les représentants syndicaux. Les agriculteurs français sont en effet « à l’aube d’une révolution du développement agricole qui va nécessiter des moyens colossaux », estime Sébastien Windsor, le président des Chambres d’agriculture de France. Toutefois, l’État tarde à rendre public « un calendrier sérieux et réaliste », comme le constate Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, le premier syndicat des agriculteurs.
Pour Pierre-Marie Aubert, directeur et chercheur du programme agriculture et alimentation à l’IDDRI, la feuille de route de cette planification écologique devrait donner des réponses à une question cruciale, « l’inconnue du quinquennat » d’après lui. Est-ce qu’Emmanuel Macron fera « ce qu’a dit le candidat d’avant le premier tour – c’est-à-dire réclamer de rediscuter la stratégie « Farm to Fork » au nom de la souveraineté alimentaire – ou ce que disait le candidat de l’entre-deux tours – il faut la planification écologique, il faut être ambitieux ? ». « On ne sait pas ».
Enjeux de souveraineté alimentaire
La stratégie Farm to Fork ou « de la ferme à la fourchette » a pour objectifs de « tendre vers un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », selon Gil Kressmann, membre de l’Académie d’agriculture. Ce dernier – en citant une étude de l’université de Wageningen aux Pays-Bas – prévient que ces objectifs de Farm to Fork entraîneraient des « pertes de rendement allant jusqu’à 30% pour la réduction des pesticides et 25% pour les objectifs de diminution de la fertilisation ».
Il en résulterait « un recul de la production de 10 à 20% dans les filières clefs : céréales, oléagineux, viande bovine, vaches laitières, plus de 15% en porcs et en volailles et plus de 5% dans les légumes et les cultures permanentes (…) Les exportations baiseraient de 20% tandis que les importations doubleraient ». Ce recul de la production européenne entraînerait à son tour « une hausse des prix agricoles de 17% », ainsi qu’« une délocalisation d’une partie de la production de l’UE à l’étranger ».
« C’est un enjeu de souveraineté alimentaire », souligne Arnaud Rousseau, en dénonçant l’interdiction de produit phytosanitaire sans solution alternative. Il justifie ses propos en s’appuyant sur l’exemple de la cerise : « La France en produisait en moyenne 40.000 tonnes par an. La production va tomber à 15.000 ou 18.000 tonnes cette année à cause d’un produit interdit. Résultat : la France importe massivement des cerises, notamment de Turquie ».
L’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur est également contesté
Farm to Fork n’est pas la seule politique agroalimentaire de l’EU qui est considérée comme une entrave à la souveraineté alimentaire de la France par les filières agricoles du pays. L’accord de libre-échange entre Bruxelles et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) est aussi fortement contesté par les syndicats du domaine, en particulier la FNSEA et la fédération nationale bovine (FNB).
Arnaud Rousseau a appelé Emmanuel Macron à « rester ferme » sur la position de la France – qui refuse pour le moment de signer cet accord – à l’occasion du déjeuner du vendredi 23 juin entre ce dernier et le président brésilien Lula à l’Élysée. Dans sa lettre destinée au chef de l’État français, le patron de la FNSEA rappelle que « la position de la France au sujet de cet accord est actée depuis 2019 : pas d’accord sans clauses miroirs ». Par la suite, il estime qu’« un changement d’avis est inconcevable », notamment « à l’heure où la France réfléchit à un Pacte et Loi d’orientation et d’avenir agricole, où la planification écologique doit guider l’ensemble des perspectives de production de notre pays ».
Arnaud Rousseau conclut ainsi sa lettre à Emmanuel Macron : « Restez ferme, Monsieur le Président, l’agriculture française est un atout économique et un pilier essentiel de la croissance verte, au cœur de la stratégie de souveraineté alimentaire qu’il vous appartient de défendre ! »
Le président de la FNB, Patrick Bénézit constate quant à lui que « l’accord conclu avec le Mercosur, tout comme l’instrument additionnel non-contraignant proposé par la Commission européenne, ne répondent en rien aux exigences françaises ». Et d’ajouter : « Nous n’imaginons pas que le plan d’Emmanuel Macron puisse être de demander la réduction de nos troupeaux sur nos territoires afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays… pour mieux ouvrir les vannes au bœuf brésilien ».
Selon l’AFP, les interprofessions de la volaille (Anvol), des céréales (Intercéréales), de la viande bovine et ovine (Interbev), des huiles et des protéines végétales (Terres Univia) ainsi que celle de la betterave et du sucre (AIBS) ont également appelé ensemble le chef de l’État à opposer « un non ferme et définitif de la France » à la ratification de cet accord, « sous aucune condition ».
Il ne serait pas crédible de défendre la souveraineté alimentaire, « tout en fragilisant la production intérieure par un accroissement continu des volumes d’importation de produits agricoles et alimentaires à droits de douane nuls ou réduits », ont-elles estimé.
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