La France rejoint la course mondiale à l’intelligence artificielle

Par Germain de Lupiac
10 février 2025 17:22 Mis à jour: 11 février 2025 05:27

La course à l’intelligence artificielle (IA) est devenue en deux ans le grand enjeu du siècle. Depuis fin 2022 et la mise à la disposition du grand public du logiciel ChatGPT, capable de répondre à toutes sortes de questions posées par les utilisateurs, l’IA générative s’est développée à très grande vitesse et les pays s’attèlent à ne pas être en retard dans la compétition internationale, le plus souvent à coup d’investissements massifs.

Preuve de leur importance, la pépite tricolore Mistral, qui a développé son propre outil conversationnel baptisé Le Chat, a annoncé la construction de son premier data center en France, afin de « maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, de la machine jusqu’au logiciel ».

Avant le Sommet international sur l’IA qui se tient en ce moment à Paris les 10 et 11 février, le président Emmanuel Macron s’est fait le chantre de l’IA en France, vantant les mérites de cette technologie et annonçant 109 milliards d’euros d’investissements dans le pays pour la développer.

Plus largement, l’exécutif a annoncé que 35 sites « prêts à l’emploi » avaient été identifiés pour accueillir des data centers. La France en compte actuellement plus de 300, se plaçant ainsi au sixième rang mondial des pays en accueillant le plus, après les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et le Canada, selon un rapport du Conseil économique social et environnemental.

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Ces investissements venus d’entreprises privées, prévus « dans les prochaines années », sont « l’équivalent pour la France de ce que les États-Unis ont annoncé avec Stargate », a souligné le chef de l’État lors d’un entretien sur France 2.

Parmi les projets déjà évoqués ces derniers jours pour la France, les Émirats arabes unis prévoient une enveloppe comprise entre 30 et 50 milliards d’euros pour bâtir un data center (centre de données) dont la localisation n’est pas encore connue et le fonds canadien Brookfield va investir 20 milliards d’euros pour notamment en construire un à Cambrai.

« Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que ça va tout remplacer », a insisté le chef de l’État, en référence aux milliers d’emplois et de professions menacés par l’IA. « On ne doit pas avoir peur de l’innovation », ajoute-t-il, pointant « un risque que certains ne donnent aucune règle », « mais aussi (celui) qu’à l’inverse, l’Europe se donne trop de règles, se défasse des autres et donc ne puisse plus innover ».

Face à des acteurs privés très ambitieux, la demande de régulation est forte pour éviter les abus. Le président français a promis, pour la fin du Sommet, une déclaration « avec des principes forts sur la protection des droits, l’environnement, l’intégrité de l’information, la propriété intellectuelle ».

Macron appelle au « patriotisme économique » 

Pour faire le poids face à la Chine, l’Inde ou les États-Unis, « il nous faut plus de patriotisme économique et européen. Il faut y aller à fond, acheter l’intelligence artificielle (IA) française et européenne à chaque fois qu’elle existe! », avait exhorté le 7 février Emmanuel Macron, dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale.

Le président de la République a estimé que « l’IA va révolutionner la manière de travailler », disant la voir « comme une manière de recréer de la compétitivité et de la productivité pour nos industries, de créer de nouveaux secteurs, de repenser le temps et l’aménagement du travail ».

Il a également mis en avant la capacité hexagonale à accueillir des supercalculateurs qui pourront tourner avec une énergie électrique « à 95 % décarbonée » et les 4 milliards d’euros  d’argent public prévus par le plan d’investissement France 2030 en 2027, auxquels doivent s’ajouter des « financements privés démultipliés ».

L’IA française, entre succès et ratés 

Le succès : la start-up française Mistral qui va construire son premier centre de données dédié à l’IA en France, a annoncé son patron Arthur Mensch. Ce centre de données, qui représente « plusieurs milliards d’euros » d’investissements, sera installé en Essonne, a précisé le dirigeant de 32 ans, dans les colonnes du journal Le Parisien.

« On a choisi la France pour son efficacité énergétique et la qualité de son mix énergétique en matière d’émissions carbone », a ajouté Arthur Mensch. Cette nouvelle infrastructure doit permettre à Mistral AI de « maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, de la machine jusqu’au logiciel », a souligné Arthur Mensch.

Le raté : le robot conversationnel baptisé Lucie, lauréate du programme France 2030 lancé par l’État, voulait concurrencer l’IA des géants de la tech mais a dû être débranché fin janvier après avoir livré une cascade de résultats absurdes aux internautes qui l’interrogeaient.

« 5(3+2) égale 17 », « œufs de vache », « poids d’un trou de gruyère » : de nombreux utilisateurs ont testé des requêtes aux résultats improbables. Ce raté au démarrage n’empêche pas les promoteurs de Lucie d’espérer remettre prochainement en ligne Lucie, après l’avoir fait évoluer, pour offrir à tous « un modèle de langage d’intérêt général ». Le modèle a vocation à pouvoir être utilisé pour des applications dans le monde de l’éducation,

Le Medef pousse pour des milliards d’investissements publics

Pour ne pas perdre la course effrénée à l’IA, le Medef pousse pour des milliards d’euros d’investissement et la formation de 300.000 personnes chaque année en France.

Dans un rapport publié le 9 février, l’organisation patronale appelle le gouvernement à créer un fonds d’investissement public de 10 milliards d’euros et injecter 5 milliards d’euros par an dans cette technologie sur les cinq prochaines années.

La France doit aussi mieux se former et s’équiper, selon le Medef. Il propose ainsi d’orienter, chaque année, 100.000 jeunes vers des carrières scientifiques en plus de former 100.000 salariés à son utilisation et 100.000 « experts de l’IA ».

« Alors que les États-Unis et la Chine installent tous les jours de tels centres, la France et l’Europe ne peuvent plus freiner le développement de ces infrastructures stratégiques, » alerte l’organisation. « Le temps n’est plus à la tergiversation », a déclaré le patron du Medef, Patrick Martin.

La ministre du Travail veut voir l’IA dans « toutes les entreprises »

La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a appelé de son côté à déployer plus largement l’IA dans « toutes les entreprises ».

L’IA « n’est pas réservée aux geeks, aux grandes entreprises ou aux start-up mais concerne toutes les entreprises et tous les métiers, qu’ils soient cognitifs, manuels ou relationnels », écrit la ministre.

« Aujourd’hui, seules 25 % de nos entreprises, dont 10 % des PME seulement, utilisent l’IA » et, rappelle-t-elle, « sans un sursaut, l’OCDE estime que la France bénéficierait des gains de productivité les plus faibles parmi les pays du G7 ».

« Chaque entreprise est en première ligne et doit maintenant examiner sa manière de travailler », estime la ministre qui constate que « beaucoup de salariés précèdent leurs managers dans l’adoption » de l’IA.

C’est, selon elle, « le dialogue social qui permettra de créer le cadre de confiance nécessaire, de développer la formation et de passer de l’utilisation individuelle à l’adoption collective ».

Il reste à voir maintenant l’adéquation entre la généralisation de l’IA en entreprise et le risque de remplacement des emplois qui viendra avec.

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