La Fresque

20 décembre 2017 23:20 Mis à jour: 21 décembre 2017 14:29

Angelin Preljocaj est sans doute le poète par excellence de la danse contemporaine, le poète du mouvement dans l’espace. C’est avant tout la transcendance qui caractérise la poésie qui traverse ses créations comme un fil rouge.

Après le succès de Blanche-Neige (2008) ou Siddharta pour l’Opéra de Paris (2010), Angelin Preljocaj aborde à nouveau le conte dans sa dernière création La Fresque.

Crée initialement pour les enfants La Fresque a pris sa propre vie en cours de route et s’adresse à tous.

Simple et naïve, La fresque est surtout un magnifique poème sur la grâce, l’enfance, l’art et l’amour.

Preljocaj souvent tragique et romantique aborde pour la première fois des répertoires comme le grotesque et le fantastique, les jeux d’enfants, l’humour.

Chinois

La Fresque est inspirée d’un conte chinois du XIIIe siècle, « La peinture sur le mur ». C’est l’histoire des deux jeunes voyageurs qui trouvent refuge dans un temple. Ils rencontrent un moine. Il leur montre une fresque représentant un groupe de femmes. L’un des jeunes tombe amoureux de l’une d’elles. Il plonge dans l’autre monde pour rejoindre la fille pour en être finalement chassé par un gardien de cet autre monde. En se réveillant, il découvre que son long séjour auprès de sa fiancée n’a duré qu’un quart d’heure dans le monde « réel ».

La Fresque © Jean-Claude Carbonne

Magique

La magie est convoquée dès le levé de rideau. Entre fumée et cheveux, ce rideau virtuel intègre la scénographie. Chevelure de femme ou plumeau du taoïste, les cheveux instaurent une image suggestive qui est au cœur de cette création. Un fil conducteur qui sépare la réalité de l’imaginaire et unit les amoureux, les cheveux sont fluides et sensuels comme les volants légers des robes des danseuses, ou servent des lianes sur lesquelles les danseurs se suspendent à des temps parallèles ou superposés.

Gardant une certaine naïveté et la fraicheur de l’enfance tout est suggéré dans La fresque. Les kimonos noirs des moines, la robe blanche de la bien aimée, les jeux d’enfants, la consommation du mariage qui est symbolisée par deux bouquets de fleurs rouges.

Pour nous rappeler qu’il s’agit d’un conte chinois, Preljocaj utilise les jeux d’ombres, les masques blancs sur fond noir, et encore les cheveux, thème qui revient à maintes connotations dans les contes asiatiques.

Métaphysique

Le gardien monstrueux apparaît comme dans la danse du Bouddha à mille bras en ombre chinoise. Tout puissant, ses trois corps se réunissent et se divisent, pour s’emparer du jeune intrus et le jeter en dehors du tableau.

Le jeune se réveille, les filles dans la peinture sont immobiles mais miraculeusement l’une d’elle porte une fleure rouge dans ses cheveux. N’était-ce vraiment qu’un rêve ?

La Fresque © Jean-Claude Carbonne
La Fresque © Jean-Claude Carbonne

La Fresque soulève des questions sur les mondes parallèles sur les rapports entre l’illusion et la réalité, sur la réalité et sa représentation ainsi que sur les différentes dimensions et espaces temps et sur u monde virtuel qui est de plus en plus présent dans notre vie.

Simple

Preljocaj s’attaque dans La fresque à une nouvelle aventure. Il n’a pas opté pour les contes de Grimm ou de Perrot mais s’est dirigé vers la culture chinoise. Preljocaj traite ses thèmes de manière simple, voire parfois simpliste, révélant l’esprit chinois traditionnel avec les outils de la danse contemporaine occidentale, l’abstraction et la suggestion. Un très beau voyage.

 

Musique: Nicolas Godin, costumes: Azzedine Alaïa, décors, vidéo: Constance Guisset Studio, lumières: Éric Soyer.

Avec Mirea Delogu, Clara Freschel, Nuriya Nagimova, Anna Tatarova, Yurié Tsugawa, Marius Delcourt, Antoine Dubois, Victor Martinez Caliz, Fran Sanchez, Jean-Charles Jousni / Leonardo Cremaschi.

Chaillot -Théâtre national de la Danse jusqu’au 22 décembre

 

(Captures d’écran Twitter)

Michal Bleibtreu Neeman

 

 

 

 

 

 

 

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