Peu d’histoires bibliques sont plus connues que celle de Marie-Madeleine. Selon l’interprétation catholique romaine, Marie est la femme adultère à qui le Christ pardonne, devenant ainsi un symbole culturel de l’expiation.
L’une des plus proches disciples de Jésus, Marie-Madeleine a joué un rôle dans plusieurs événements relatés dans les Évangiles. Elle a également été la première à découvrir le tombeau vide du Christ après sa résurrection. Les légendes sur la réclusion de Marie-Madeleine se sont développées des siècles après sa mort : on raconte qu’elle passa les derniers jours de sa vie en ermite, dans la prière et la pénitence. Ces récits ont inspiré l’art religieux, notamment le peintre italien de la Renaissance Titien (vers 1490-1576).
À la Renaissance et à l’époque baroque, La Madeleine pénitente est devenue un sujet populaire auprès des mécènes. Tout au long de sa carrière, Titien a créé plusieurs versions légèrement modifiées de cette composition.
Symbolisme et iconographie
Levant vers le ciel un regard plein de larmes, la Marie-Madeleine du Titien incarne l’iconographie de la prostituée pénitente : une femme au passé dissolu qui réfléchit au péché, à la mortalité et à l’illumination après avoir été pardonnée et exorcisée de ses démons par le Christ.
Le peintre et biographe de la Renaissance Giorgio Vasari (1511-1574) pense que les récits de la réclusion de Marie-Madeleine à la fin de sa vie ont influencé la peinture. Une légende prétendait qu’elle avait terminé sa vie en ermite, ses vêtements étant d’abord réduits à l’état de haillons, puis entièrement détruits, tandis que ses cheveux avaient poussé suffisamment longtemps pour servir de substitut. Si l’évaluation de Vasari est exacte, alors Titien a symboliquement combiné des éléments de la vie biblique et post-évangélique de Marie-Madeleine.
Dans la plupart des compositions de Titien, Marie-Madeleine est placée dans la grotte de la Sainte-Baume, dans le sud de la France, où elle aurait vécu recluse pendant 30 ans. À sa gauche se trouve une petite fiole d’onguent qui rappelle Luc 7 : 36-50, où elle (considérée comme Marie-Madeleine dans le catholicisme) se rend dans la maison de Simon le pharisien pour demander pardon à Jésus. Versant des larmes de repentir sur les pieds du Christ, elle les a ensuite séchés avec ses cheveux et les a oints d’un parfum provenant d’un vase d’albâtre. Dans le tableau, Titien a apposé sa propre signature sur le pot.
Le tableau présente de multiples possibilités symboliques. L’une des interprétations est que Titien a voulu représenter Marie-Madeleine peu après son pardon, mais a utilisé ses cheveux pour souligner la pénitence continue de ses derniers jours. Une autre possibilité est que le peintre a voulu représenter les derniers jours de Marie-Madeleine tout en utilisant son apparence juvénile pour symboliser la sainteté intérieure.
Le premier prototype
La Madeleine pénitente initiale de Titien – un prototype qui diffère considérablement de ses compositions ultérieures – a probablement été commandée au début des années 1530 par Federico Gonzaga, duc de Mantoue. Le tableau était un cadeau pour la veuve Vittoria Colonna dont l’époux appartenait à l’une des familles nobles les plus importantes de Rome. Vittoria Colonna était une poétesse au centre des cercles littéraires de la Haute Renaissance et des mouvements de réforme religieuse de son époque. Elle devint plus tard une amie proche de Michel-Ange.
L’une des premières peintures de Titien retrouvées est conservée au Palazzo Pitti de Florence. Peint pour Francesco Maria I della Rovere, duc d’Urbino, ce tableau aurait suivi la composition de Vittoria Colonna.
Marie-Madeleine est encore représentée comme une jeune femme, nue par sa volonté de se dépouiller de son passé de pécheresse. Selon les historiens de la galerie des Offices, Titien aurait pris pour modèle une courtisane vénitienne. En raison du thème de la pécheresse pénitente, le tableau est devenu un exemple de femmes qui se sont repenties et converties.
Le repentir de la sainte était l’un des rares sujets acceptés par les artistes de la Renaissance pour représenter de manière sacrée le nu féminin. Dans ce tableau, Titien a consciemment mélangé deux concepts de la beauté féminine : la chasteté et la sensualité. L’artiste a placé Marie-Madeleine, tenant ses longs cheveux sur son corps exposé, dans une position iconique similaire à celle de la Vénus (l’Aphrodite grecque) Pudica, la Vénus pudique, qui tient sa main droite sur son sein et sa main gauche sur son aine.
La plus ancienne mention du tableau remonte à Vasari. Lors d’une visite à la cour d’Urbino en 1548, il a noté que l’œuvre d’art était une « chose rare ». Il nie toute implication érotique et déclare que la représentation « suscite profondément les émotions de tous ceux qui la regardent ; et, en outre, bien que la figure de Marie-Madeleine soit extrêmement belle, elle suscite des pensées de pitié plutôt que de désir ».
Les premiers prototypes de Titien, réalisés entre 1530 et 1540, se concentrent exclusivement sur Marie-Madeleine. La partie supérieure gauche du tableau est bleu foncé avec quelques nuages, suggérant une nuit claire éclairée par la lune. La peau pâle et les cheveux mordorés de Marie-Madeleine forment un contraste saisissant avec le décor nocturne, l’effet global se rapprochant du ténébrisme.
Madeleine dans la grotte
Après avoir peint la première série de La Madeleine pénitente, Titien a repris ce thème au moins sept fois entre 1550 et 1570. En ajoutant de la profondeur et de la dimension à la composition, Titien a peint Marie dans un paysage plus large et plus étendu.
Le professeur Paul Joannides suggère que Titien a expérimenté quelques variantes entre l’abandon du premier prototype et le développement du second. L’une d’entre elles, conservée au Getty Center de Los Angeles, est peut-être restée dans l’atelier de l’artiste en tant que modèle.
Toujours peinte dans la pose de la Vénus Pudica, Marie porte maintenant une simple robe blanche et un châle de prière rayé de rouge et de blanc qui l’entoure. Les principales différences entre les peintures de transition et les compositions plus élaborées de Titien sont l’introduction du crâne et le changement de récipient, d’une jarre en albâtre à une cruche en verre. Presque identiques à première vue, les peintures tardives de Titien présentent des différences mineures lorsqu’on les compare. De nombreux tableaux de ce prototype illustrent Marie utilisant un rocher comme table, avec un crâne (rappelant la mort) et un livre de prières posé dessus.
Contrairement à la première série de La Madeleine pénitente, les dernières peintures sont toutes des scènes diurnes avec le ciel visible à droite. Bien qu’il puisse s’agir d’une coïncidence, il est possible que Titien ait voulu que les tableaux soient chronologiques. Si c’est le cas, Vittoria Colonna a reçu celui qui précède le lever du jour, où Marie-Madeleine commence à se repentir – sa sensualité symbolisant le péché originel et son ascension au-dessus de celui-ci. Les peintures ultérieures montreraient alors le soleil se levant progressivement au fur et à mesure de sa conversion.
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