Selon les experts, le changement radical de la politique énergétique américaine effectué par Donald Trump pourrait avoir des répercussions sur les plans ambitieux de l’Europe en matière du « zéro émission nette ».
Les démarches du nouveau président américain visant à augmenter les forages domestiques et les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe ont mis de côté les politiques de lutte contre le changement climatique. Cela pourrait avoir diverses répercussions sur le marché et les politiques énergétiques de l’Union européenne (UE).
Selon certains observateurs, les démarches de M. Trump accélèrent à elles seules un changement dans le débat sur l’énergie et le climat en Europe, où les objectifs ambitieux en matière de changement climatique sont de plus en plus contestés dans les urnes.
Les dirigeants européens ont donné la priorité à une approche énergétique axée sur les énergies renouvelables, ainsi qu’à une législation visant à faire de l’Europe le premier continent à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Certains dirigeants européens ont affirmé que ces objectifs restent inchangés après que Donald Trump a annoncé que les États-Unis se retiraient de l’accord de Paris sur le climat.
Le 21 janvier, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré au Forum économique mondial de Davos : « Le changement climatique est toujours en tête de la stratégie mondiale. De la décarbonisation aux solutions basées sur la nature. De la construction d’une économie circulaire au développement de crédits nature. »
Le même jour, le vice-chancelier allemand et ministre de l’Économie et du Climat Robert Habeck, l’architecte des plans visant à rendre 80 % de l’électricité verte en Allemagne à l’horizon 2030, a indiqué lors d’une conférence sur l’énergie à Berlin que « nous devons mettre en avant nos propres technologies ».
Révision du pacte vert pour l’Europe
Les pays de l’UE ne sont pas tous d’accord avec cette approche.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a appelé à une révision du pacte vert pour l’Europe (European Green Deal), mettant en garde que les prix élevés de l’énergie pourraient renverser les gouvernements démocratiques.
S’exprimant à Strasbourg le 22 janvier, M. Tusk a souligné que certaines réglementations de l’UE ont conduit à ce que « les prix de l’énergie sont trop élevés ».
Le Premier ministre polonais du centre-droit a fait remarquer aux membres du Parlement européen que ces prix élevés « pourraient entraîner la chute de nombreux gouvernements démocratiques ».
Andy Mayer, chef de l’exploitation et analyste de l’énergie à Institute of Economic Affairs, a expliqué à Epoch Times que les remarques de M. Tusk reflètent la prise de conscience croissante parmi les décideurs européens que « l’optimisation climatique ne peut pas remplacer l’énergie distribuable ».
Il a noté que les États-Unis ont passé 20 ans à développer leurs ressources pétrolières et gazières par le biais de la fracturation, du forage en mer et des projets de pipelines, tandis que l’UE ne l’a pas fait.
Malgré les défis réglementaires, les États-Unis ont conservé leur position de premier fournisseur de GNL à l’Europe en 2024, qui en a acheté 43,8 millions de tonnes. Et ce, bien que l’administration Biden ait imposé une pause temporaire sur les décisions concernant les exportations de GNL en raison du changement climatique dont elle a qualifié de « menace existentielle de notre époque ».
« Les membres de l’UE ont passé leur temps à mettre à mal les nouvelles centrales nucléaires, à interdire les combustibles fossiles et à être aveugles aux dangers de la dépendance à la Russie », a constaté M. Mayer, ajoutant que le résultat est une augmentation du coût des factures, une délocalisation de l’industrie européenne et des craintes croissantes de coupures d’électricité.
« Le fait d’être le meilleur endroit au monde pour vendre des technologies renouvelables n’a pas permis à l’UE de devenir le leader mondial dans la production de ces technologies car, comme pour toute autre industrie lourde, l’avantage compétitif dans la production dépend d’une énergie sûre et bon marché », a-t-il précisé.
Andy Mayer a également averti que le « paradoxe de la croissance verte » amène à la situation où les gens se rendent compte du déclin relatif de leur niveau de vie et se tournent vers les partis populistes pour trouver des solutions.
« Si cela signifie que l’on abandonne les chimères du zéro net pour le pragmatisme et des moyens d’approvisionnement en énergie localement forée, ce sera un répit bienvenu », a-t-il conclu.
« Une révolution dans la communication »
Samuel Furfari, ingénieur chimiste et ancien haut responsable de la politique énergétique de l’UE, a indiqué à Epoch Times que Donald Trump avait entamé une « révolution dans la communication » autour de l’énergie.
Il a déclaré que même avant le premier mandat de M. Trump en 2016, les gens ne réalisaient pas l’ampleur du changement que représentait le gaz de schiste américain – le phénomène qu’il a qualifié de « révolution dans l’énergie ».
Selon U.S. Energy Information Administration, de janvier à septembre 2024, les États-Unis produisaient par jour 2,3 milliards de mètres cubes de gaz de schiste, extraits par fracturation hydraulique (fracking) et par forage horizontal.
Cette quantité devrait augmenter grâce à la promesse de Donald Trump de maximiser la production de pétrole et de gaz naturel en Amérique, inversant ainsi la politique de son prédécesseur Joe Biden.
« M. Trump a créé une révolution dans la communication, et non une révolution dans l’énergie, car la révolution dans l’énergie était déjà en place », a expliqué M. Furfari.
Les énergies éolienne et solaire ne peuvent être développées qu’avec des subventions, a-t-il affirmé, tandis « qu’en réalité, les prix de l’électricité en Europe montent à cause des énergies renouvelables ».
Samuel Furfari a également constaté que la Pologne avait réussi à diversifier ses sources de gaz en s’approvisionnant en Norvège, au Qatar et aux États-Unis, ainsi qu’en construisant son propre terminal gazier sur la mer Baltique – et ce, avant le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
« C’est exactement l’inverse des Allemands », a-t-il souligné.
« L’Amérique d’abord »
Richard Schenk, analyste de l’énergie dans le groupe de réflexion MCC basé à Bruxelles, a déclaré à Epoch Times que bien que le vent de changement soit en train de souffler, l’UE représente une « ancre tellement lourde » qu’il faudrait des années pour inverser le cours des choses.
Il a laissé entendre qu’en fin de compte, l’UE veut éviter complètement le gaz naturel et avoir autant d’énergies renouvelables que possible.
Selon ses estimations, les énergies renouvelables peuvent « fournir 30 à 40 % de nos besoins en électricité, mais qu’elles ne peuvent en aucun cas nous débarrasser complètement des énergies fossiles, nucléaires ou autres, car les nouvelles technologies de stockage n’existent pas encore ».
« L’hydrogène est essentiellement un échec jusqu’à présent », a noté M. Schenk.
Il a également déclaré que la détermination de Donald Trump à faire de l’UE un acheteur encore plus important de GNL américain n’est pas nécessairement une solution miracle aux problèmes énergétiques de l’Europe.
« En fait, à long terme, il est beaucoup plus facile d’amener les usines et les installations aux États-Unis que d’amener le GNL des États-Unis vers l’Europe », a-t-il commenté, indiquant que l’une des plus grandes entreprises chimiques allemandes, BASF, l’a déjà fait.
« Cette entreprise a d’abord remplacé le gaz russe par le GNL américain, mais aujourd’hui elle est en train de démanteler l’ensemble de son usine et de l’amener au Texas », a-t-il précisé.
Le GNL est beaucoup plus cher que le gaz naturel acheminé par gazoduc, et comme les prix de l’énergie sont déjà plus élevés en Europe, les industries européennes pourraient continuer à se délocaliser à long terme aux États-Unis.
C’est d’ailleurs l’objectif de la politique « Amérique d’abord » de l’administration Trump.
« L’Europe doit trouver une réponse à ce problème », a souligné M. Schenk.
Il a également fait remarquer qu’un engagement en faveur de l’énergie nucléaire pourrait soutenir l’économie européenne. Toutefois, en Allemagne, la plus grande économie de l’UE, la situation est compliquée.
L’Allemagne a mis hors service ses trois dernières centrales nucléaires en avril 2023, à la suite d’une décision prise en 2011 par Angela Merkel, chancelière allemande de l’époque.
Richard Schenk a laissé entendre que l’Allemagne pourrait revenir à l’énergie nucléaire après les prochaines élections du 23 février si les candidats de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) s’engagent à respecter leur manifeste électoral qui inclut l’examen de « la possibilité de redémarrer les opérations dans les centrales nucléaires qui ont été récemment fermées ».
Cependant, Friedrich Merz, candidat de la CDU à la chancellerie, avait l’air d’écarter cette possibilité.
« Elles [les centrales nucléaires] sont en train d’être démantelées, elles sont en train d’être décontaminées. Il n’y a très probablement aucun moyen d’y remédier », a-t-il déclaré lors d’une réunion avec un syndicat, a rapporté Euractiv le 17 janvier.
Les chances de réactivation de ces centrales « diminuent chaque semaine », a ajouté M. Merz.
« On verra », a conclu M. Schenk. « Ils changent tout le temps d’avis. »
Avec Reuters
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