Face à la menace russe, Varsovie a pris la décision d’augmenter considérablement ses capacités militaires, ayant même pour ambition de posséder bientôt « les forces terrestres les plus puissantes d’Europe », selon les mots du ministre de la Défense polonais, Mariusz Blaszczak. Mais le gouvernement polonais, agacé des pressions exercées par Emmanuel Macron sur la Pologne, a choisi de ne passer aucune commande d’armement auprès de la France.
L’agression de l’Ukraine par l’armée russe a surpris les dirigeants occidentaux, mais pas la Pologne, qui sait depuis toujours à quoi s’en tenir avec son voisin. Pour le moment la guerre reste à sa porte, mais rien n’assure que le conflit ne s’invitera pas sur son territoire, qui possède une frontière directe avec Kaliningrad et la Biélorussie vassale de Moscou. L’article 5 de l’Otan lui garantit le soutien armé de ses alliés, mais ne la protège pas d’une attaque du Kremlin.
C’est pourquoi, devant l’ampleur du danger, « l’armée polonaise doit être si puissante qu’elle n’aura pas besoin de se battre, du fait de sa seule force », a souligné le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, le 10 novembre dernier, à la veille de la fête de l’Indépendance. Si vis pacem para bellum : la Pologne investit donc massivement dans une armée moderne afin d’être prête au cas où la Russie prendrait le risque d’un affrontement direct avec l’Otan.
La Pologne met le turbo pour s’armer
Elle a annoncé une hausse historique du budget consacré à sa défense : il passerait de 2,4% du PIB à 5%. Soit très loin devant tous les autres pays européens, dont l’Allemagne qui n’y consacre que 1,5% de son PIB, bien en dessous de l’exigence de 2% fixée par l’Otan. Un minimum que la France se contente tout juste de respecter.
Si l’attaque russe de l’Ukraine semble avoir fait sortir l’Allemagne de sa léthargie, avec l’annonce de son réarmement, ce n’est pas en un claquement de doigts que Berlin arrivera à rattraper les décennies de retards accumulés dans le domaine militaire, ni à motiver les jeunes Allemands pour s’enrôler dans une armée décriée.
A l’inverse, l’armée polonaise, qui souhaite doubler ses effectifs en passant de 150 000 à 300 000 soldats d’ici 2035, poursuit un objectif audacieux qui semble être dans ses capacités, comme l’explique à Politico Gustav Gressel, ancien officier autrichien spécialiste de la sécurité au Conseil européen des relations internationales (ECFR) : « Les Polonais ont une attitude beaucoup plus positive envers leur armée que l’Allemagne parce qu’ils ont dû se battre pour leur liberté ».
Une liberté durement conquise contre le communisme, et que Varsovie compte bien garantir face à Moscou, mais aussi faire valoir pour s’émanciper de Bruxelles, qui utilise les sanctions pour contraindre la Pologne à adopter son agenda politique.
La surprise vient de ce que le pays n’a pas choisi cette fois de s’équiper seulement auprès de son allié américain, mais s’est tourné vers la Corée du Sud. Une décision qui reflète sa prudence envers le pouvoir démocrate de Washington, n’ayant pas oublié les attaques de Joe Biden qui avait accusé les dirigeants polonais d’être à la tête d’un gouvernement « totalitaire ».
Pour la Pologne, la France n’existe plus
Plus grave pour nous, ayant déjà décidé de se passer de la France pour développer son énergie nucléaire, la Pologne récidive avec les commandes de matériel militaire. Elle fait payer à notre diplomatie son arrogance. C’est une gifle monumentale pour Emmanuel Macron, dont la suffisance affichée a privé la France d’un boulevard d’opportunités avec son allié historique dans le domaine énergétique et militaire. La Pologne avait déjà signé un contrat de 4,9 milliards d’euros au printemps dernier pour la livraison de 250 chars américains Abrams, afin de remplacer les tanks obsolètes de l’ère soviétique livrés à l’Ukraine au début de la guerre. Le département d’État américain a annoncé la vente de 116 chars Abrams supplémentaires dans leur version modernisée.
Varsovie a aussi commandé à Séoul l’équivalent de 10 à 12 milliards de dollars d’armement, et passé un accord avec l’entreprise sud-coréenne Hyundai Rotem pour la livraison d’ici la fin des années 2020 de 1 000 chars d’assaut, soit plus de 4 fois le nombre de chars Leclerc opérationnels dans l’armée française. La livraison de 180 de ces chars K2 Black Panther doit avoir lieu entre 2022 et 2025, pour une valeur de 3,37 milliards de dollars.
A ce contrat s’ajoute la commande de 288 lance-roquettes multiples K239 Chunmoo, système d’artillerie semblable aux Himars américains si décisifs pour l’armée ukrainienne. Ainsi que la livraison de 672 obusiers K9 Thunder, qui ont des propriétés similaires à celles des canons CAESAR français également présents sur le front en Ukraine. A titre de comparaison, la France a prévu de son côté de se doter de 109 canons CAESAR pour 2025.
La Pologne souhaite aussi rattraper son retard en matière de forces aériennes et navales, encore bien inférieures à celles de l’armée française. Elle a signé dès 2020 avec les États-Unis un contrat de 4,6 milliards de dollars pour acquérir 32 chasseurs F-35, et ce malgré les nombreux défauts référencés sur le dernier appareil de Lockheed Martin. Une défense aérienne composée de F-16, que la Pologne complète désormais avec la commande de 50 FA-50 sud-coréens. Pas un seul Rafale français ne lui a été vendu.
Même pour le renforcement de sa marine, Varsovie a préféré faire son marché ailleurs qu’en France : 3 frégates commandées aux Britanniques et, très récemment, 2 navires espions au groupe suédois Saab. Rien à la construction navale française, pourtant encore de très bonne facture. La débâcle est totale.
Si Varsovie a été séduite par le rapport qualité-prix avantageux de Séoul, par sa capacité à honorer rapidement les commandes, et est animée par le souci de diversifier ses sources d’approvisionnement, les dirigeants polonais ont confirmé que les pressions exercées par le couple franco-allemand ont été décisives dans le choix de leur nouveau partenaire stratégique.
L’attitude condescendante d’Emmanuel Macron envers la Pologne a donc bien contribué à faire perdre à la France les milliards d’euros d’une coopération potentiellement fructueuse. Plus grave encore, par sa désinvolture le président français a fragilisé l’alliance historique qui liait la France à la Pologne, condamnant ainsi les Français au déclin. A moins que, redevenus lucides, ils n’abandonnent rapidement cette condescendance qui les conduit à vouloir imposer à leurs voisins une certaine vision du monde et de la vie en société.
Article écrit par Arnaud Dauphin avec l’aimable autorisation de l’IREF
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