Jets d’ordures, tags sur les permanences, et jusqu’au caillassage et aux menaces de mort : les élus soutenant la réforme des retraites ont pu déjà dans le passé connaître des violences, et ils encaissent les actes antiparlementaires avec inquiétude ou fatalisme.
« Vendues = tondues » : Chantal Bouloux, élue Renaissance des Côtes d’Armor, a découvert l’inscription jeudi matin sur sa permanence à Dinan. « Je suis en état de choc. Rappelons l’histoire de France », dit-elle à l’AFP alors que l’inscription semble se référer au sort réservé à la Libération aux femmes qui avaient collaboré. La députée s’émeut que des représentants de l’intersyndicale aient pique-niqué aux abords de son local, semblant la cautionner. « Jamais je n’ai refusé le dialogue », assure-t-elle.
La police procède à de nombreuses charges et matraque les manifestants dans le cortège parisien.#manif23mars #reformedeseetraites pic.twitter.com/CfBHJ4G4pz
— Amar Taoualit (@TaoualitAmar) March 23, 2023
Nombre d’autres élus ont été visés pendant la bataille parlementaire des retraites, avec une accélération depuis l’usage de l’arme constitutionnelle du 49.3 pour faire passer la réforme sans vote. « 49.3 déni de démocratie », a-t-il été inscrit sur la permanence du macroniste Guillaume Gouffier-Valente à Vincennes (Val-de-Marne), avec un pendu dessiné.
Une vingtaine d’actions contre des élus recensées
Les parlementaires Les Républicains (LR), pour la plupart favorables à la réforme, en ont également été victimes ces dernières semaines. Le courant avait été coupé à la permanence du président du Sénat Gérard Larcher et au domicile vendéen du patron des sénateurs LR Bruno Retailleau. Plus brutal : une vitrine de la permanence à Nice d’Éric Ciotti a volé en éclats le week-end dernier. Et un ultimatum a été lancé au chef du parti de droite, « la motion ou le pavé », l’intimant de voter pour censurer le gouvernement.
Une vingtaine d’actions ont été recensées par la présidence de l’Assemblée nationale en moins d’une semaine, sur une cinquantaine au total depuis le début de la législature. L’institution se porte désormais systématiquement partie civile lorsqu’un député dépose plainte. Les plus anciens élus ont le cuir tanné. Il y a quatre ans, « lors de la crise des gilets jaunes, c’était plus aigu », se remémore l’un d’eux. Les contestataires allaient jusqu’aux domiciles.
Des insultes au harcèlement
Lors de la crise du Covid aussi, les menaces de mort étaient fréquentes de la part des opposants au pass sanitaire. « C’est la continuité », selon le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli, qui a vu sa permanence à Suresnes (Hauts-de-Seine) taguée d’une croix nazie dans la nuit de mardi à mercredi. « Les insultes on en reçoit une centaine par jour, entre les réseaux sociaux et les mails » et « je n’y prête plus attention », témoigne-t-il. « Je ne me sens pas menacé physiquement, pas pour l’instant » mais « je sais que certains de mes collègues le ressentent », nuance-t-il.
Vieux routier de la politique, le président de son groupe François Patriat a fini par réagir à une menace de mort « d’une violence rare », « aux relents antisémites abjectes ».
Des cartes de France avec les adresses des permanences circulent sur les réseaux sociaux, comme des listes des députés n’ayant pas voté la motion de censure transpartisane pour faire tomber le gouvernement Borne, qui a échoué à neuf voix près. « Nos boîtes mail sont saturées, c’est du harcèlement », s’élève Frédérique Meunier (LR), dénonçant « une forme de manipulation » via les réseaux.
Une protection renforcée des parlementaires
Tous accusent La France insoumise (LFI) de souffler sur les braises. « Pour certains toutes les outrances, toutes les violences sont permises », a accusé Élisabeth Borne, qui voit un « antiparlementarisme à l’œuvre ».
Manifester et faire entendre des désaccords est un droit.
Les violences et dégradations auxquelles nous avons assisté aujourd’hui sont inacceptables.Toute ma reconnaissance aux forces de l’ordre et de secours mobilisées.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) March 23, 2023
Mais si « manifester, faire grève, élire des représentants du peuple ne sert à rien, quelle va être la solution pour les gens : tout casser ? », questionne Mathilde Panot, présidente des députés LFI, en renvoyant la « violence » sur l’exécutif.
Dès le soir du déclenchement du 49.3, la cheffe de file des députés Renaissance Aurore Bergé avait demandé au ministre de l’Intérieur de « mobiliser les services de l’État » pour la « protection des parlementaires ». Ce jeudi pour la 9e journée de mobilisation contre la réforme, certaines permanences étaient sous bonne garde, leurs rues étant parfois bloquées par les forces de l’ordre. Et des députés ont été invités à rester à l’écart. Mais « je ne recule pas devant mon engagement », répondent à l’unisson les parlementaires.
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