Gordon Chang était légèrement en avance sur son temps, lorsqu’il a intitulé en 2001 son livre The Coming Collapse of China (L’effondrement prochain de la Chine). Juriste, journaliste et auteur américain d’origine chinoise, Gordon Chang avait annoncé que, dans la décennie à venir, l’économie chinoise s’effondrerait et que le Parti communiste chinois s’écroulerait. Ses prédictions ont quatre années de retard pour l’instant. Toutefois, nombre d’arguments avancés par l’auteur sont encore d’actualité. Alors que les politiques économiques chinoises sont de plus en plus volatiles, Epoch Times a rencontré l’auteur pour analyser le passé de la Chine et son futur de plus en plus aléatoire.
Quel est votre analyse des réformes économiques actuelles en Chine ?
À mon avis, seule une profonde réforme économique a une chance d’aboutir. Mais l’absence de consensus politique à Pékin rend la chose impossible à mettre en place. L’approche de Xi Jinping est régressive, c’est un retour au modèle semi-autoritaire de l’ère maoïste.
Lorsque leurs dernières tentatives échoueront, l’économie fera une chute libre, et selon moi, il emportera le système politique sur son passage.
Expliquez-nous, comment cela fonctionnerait-il concrètement ?
Le peuple chinois n’est peut-être pas révolutionnaire dans l’âme. Mais une fois que les gens commenceront à sortir dans les rues, on va perdre le contrôle de la situation. Je pense que les gens en Chine ne croient pas au fait que le système du parti unique soit approprié à leur société moderne actuelle.
Ils ne s’opposeront probablement pas au Parti communiste, par crainte, à cause du mécanisme répressif et de l’État très coercitif. Mais lorsqu’ils apercevront l’espoir d’un changement, je suis persuadé que les choses pourront changer vite, très vite même.
Pour moi, lorsque le Parti communiste commencera à montrer des signes de défaillance, les gens vont réellement manifester, et ces manifestations – qu’elles aient une intention révolutionnaire ou non – risquent de générer une situation qui va échapper à tout contrôle.
À l’image de ce qui s’est passé dans les pays de l’Europe de l’Est à la fin des années 1980 ?
Si vous remontez à 1988, personne —pratiquement personne — n’aurait parié un rouble sur l’effondrement du système soviétique. Puis, tout d’un coup il y a eu des problèmes en Hongrie, qui se sont propagés dans tous les pays satellites de l’Europe de l’Est. Enfin, vous avez eu la chute du mur de Berlin. Et pourtant, les politiques américains continuaient à dire « après tout, ce n’est que l’Europe de l’Est, le système soviétique, lui, ne peut pas s’effondrer ».
Effectivement, les citoyens soviétiques, eux non plus, ne voyaient pas comment leur gouvernement pouvait tomber. Mais ces évènements ont eu lieu presque sans leader, dans le sens où aucun leader n’est apparu pour porter ces révolutions. Elles n’étaient pas organisées.
Je suis convaincu que c’est exactement la même situation en Chine. Beaucoup de gens en ont juste assez et n’en peuvent plus, surtout quand le système n’est plus prospère. Avec les graves problèmes économiques bien concrets, je pense que les gens vont finir par dire : « On n’en peut plus, on en a assez ».
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
L’une des raisons pour lesquelles j’ai écrit ce livre est que je pratiquais le droit à Shanghai. Mes clients qui séjournaient au Grand Hyatt de Pudong — l’un des hôtels les plus fascinants au monde – disaient lorsqu’ils se promenaient en ville que « la Chine n’est plus vraiment communiste ».
Or, je disais exactement la même chose quelques années auparavant, lorsque je venais d’arriver en Chine. Évidement, si vous n’y séjournez que trois ou quatre jours, bien sûr vous direz la même chose. Je sentais tout simplement que le système ne pouvait pas fonctionner, et c’est la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre. Je me disais que ce système était insoutenable et qu’il finirait par s’écrouler.
Nous assistons aux prémices d’une crise et je ne pense pas que le Parti communiste ait les moyens de s’en tirer indemne, et ce sera la dernière crise du communisme en Chine. Le peuple chinois va inventer quelque chose d’autre, mais, cette fois-ci, débarrassé du contrôle du Parti communiste.
Parlez-nous des autres acteurs qui dénoncent les méfaits du Parti communiste ?
Ce sont des groupes vraiment très intéressants. Lorsque vous parlez aux pratiquants de Falun Gong par exemple – je n’en fais pas partie – vous vous rendez compte qu’ils croient en quelque chose. Et ils y croient vraiment. Au point qu’un certain nombre d’entre eux, un grand nombre d’entre eux même, ont donné leur vie pour leurs croyances. Ce n’est pas au Parti communiste que vous trouverez de pareils membres.
Ce sentiment, de ce que représentait le Parti dans les années 1930 et les années 1940, a complètement disparu. Le Parti est devenu l’une des organisations les plus corrompues de la planète, il ne peut pas survivre.
En tant qu’organisation [le Parti], elle est immense et elle est aussi pourrie, mais en raison de son inertie, sa chute peut prendre un certain temps. Elle a déjà pris plus de temps que je ne pensais.
Et pourtant, elle ne suscite pas ce sentiment que vous voyez non seulement chez les pratiquants de Falun Gong, mais aussi chez les Tibétains et les Ouïghours. Vous le voyez aussi chez les chrétiens. Des gens prêts à donner leur vie parce qu’ils croient en quelque chose.
Le Parti communiste a fait de tous ces groupes des ennemis. Aucun de ces groupes ne s’est réveillé subitement un matin, en disant : « Je vais faire tomber le Parti communiste », mais c’est le Parti qui les a contraints à l’opposition.
Nous remarquons à quel point le Parti communiste est fragile aujourd’hui, vu le haut niveau de coercition qu’il a atteint. Il est plus oppressant et donc beaucoup plus fébrile. Il n’agirait pas ainsi s’il ne sentait pas son pouvoir en péril, mais les membres du Parti communiste chinois savent que leur bail arrive à expiration. C’est cela qui est important.
Ils perdent la bataille pour gagner l’esprit du peuple ?
Parfaitement. Il s’agit d’une bataille pour gagner les cœurs et les esprits des gens. Nous avons de petits groupes de dissidents qui semblent incapables de faire chavirer l’État, alors que c’est le contraire. C’est ce qui est arrivé dans tant de pays différents et pas seulement en Europe de l’Est et en Union soviétique.
Nous avons l’exemple des Philippines, du Pérou et de nombreux autres pays, où lorsque le peuple est sorti dans les rues, il a fini par renverser le gouvernement. Il suffit d’une personne, dont l’esprit change, pour tout déclencher.
Le meilleur exemple dans ce domaine reste les Philippines. Il y a dix ans, il a suffi d’une seule personne qui a envoyé un texte : « Habillez-vous en noir, et venez au EDSA [Place de la Révolution Populaire] ». La foule n’a cessé de grossir encore et encore. Finalement le président Estrada n’avait d’autre choix que de démissionner en plein milieu de son mandat, parce qu’il y avait trop de monde dans les rues.
Nous allons assister à des révolutions sans chef en Chine. Les gens se demandent : « Comment est-ce possible ? Il y a des dissidents, ils ne sont pas organisés, ils ne sont pas financés ».
Les politologues ne le comprennent pas. C’est cela le vrai problème du Parti communiste. Oui, le Parti compte 80 millions de membres, mais ce n’est en rien un signe de force politique ; le Parti est affaibli en ce moment. Très peu de membres sont prêts à donner leur vie pour le communisme en Chine.
Il n’y a plus rien. Juste une organisation pourrie et corrompue qui va s’évaporer comme dans tant d’autres États communistes avant lui.
Il y a une génération moderne qui aspire à mieux vivre et qui n’a pas si peur de son gouvernement. Combinez cela à l’échec économique et vous avez un cocktail explosif face au Parti communiste.
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