La vaginose bactérienne, qui touche une femme sur trois, pourrait être une IST

Une nouvelle étude australienne remet en question des décennies de protocole de traitement de la vaginose bactérienne

Par Cara Michelle Miller
9 mars 2025 19:54 Mis à jour: 9 mars 2025 21:16

La vaginose bactérienne (VB), qui concerne entre 15 à 20% des femmes en France, est en fait une infection sexuellement transmissible (IST), selon une nouvelle étude australienne.

Publiée dans The New England Journal of Medicine le 5 mars, cette étude montre que le fait de traiter les deux partenaires sexuels en même temps – et non pas seulement la femme – réduit de moitié environ les taux de réinfection.

Cette nouvelle compréhension, fondée sur des décennies de recherche, représente un changement majeur dans la manière dont nous abordons la VB et son traitement, offrant de nouvelles possibilités aux femmes affectées par ses symptômes récurrents, comme les pertes, les démangeaisons et l’inflammation, ainsi que par des risques graves comme la stérilité, les naissances prématurées et les décès de nouveau-nés.

« Nous avons prouvé que la réinfection [par les partenaires] est à l’origine d’une part importante des récidives – en fait, la majorité », a déclaré à Epoch Times Catriona Bradshaw, clinicienne-chercheuse qui a codirigé l’étude.

La VB est depuis longtemps liée à un microbiome vaginal perturbé. Elle touche une femme sur trois dans le monde.

Dans un vagin sain, les bactéries Lactobacillus protègent contre les infections et favorisent une grossesse en bonne santé. Toutefois, dans le cas de la VB, ces bactéries bénéfiques sont remplacées par un mélange de microbes nocifs, notamment les bactéries Gardnerella, Atopbium et Mobiluncus.

Le fait de traiter la VB comme un simple déséquilibre vaginal, ce qui signifie que seule la femme est traitée avec des antibiotiques, plutôt que comme une IST, où les deux partenaires reçoivent un traitement, pourrait expliquer pourquoi plus de la moitié des femmes connaissent une récidive dans les trois mois, a déclaré à Epoch Times Lenka Vodstrcil, co-chercheuse.

Si on continue à avoir des rapports sexuels avec le partenaire infecté, il est très probable que l’on soit réinfecté, a-t-elle ajouté.

Traitement du partenaire

Lors de l’essai contrôlé randomisé auquel ont participé 164 couples hétérosexuels monogames, les chercheurs ont constaté que le traitement des deux partenaires réduisait presque de moitié la récurrence de la VB, offrant ainsi une « stratégie très simple et efficace » pour résoudre un problème de longue date, selon Catriona Bradshaw.

Les femmes dont les partenaires ont également reçu un traitement d’une semaine à base de métronidazole, un antibiotique oral, ainsi qu’une crème topique à base de clindamycine que les hommes appliquent sur leurs parties génitales, ont enregistré un taux de récurrence de 35 % seulement, contre 63 % dans le groupe témoin, qui ne comprenait que les femmes traitées pour l’infection.

Tous les participants ont été sélectionnés parce qu’ils présentaient un nombre élevé de facteurs de risque de récurrence de la VB. Au sein de cette étude, 87 % des femmes avaient des antécédents de VB récurrente et 80 % des hommes n’étaient pas circoncis, ce qui est connu pour augmenter le risque de transmission de la VB en raison de l’accumulation potentielle de bactéries.

En outre, un tiers des femmes utilisaient un dispositif intra-utérin (DIU) – qui peut constituer une surface d’adhésion pour les bactéries – rendant les infections plus persistantes et plus difficiles à traiter, notent les chercheurs.

Toutes les participantes traitées n’ont pas été guéries. Les utilisatrices de DIU, en particulier de DIU en cuivre, présentaient des taux de persistance plus élevés, ce qui signifie qu’elles n’ont pas été débarrassées de l’infection après le traitement. Les utilisatrices de DIU sont également liées à des taux plus élevés de récurrence de la VB.

Recadrer les preuves

Depuis plus de 15 ans, Lenka Vodstrcil et Catriona Bradshaw étudient les causes de la vaginose bactérienne et leurs recherches fournissent des preuves irréfutables de sa classification en tant qu’IST, étayées à la fois par des études épidémiologiques et par la recherche moléculaire.

Leurs recherches antérieures montrent que la VB est rare chez les femmes qui n’ont jamais eu de rapports sexuels, et que la récurrence est souvent liée à des partenariats sexuels continus. Les données épidémiologiques suggèrent qu’une première infection par la bactérie BV est souvent liée au fait d’avoir un nouveau partenaire sexuel, a déclaré Lenka Vodstrcil, qui est également cheffe adjointe du Genital Microbiota and Mycoplasma Group au Melbourne Sexual Health Centre.

Les progrès de la technologie moléculaire ont étayé cette théorie, révélant que les bactéries responsables de la VB sont également présentes sur la peau du pénis et dans l’urètre des hommes, ce qui contribue à expliquer pourquoi les bactéries responsables de la VB sont échangées entre partenaires, entraînant des taux de récurrence élevés après traitement.

Catriona Bradshaw note que de nombreux cliniciens soupçonnent depuis longtemps la bactérie BV d’être une IST, étant donné qu’elle est associée à l’activité sexuelle, comme le changement de partenaire et l’utilisation irrégulière de préservatifs. La VB se développe souvent dans les jours ou les semaines qui suivent un contact sexuel, ce qui la rend similaire à d’autres IST en termes de délai après l’exposition.

Je voyais des femmes qui disaient : « Avant, je l’avais tout le temps, puis j’ai rompu avec mon petit ami et je n’ai pas eu de BV, nous nous sommes remis ensemble et je l’ai de nouveau eu » », a déclaré Catriona Bradshaw.

Repenser les anciennes études

Des études antérieures ont toutefois remis en question cette théorie. L’une d’entre elles portait sur des adolescentes, dont certaines étaient vierges, et a révélé la présence de la VB dans quelques cas. Cela a conduit à l’hypothèse que la VB n’était pas sexuellement transmissible.

Catriona Bradshaw suggère que les conclusions de ces études peuvent être affectées par des biais potentiels, en particulier lors d’entretiens en face à face avec des jeunes filles de 16 ans. Elle évoque la possibilité que le sexe des enquêteurs, souvent des gynécologues de sexe masculin, ait pu influencer la volonté des jeunes filles de révéler leur activité sexuelle.

Catriona Bradshaw a conçu une étude à l’aide de questionnaires anonymes et d’échantillons collectés auprès d’étudiants universitaires. Les résultats ont révélé un schéma clair : les femmes sans activité sexuelle n’avaient pas de VB ; celles qui avaient des activités sexuelles sans pénétration en avaient un peu ; et les femmes qui avaient eu des rapports sexuels avec pénétration avaient des taux de VB significativement plus élevés.

Une autre étude menée par Catriona Bradshaw et Lenka Vodstrcil a porté sur des femmes ayant des partenaires féminins et a montré que celles qui étaient restées monogames et qui avaient commencé l’étude sans avoir de VB ne l’avaient pas contractée. En revanche, les femmes qui avaient un nouveau partenaire sexuel développaient la VB, ce qui renforce l’idée que la VB est liée à l’activité sexuelle.

Des recherches antérieures portant sur le traitement des partenaires masculins n’ont pas montré d’amélioration des taux de guérison chez les femmes. Toutefois, Catriona Bradshaw a indiqué que l’étude comportait des limites de conception, notamment le fait de ne pas utiliser une combinaison d’antibiotiques oraux et topiques pour éliminer complètement les bactéries BV chez les hommes, en particulier sur la peau de leurs organes génitaux.

L’analyse de l’étude la plus récente de Lenka Vodstrcil a révélé que lorsque les hommes n’adhéraient pas pleinement à leur traitement, les taux de récurrence chez les femmes étaient plus élevés.  Le risque de réapparition du BV chez les femmes était plus faible lorsque les hommes suivaient le traitement – sous forme de comprimés ou de crème – conformément aux instructions.

Le défi du traitement

La VB reste un défi car les scientifiques n’en ont pas identifié la cause unique. Un mélange de bactéries nocives se développe lorsque le microbiome vaginal est perturbé, formant souvent un biofilm, une matrice protectrice qui protège les bactéries du traitement. En outre, même après un traitement, le microbiome peut ne pas se rétablir complètement, laissant le vagin vulnérable à une réinfection.

Certaines femmes peuvent être moins réceptives au traitement – celles qui portent un stérilet en cuivre ont un risque plus élevé de récidive de la VB.

Si les traitements d’appoint comme les probiotiques peuvent soutenir le microbiome intestinal, il existe peu de preuves qu’ils soient bénéfiques pour le microbiome vaginal. Cependant, un probiotique spécifique appelé LACTIN-V, une espèce de lactobacille vaginale, s’est avéré prometteur.

Une étude réalisée en 2020 sur 228 femme, publiée dans le New England Journal of Medicine, a révélé que les femmes africaines qui ont utilisé LACTIN-V (Lactobacillus crispatus CTV-05), pendant 12 semaines – en plus d’une semaine d’antibiotiques oraux à base de métronidazole – ont connu une réduction modeste de 30 % de la récurrence de la VB.

Toutefois, selon Lenka Vodstrcil et Catriona Bradshaw, dans la plupart des cas, la réinfection est principalement due à la présence d’un partenaire infecté. « Le partenaire extérieur est toujours là et l’activité sexuelle peut perturber l’équilibre », explique Lenka Vodstrcil, soulignant l’importance de traiter les deux partenaires, non seulement avec des antibiotiques mais aussi avec une crème topique pour les hommes. Les partenaires masculins non traités continuent d’héberger les bactéries responsables de la VB, ce qui entraîne une réinfection chez les femmes.

Selon Lenka Vlodstrcil, cette nouvelle compréhension pourrait conduire à des mises à jour des lignes directrices mondiales en matière de santé, y compris des recommandations sur l’utilisation des préservatifs pour aider à prévenir à la fois l’apparition de la VB et sa récurrence.

Les chercheurs ont lancé un nouveau site web pour aider les cliniciens et les couples à mettre en œuvre la stratégie de traitement du partenaire dans le monde entier.

Ce site propose des liens vers l’étude et les expériences des participants. Il contient également des informations sur les effets secondaires, comme les nausées, les maux de tête et le goût métallique, fréquents avec les antibiotiques.

En outre, le site fournit des instructions d’étiquetage simples pour les pharmaciens, qui devront reconditionner la crème à la clindamycine pour en faire un produit que les hommes peuvent également utiliser.

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