Retrait sous 24 heures des contenus haineux, bouton unique de signalement, coopération judiciaire : au menu mercredi de l’Assemblée, une proposition de loi LREM entend responsabiliser réseaux sociaux et plateformes, au risque de leur donner trop de pouvoir selon les oppositions.
Internet est « le premier lieu d’expression de la haine aujourd’hui », selon son auteure, la députée de PariscLaetitia Avia. Or « l’impunité règne » après menaces de mort, injures, propos racistes, antisémites, homophobes…
« Peu de plaintes sont déposées, peu d’enquêtes aboutissent, peu de condamnation sont prononcées », constate cette avocate de profession, elle-même déjà victime d’un « torrent de haine » pour « le seul fait d’être noire ».
« On pose des briques pour une régulation, mais ça prendra du temps », avertit déjà le secrétaire d’État au Numérique Cédric O, soulignant dans une interview au journal 20 Minutes lundi qu’« aucun pays dans le monde n’a encore résolu le problème ».
Notre objectif est de diminuer drastiquement la haine en ligne. Pour cela nous devons :
Punir les auteurs
Responsabiliser les réseaux sociaux qui doivent se doter de moyens de modération efficaces pour retirer en 24h les contenus haineux#PPLCyberHainecc @LaetitiaAvia pic.twitter.com/uYFY2JmZJE
— Cédric O (@cedric_o) 30 juin 2019
En première lecture jusqu’à jeudi soir, la proposition de loi sera mise au vote mardi 9 juillet.
Le gouvernement entend s’afficher aux avant-postes d’un mouvement mondial de régulation, que même certains géants de l’internet comme Facebook appellent de leurs vœux.
Emmanuel Macron est à l’origine, avec la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Arden, de « l’Appel de Christchurch » lancé mi-mai, par lequel une vingtaine de pays ainsi que les géants d’Internet tels Google et Twitter ont promis de lutter contre « les contenus en ligne terroristes ou extrémistes violents ».
Complétant l’arsenal français, la proposition Avia est le fruit d’un travail depuis 2018 dans le cadre du plan gouvernemental contre le racisme et l’antisémitisme.
Contenus haineux : Facebook fournira les adresses IP à la France
Alors que la proposition de loi contre la haine sur Internet va être débattue à l’Assemblée nationale, le secrétaire d’État au numérique annonce que Facebook fournira à la justice… https://t.co/QqLSq60FA4
— Solitudeman (@Solitudeman) 25 juin 2019
Elle reprend des préconisations du rapport coécrit avec l’enseignant franco-algérien Karim Amellal et le vice-président du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) Gil Taïeb, remis en septembre au Premier ministre.
Mesure phare, sur le modèle d’une loi allemande de 2018 : les plateformes et moteurs de recherche devront retirer sous 24 heures les contenus « manifestement » illicites en raison de la référence notamment à la race, la religion, le sexe, et encore le handicap. À la clé en cas de refus, une amende jusqu’à 1,25 million d’euros pour les plateformes.
Les députés ont ajouté en commission la provocation au terrorisme et encore la pédopornographie parmi les contenus dont le retrait pourra être exigé.
Pour les utilisateurs, la proposition de loi prévoit aussi la mise en place d’un dispositif unique de signalement (« bouton unique »), commun à toutes les plateformes.
Celles-ci devront rendre compte publiquement des « actions et moyens » mis en œuvre. Elles auront aussi l’obligation d’informer « promptement » les autorités et devront avoir un représentant légal chargé de répondre aux réquisitions.
LOI CONTRE LA CYBER HAINE
Bientôt la fin de l’impunité sur les réseaux…?
Ça vous choque dans la rue.
Pourquoi l’accepter sur internet ?RT.#PPLCyberHaine #PropositionDeLoiConstruiteAvecLesAssociations #ÀlaDemandeDesAssociations @LaetitiaAvia @RaphaelGerard17 pic.twitter.com/jTpBMbNxIt
— Guillaume Mélanie (@Guill_Melanie) 25 juin 2019
Prenant les devants, Facebook vient de s’engager à communiquer à la justice française les adresses IP des internautes aux propos haineux.
Enfin, prévoit le texte, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) veillera au respect du devoir de coopération des opérateurs, et pourra, en cas de manquement persistant, prononcer une sanction allant jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial.
La majorité LREM-MoDem soutient ardemment ce texte à enjeux pour « notre démocratie ».
À gauche comme à droite, tous les députés soutiennent aussi le combat contre la cyberhaine, mais expriment réserves voire franche opposition aux modalités prévues.
« Il faut bien évidemment trouver une ligne de crête entre liberté d’expression et protection », temporise Cédric O. La ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé lancer « une réflexion approfondie sur la liberté d’expression sur les réseaux sociaux ».
D. S avec AFP
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