La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a décidé vendredi de priver le député LFI Ugo Bernalicis du quart de son indemnité parlementaire, pour avoir causé un esclandre la veille en commission, en demandant avec fracas une suspension des débats.
« M. Ugo Bernalicis a perturbé le déroulement des débats, troublé l’ordre et provoqué les autres députés de manière outrancière », a justifié la présidence de l’Assemblée dans un communiqué, annonçant que le député du Nord se verrait ainsi priver de quelque 1476 euros sur un mois.
Debout et tonitruant, le député du Nord avait réclamé jeudi soir une interruption des débats pour permettre aux députés de la commission, occupés par le projet de loi immigration, de se rendre dans l’hémicycle. La raison ? Un texte LFI, inscrit au titre de leur journée réservée, et qui était passé auparavant devant la commission des Lois, était en cours d’examen. Le président Renaissance de la commission Sacha Houlié lui a rétorqué qu’une suspension interviendrait plus tard. « Qu’est-ce que c’est ça ? », « intolérable » a tempêté M. Bernalicis.
« Une rare cacophonie »
Comme l’a constaté un journaliste de l’AFP sur place, la scène a plongé la commission dans une rare cacophonie, entre interpellations bruyantes et invectives de députés. Une vidéo filmée par une personne à l’intérieur de la commission a également été diffusée sur les réseaux sociaux.
En fin de séance Sacha Houlié avait prévenu qu’il demanderait « des sanctions ». Il « a gravement perturbé la commission des Lois, a menacé ses collègues et les a injuriés. Merci à Yaël Braun-Pivet pour la sanction immédiate (…) dans l’attente de la réunion du Bureau », a salué M. Houlié vendredi sur le réseau social X. Orateur régulier pour son groupe sur les questions régaliennes et judiciaires, Ugo Bernalicis est un adepte des affrontements rhétoriques, en commission comme dans l’hémicycle, notamment avec Sacha Houlié ou le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Parmi les députés les plus actifs sur les réseaux sociaux, il avait déjà été sanctionné pour avoir diffusé des émissions sur Twitch en direct depuis l’hémicycle. Jeudi, il avait annoncé qu’il demanderait lui-même des sanctions à l’encontre de Sacha Houlié. Estelle Youssouffa (Liot) avait elle qualifié jeudi Ugo Bernalicis de « menaçant » envers elle. « Je suis resté debout à ma place », a insisté ce dernier auprès de l’AFP, réfutant toute menace.
Le vice-président RN de l’Assemblée Sébastien Chenu avait lui aussi demandé une sanction, dénonçant un comportement « intolérable et indigne ». « Le ton est monté », a expliqué sur franceinfo la députée LFI Clémence Guetté, précisant toutefois qu’« il n’y a pas eu de violences physiques » et appelant à « dédramatiser ».
Le comportement du député LFI-NUPES #Bernalicis est intolérable et indigne de nos débats. Je demande à la présidente @YaelBRAUNPIVET d’étudier cette attitude à la prochaine réunion du bureau de l’Assemblée Nationale. Une sanction importante doit être prononcée. https://t.co/DY5eEJ3mUz
— Sébastien Chenu (@sebchenu) December 1, 2023
« Quand le sage montre le 49.3, l’idiot regarde Ugo Bernalicis », a estimé sur X le député écologiste Aurélien Taché, déplorant ainsi que soit occulté, avec cette affaire, le 20e recours à l’arme constitutionnelle dégainé vendredi par la Première ministre Élisabeth Borne, sur le budget de la Sécu. Ce « rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal » dans le jargon parlementaire est la sanction la plus forte que la présidente de l’Assemblée peut infliger elle-même.
Une sanction plus lourde ?
Le communiqué de la présidence souligne toutefois que le bureau de l’Assemblée peut proposer une sanction plus lourde, lors de sa prochaine réunion le 13 décembre. Cette instance, qui comprend notamment les vice-présidents, questeurs et secrétaires de l’institution, a le pouvoir de proposer deux sanctions plus lourdes : la « censure simple » (privation de la moitié de l’indemnité parlementaire pendant un mois), et la censure avec exclusion temporaire.
Cette dernière sanction, la plus forte, entraîne une suspension de la moitié de l’indemnité pendant deux mois mais surtout une exclusion du palais Bourbon jusqu’au 15e jour de séance suivant (30e en cas de récidive).
Le député RN Grégoire de Fournas avait été exclu 15 jours en novembre 2022 après avoir lancé « qu’il retourne en Afrique », lors d’une intervention de l’Insoumis Carlos Martens Bilongo sur les migrants. Le député LFI Thomas Portes avait écopé de la même sanction après son refus de s’excuser dans l’hémicycle pour un tweet polémique, qui le montrait pied posé sur un ballon à l’effigie du ministre du Travail Olivier Dussopt.
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