L’espace d’un week-end, le Festival international de jazz de Port-au-Prince (PaPJazz) a offert un répit à une petite centaine d’amateurs de musique, au milieu de la violence des gangs qui secoue Haïti.
L’édition de 2022 avait été reportée, celle de 2023 délocalisée au Cap-Haïtien (Nord) à cause de l’insécurité chronique dans la capitale.
En 2024, le festival avait retrouvé Port-au-Prince, mais avait été ramené de huit jours à quatre, dans un quartier résidentiel sûr, sur l’esplanade boisée de l’hôtel Karibe, qui abrite des bureaux des Nations unies.
L’édition de cette année, la 18e, a été réduite à la portion congrue, deux jours seulement, à l’hôtel Karibe et au restaurant Quartier Latin.

Jazz, rara – la musique du carnaval haïtien -, rap et slam ont fusionné pour offrir samedi une soirée vibrante, portée par des artistes locaux. Les organisateurs n’ont cette fois pas pu accueillir d’artistes étrangers, le principal aéroport étant fermé depuis novembre à cause de la violence des gangs.

« Dépasser les frontières, même les plus redoutables »
« Les amours. Balles perdues », tel était le titre d’un des spectacles, mélange de slam, de jazz et de rap, avec pour trame le deuil, le sang, et la violence, interprété entre autres par le comédien et slameur Eliezer Guérismé et le musicien Joël Widmaier.
« C’est précisément cela, la force de l’art : dépasser les frontières, même les plus redoutables », explique à l’AFP Eliezer Guérismé, ceint d’une couronne d’épines en fil barbelé.

« Il y avait sans doute, ce soir, des gens qui ont franchi des barricades simplement pour venir écouter de la poésie, de la musique — en plein temps de guerre », souligne-t-il. « Nous habitons une ville assiégée, où la parole est devenue un acte de résistance. »
Les gangs contrôlent environ 85% de Port-au-Prince
En proie de longue date aux bandes criminelles, accusées de meurtres, viols, pillages et enlèvements, dans un contexte d’instabilité politique, le pays le plus pauvre des Amériques connaît un regain de violence depuis mi-février.

Les gangs, qui contrôlent environ 85% de Port-au-Prince selon l’ONU, ont multiplié les attaques dans plusieurs quartiers qui échappaient encore leur contrôle, semant la terreur parmi la population.
« C’est une bouffée d’air que nous vivons en ce week-end »
La centaine de spectateurs a apprécié cette trêve artistique dans un quotidien angoissant. « C’est une bouffée d’air que nous vivons en ce week-end », confie ainsi l’un d’eux, Arnoux Descardes.
« C’est important pour les Haïtiens de se retrouver, pour célébrer la musique, et la culture qui nous unissent et nous définissent », estime Charles Tardieu.
« On ne peut pas simplement subir ce qui nous arrive »
Pour Milena Sandler, directrice de la Fondation Haïti Jazz, organisatrice du festival, tous les Haïtiens éprouvent ce besoin.

« On ne peut pas simplement subir ce qui nous arrive. Il faut aussi qu’on ait des moments de convivialité comme celui-là, des moments de création, des moments de résistance », déclare-t-elle à l’AFP.
« Dire que le pays nous appartient, que nous n’en avons pas d’autre. »
Pour un autre spectateur, « trouver des amis dans ces festivités, c’est une nouvelle façon d’habiter Port-au-Prince. C’est aussi une façon de nous mettre ensemble pour dire que le pays nous appartient, que nous n’en avons pas d’autre. »
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