L’Ukraine aura besoin de plus de 500 milliards d’euros pour son redressement et sa reconstruction, selon une estimation récente de la Banque mondiale.
Un « Fonds Ukraine » de 200 millions d’euros a été signé le 7 mars pour financer 19 projets français de reconstruction de l’Ukraine. Ces projets pourraient préfigurer, pour les entreprises, des marchés bien plus importants quand il faudra reconstruire le pays.
La France a déjà commencé à livrer en janvier 2025 les premiers rails en acier produits par le groupe allemand Saarstahl en France, destinés à la reconstruction du réseau ferroviaire ukrainien, a annoncé le Trésor français qui finance l’opération.
Mais l’Ukraine souffre d’une corruption endémique depuis la chute de l’Union soviétique, malgré l’intensification des efforts en vue de rejoindre l’Union européenne.
Les milliards investis par la France pour la reconstruction de l’Ukraine pourront-ils bénéficier en retour aux Français ? Des Français appelés à participer au réarmement européen, à travers le choix de produits d’épargne ou d’un emprunt national.
Le coût de la reconstruction dépasse les 500 milliards d’euros
La Banque mondiale a estimé à 500 milliards d’euros les besoins de l’Ukraine pour sa reconstruction. Le chiffre, estimé sur 10 ans, correspond à « 2,8 fois le PIB » de l’Ukraine pour 2024.
L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 a fait des centaines de milliers de morts et de blessés, des millions de réfugiés et déplacés et provoqué des destructions massives rasant des villes entières avec des bombardements, ruinant également les infrastructures énergétiques.
« L’année dernière, les besoins de l’Ukraine en matière de reconstruction n’ont cessé de croître en raison des attaques incessantes de la Russie », a déploré le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal.
Les zones proches de la ligne de front ont accumulé presque trois quarts de dommages, selon la même source qui énumère les régions orientales de Donetsk, Kharkiv, Lougansk et méridionales (Zaporijjia et Kherson) mais aussi celle de Kiev.
Au total, 13 % du parc immobilier total a été endommagé ou détruit, affectant plus de 2,5 millions de ménages.
La France prépare la reconstruction de l’Ukraine
Le « Fonds Ukraine », soutenu par des dons des ministères de l’Économie et des Affaires étrangères français, a été initié en juin 2024 par les présidents français et ukrainien, Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky.
Les projets, portés par 17 entreprises, dont une majorité de petites et moyennes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), ainsi que des grands groupes comme EDF (Electricité de France) ou Thales (défense), ont été sélectionnés par l’Ukraine elle-même parmi 70 propositions, d’une valeur cumulée de plus de 700 millions d’euros.
Les projets retenus concernent cinq secteurs prioritaires : énergie, eau, santé, déminage et infrastructures. Dix PME et ETI figurent parmi les lauréats, comme des spécialistes de la robotique, Shark Robotics (robots pompiers) et Exail (matériel de déminage) ou des entreprises high-tech pour la santé, telles Dessintey qui équipera les hôpitaux de parcours de santé pour personnes amputées, ou DMS (matériel de radiologie).
La vice-Première ministre ukrainienne en charge de l’Économie, Loulia Svyrydenko, espère que d’autres pays « suivront l’exemple ». Vu l’ampleur de la sur-souscription au Fonds Ukraine, elle a estimé qu’on n’en voyait que « le début » et a souhaité que davantage d’entreprises françaises puissent participer à la reconstruction de son pays.
Elle a mentionné un besoin de « 500 milliards d’euros » estimé par la Banque mondiale pour reconstruire l’Ukraine, « une opportunité pour le secteur privé », a-t-elle observé, d’autant qu’après un effondrement en 2022 et 2023, le PIB ukrainien est reparti à la hausse en 2024, que le pays « a mis en place différentes incitations pour les investisseurs locaux et étrangers ».
La vice-Première ministre a également souligné qu’au moment où l’Ukraine souhaitait « réduire le rôle de l’État », toujours traversé par une corruption endémique, il était opportun de s’intéresser aux privatisations à grande échelle que projette le pays.
« L’Ukraine est pour les entreprises françaises une terre d’opportunités »
« Il y a trois échelons qui se complètent », a expliqué le ministre de l’Économie Éric Lombard, « la défense de l’Ukraine, sa reconstruction et la défense de l’Union européenne ». « Nous devons traiter les trois en même temps » a-t-il dit, un effort qui pourrait être porté par des produits d’épargne proposés aux Français ou un emprunt national.
Soulignant la vitesse du déploiement envisagé pour ces projets, soit seize mois, le ministre a souhaité que ce fonds préfigure des relations économiques « profondes et durables » entre les deux pays.
« La reconstruction ne commence pas au moment où les combats s’arrêtent », a complété le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de France, Jean-Noël Barrot, et « on n’a pas attendu la fin définitive de la guerre pour soutenir l’Ukraine, notamment sur le plan économique et énergétique », avec des infrastructures énergétiques pilonnées par la Russie.
Le ministre chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, Laurent Saint-Martin, a fait remarquer que le gouvernement accompagnait déjà « plusieurs dizaines de PME » deux fois par an à l’évènement européen « Rebuild (Reconstruire l’) Ukraine », pour qu’ils y rencontrent « les donneurs d’ordre ukrainiens sur différents sujets, beaucoup civils ».
« L’Ukraine est pour les entreprises françaises une terre d’opportunités », a conclu Jean-Noël Barrot, rappelant que le milliardaire français Xavier Niel, propriétaire du groupe de télécommunications Iliad (Free), est en train d’y réaliser « un investissement d’un milliard et demi d’euros », « le plus gros investissement étranger en Ukraine depuis dix ans ».
Première livraison de rails franco-allemands et premiers partenariats
La France a déjà commencé à livrer en janvier 2025 les premiers rails en acier, soit quelque 1093 tonnes d’acier, partis des usines françaises jusqu’à la gare de Mostyska en Ukraine. Les livraisons vont s’échelonner chaque mois tout au long de l’année 2025.
Le Trésor français a accordé un prêt de 37,6 millions d’euros pour la production et l’expédition de 20.000 tonnes de rails, destinés à réparer près de 150 kilomètres de voies ferrées en Ukraine.
L’opération sera suivie d’un « partenariat plus large » dans le secteur ferroviaire, souligne Bercy, évoquant la reconstruction de « ponts » et de « gares » endommagés ou détruits, et la modernisation du réseau.
Ce soutien financier français à l’Ukraine a dans le même temps permis de maintenir l’activité des usines Saarstahl en France, tout en soutenant un embryon de sidérurgie verte en Europe. L’entreprise a en effet produit un acier « électrique » recyclé qui génère « deux fois moins » d’émissions de CO2 « que par la voie fonte », s’est félicité le Trésor – mais dont le coût est pour le moment beaucoup plus élevé.
La corruption, obstacle majeur à la reconstruction
L’Ukraine a été classée 104e sur 180 pays par l’index de corruption de Transparency International en 2023.
Des observateurs craignent que ce problème persistant de corruption ne freine la reconstruction du pays ravagé par la guerre, en dissuadant les partenaires internationaux d’investir les sommes faramineuses nécessaires.
Les exemples de corruption par l’administration locale sont très courants, incitant les investisseurs à transférer leurs financements sur des comptes privés ou de « donner des enveloppes » à différents responsables, sous peine de ne pas obtenir les autorisations requises. Dans la ville de Gostomel, les autorités judiciaires ont, par exemple, révélé un système de « détournement de fonds » au sein de l’administration militaire.
Tous domaines confondus, plus de 500 affaires de corruption ont été ouvertes en 2024 par le Bureau national anti-corruption (Nabu), qui ajoute qu’une soixantaine de personnes ont été condamnées. De l’aveu général, beaucoup reste à faire, selon l’AFP. Il est encore commun pour des responsables locaux d’avoir des intérêts dans des entreprises de construction, par exemple via leur famille, ont pointé plusieurs des interlocuteurs.
Pour prévenir les conflits d’intérêts, l’Ukraine cherche à rendre le processus de reconstruction plus transparent. Les autorités ont lancé en 2023 la plateforme DREAM, site internet accessible à tous, qui recense les projets de ce type.
Le but serait de permettre aux investisseurs, citoyens ou journalistes de traquer l’avancée des projets de construction et de trouver des données sur leurs financements ou commanditaires. DREAM est encore « en phase expérimentale » mais devrait, à terme, être obligatoire pour tous les projets de reconstruction, note son responsable Viktor Nestoulia.
L’ancien directeur de l’Agence de reconstruction, Moustafa Nayyem, estime que la transparence sera la clef pour rassurer les investisseurs étrangers.
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