Les résultats du premier tour de ces élections législatives anticipées ont confirmé la poussée du Rassemblement national sur l’ensemble de l’Hexagone, y compris dans des régions traditionnellement hostiles au parti de Jordan Bardella. Mais cette dynamique ne s’est apparemment pas manifestée dans la capitale qui a largement plébiscité le Nouveau Front populaire (NFP). Cette distinction en matière de votes entre Paris et le reste du territoire se vérifie d’élection en élection et s’explique par des raisons démographiques et sociologiques.
Les scores peu élevés du RN à Paris
Le parti à la flamme a réalisé son meilleur score le 30 juin, tous scrutins confondus. Mais c’était sans compter sur l’aide des habitants de la capitale. En effet, si Marine le Pen et Jordan Bardella ont réussi à convaincre 33 % des électeurs au niveau national, seulement 10,7 % des Parisiens ont glissé un bulletin RN dans l’urne à l’occasion du premier tour des élections législatives.
Dans la quasi-totalité des circonscriptions parisiennes, les candidats lepénistes sont arrivés loin derrière ceux de la majorité présidentielle, mais surtout ceux du NFP, qui ont raflé la mise. Neuf candidats NFP dont Sophia Chikirou, Aymeric Caron et Sandrine Rousseau ont été élus dès le premier tour. Autrement dit, la moitié des circonscriptions parisiennes ont déjà été remportées par la nouvelle union de la gauche. Pour ce qui est des autres candidats du Nouveau Front populaire, ils sont, pour la plupart, soit arrivés en tête, soit qualifiés au second tour à l’instar de l’insoumise dissidente Danielle Simonnet ou de l’écologiste Aminata Niakaté.
Une tendance qui dure depuis des années
Cette divergence entre Paris et les autres territoires n’est pas un phénomène nouveau et se remarque à chaque scrutin depuis plusieurs années. Lors des deux dernières élections présidentielles, la candidate du RN Marine le Pen a réussi à se qualifier pour le second tour, tout en réalisant des scores très bas à Paris : 4,9 % en 2017 et 5,5 % en 2022.
Les résultats des élections européennes du 9 juin dernier ont confirmé ce décalage. La liste portée par Jordan Bardella a obtenu 33 % des suffrages au niveau national, soit le double de la liste macroniste pourtant arrivée deuxième (14 %), mais seulement 8,5 % à Paris, terminant en cinquième position derrière Valérie Hayer, Manon Aubry, Marie Toussaint et François-Xavier Bellamy.
La capitale demeure un bastion anti-RN qui favorisait autrefois la droite et la gauche de gouvernement et favorise aujourd’hui le centre et le Nouveau Front populaire. Mais, pour quelles raisons ?
Des populations différentes
Si les résultats des élections diffèrent largement entre Paris et la province, c’est précisément pour des raisons démographiques et sociologiques. Sont concentrées à Paris et plus largement en région parisienne, des populations aujourd’hui plus favorables à la gauche qu’au RN, notamment les cadres et les plus jeunes.
Selon une étude de l’Apec de 2021, 45 % des cadres travaillent en Île-de-France, et un sondage Ipsos a récemment montré qu’au premier tour des élections législatives, 34 % d’entre eux ont voté pour le Nouveau Front populaire, 26 % pour la majorité présidentielle et 21 % pour le Rassemblement national. D’après l’Insee, l’Île-de-France est la région la plus jeune de France métropolitaine, et selon le même sondage Ipsos, 48 % des 18-24 ans ont voté pour un candidat NFP dimanche contre 33 % pour un candidat RN.
À l’inverse, les ouvriers, dont plus de la moitié ont voté pour le Rassemblement national dimanche dernier, ont progressivement quitté la capitale en raison de la désindustrialisation du pays, laissant ainsi la place à une partie plus aisée de la population, plus particulièrement les cadres.
C’est ce qu’explique l’historien Pierre Vermeren, auteur de L’impasse de la métropolisation (Gallimard) dans un entretien accordé au Figaro. « Paris qui a été longtemps une grande ville ouvrière, ne l’est plus », précise-t-il. « La fermeture des usines d’une très grande partie du pays a libéré des centaines de milliers de cadres dont les enfants se sont installés dans les métropoles […] C’est ce chassé-croisé qui s’est opéré dans les deux dernières décennies du XXe siècle et depuis le début du XXIe qui explique la situation de clivage extrême à laquelle le territoire, mais aussi la société française est confrontée aujourd’hui », poursuit l’historien.
Il est pour le moment certain qu’un fossé électoral s’est creusé entre Paris et la France périphérique. Cependant, ce « clivage » n’est peut-être pas définitif. Le RN n’a pas réalisé de performances dans la capitale lors de ces élections législatives anticipées, mais son score (10,7 %) est nettement supérieur à celui de juin 2022 (3,8 %), et Louis Piquet, candidat LR-RN dans la 14e circonscription a obtenu 17,5 % des voix et s’est qualifié au second tour.
Même si le parti de Marine le Pen n’a pas été porté par une dynamique à Paris comme sur le reste du territoire, il y obtient de meilleurs résultats qu’auparavant. Reste à savoir si à l’occasion des prochains scrutins, le RN va parvenir à transformer l’essai et à conquérir un bastion qui lui est historiquement hostile.
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