« Nous ne sommes pas certains que vous ayez changé tant que cela ». Au procès en appel du Mediator, les avocats des victimes ont mis en doute mardi les affirmations du PDG de Servier sur la mue entreprise par le groupe depuis le scandale sanitaire.
« Je tiens à présenter à nouveau mes excuses, mes regrets les plus sincères et les plus profonds » aux victimes du « drame du Mediator », déclare Olivier Laureau en débutant son témoignage devant la cour d’appel de Paris.
De graves effets cardiovasculaires chez des milliers de patients
« Servier a commis une erreur d’analyse, une erreur d’appréciation du risque qui a eu de graves conséquences », poursuit le dirigeant, reprenant la ligne de défense du laboratoire qui exclut toutefois toute « faute pénale ». Le deuxième groupe pharmaceutique français et son ex-directeur général, Jean-Philippe Seta, sont rejugés depuis le 9 janvier pour obtention indue d’autorisation de mise sur le marché, tromperie aggravée, escroquerie et homicides et blessures involontaires.
Prescrit à environ 5 millions de personnes pendant les trente-trois ans de sa commercialisation comme adjuvant au traitement du diabète, le Mediator, aussi prescrit indûment comme coupe-faim, a entraîné de graves effets cardiovasculaires chez des milliers de patients. De l’avis de tous, le groupe Servier fonctionnait avec « un seul décideur sans contre-pouvoir »: son fondateur Jacques Servier, décédé en 2014.
« Est-ce que ça n’explique pas en partie ce scandale sanitaire ? », interroge l’avocate générale Agnès Labreuil. « Cela peut expliquer cette erreur d’appréciation. En tout état de cause, depuis 2014, les choses sont différentes », assure Olivier Laureau, qui a effectué toute sa carrière chez Servier. Directeur financier du groupe en 2008, il en a pris les rênes au décès de son fondateur. Si Servier a toujours une structure complexe d’ « auto-contrôle », sans actionnaire, « j’ai fait évoluer les statuts pour renforcer les contre-pouvoirs », explique-t-il, avec un comité de surveillance chargé de « nommer ou révoquer le président » et un comité exécutif plus « collégial ».
Une profession de foi qui ne convainc guère les avocats des parties civiles
Le dirigeant dit aussi avoir « mis en place un ensemble de faisceaux pour m’alerter s’il y a des sujets », notamment de pharmacovigilance. « Ces évolutions visent à éviter qu’un tel drame se reproduise », assure-t-il. Une profession de foi qui ne convainc guère les avocats des parties civiles, qui tour à tour fustigent une « empathie purement opportuniste » ou le « grand écart » entre le discours officiel, l’attitude du laboratoire devant les tribunaux ou le dispositif à l’amiable pour l’indemnisation des victimes du Mediator.
« Dès ma prise de fonction, j’ai confirmé la volonté d’indemniser l’ensemble des patients qui avaient souffert des effets secondaires du Mediator », maintient Olivier Laureau. Dans ce cas, répliquent plusieurs conseils de victimes, pourquoi avoir fait appel du jugement de première instance sur les intérêts civils, faisant peser sur certaines victimes le risque de devoir rembourser les sommes perçues ?
Et pourquoi proposer à l’amiable un barème inférieur à celui appliqué par les tribunaux ? Pourquoi contester les expertises ? Pourquoi soulever systématiquement des arguments de nullité des procédures ou de prescription des faits ? S’il comprend l’ « émotion » que « ce formalisme » a « pu créer chez des patients », Servier a « toujours fait en sorte d’être respectueux », assure le PDG.
Rappel à l’ordre
« Au 31 mars 2023, 4222 patients ont reçu une offre d’indemnisation pour un montant total de 241,8 millions d’euros », rappelle le site de Servier. « Vous ne réglez aucune indemnisation en dehors d’un cadre judiciaire vous condamnant à le faire », estime l’avocate Martine Verdier, soulignant que pour les victimes c’est toujours « un combat » où beaucoup « laissent toute leur énergie ».
Servier s’est récemment fait rappeler à l’ordre par l’Agence du médicament (ANSM) pour une publicité s’écartant de l’ « information objective » sur un de ses médicaments, le Vastarel, lors d’un congrès de cardiologie, rappelle Charles Joseph-Oudin, avocat de parties civiles.
« On a l’impression d’être exactement dans des méthodes qui ont conduit au désastre du Mediator », insiste-t-il. Mais pour le PDG, ce document promotionnel, qui mentionne bien les informations figurant sur la notice du médicament, reste bien dans l’ « application des règles européennes ».
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