« Se projeter à très, très long terme »: à Bure, dans l’est de la France, à 500 mètres sous terre, les ouvriers du futur centre d’enfouissement de déchets nucléaires doivent prévoir ce que deviendront les rebuts les plus radioactifs d’ici à… 400.000 ans.
Dans un tunnel, des engins de chantier évacuent à tour de rôle des gravats. Un tunnelier creuse dans un nuage de poussière la roche pour agrandir ce laboratoire, construit pour expérimenter les conditions d’exploitation du futur centre industriel de stockage géologique (Cigéo).
Au milieu de plaines vallonnées de la Meuse, entre les communes de Bure et Mandres-en-Barrois, le site, dont la phase pilote doit démarrer en 2025, doit accueillir tous les déchets de haute et moyenne activité à vie longue du parc nucléaire français.
Casque sur la tête, ceinture de survie avec réserve d’oxygène à la taille, des hommes s’affairent autour d’une alvéole creusée dans la paroi d’une galerie souterraine de 8 mètres de diamètre.
Un ascenseur, fermé par une lourde porte, met 7 minutes pour descendre les équipes sous terre à intervalles réguliers.
Quatre chambres de refuge, pouvant accueillir 14 personnes, ont été aménagées à des endroits stratégiques en cas d’incendie ou de coupure de ventilation.
Le confinement profond doit permettre « de se mettre à l’abri du danger de ces déchets pour des milliers d’années, ce qui peut donner le vertige », dit Mathieu Saint-Louis, porte-parole de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), chargée de la conception du projet.
Issus essentiellement de combustibles des réacteurs nucléaires, les déchets devant être stockés représentent 3.2% du volume total des résidus radioactifs, mais ils concentrent à eux seuls 99.9% de la radioactivité.
Parmi eux, quelque 40.000 fûts de déchets coulés dans du bitume, soit 18% du stockage total, doivent être entreposés. La Commission d’évaluation des recherches sur les déchets nucléaires radioactifs (CNE) a recommandé, jeudi, une expertise scientifique internationale « assez urgemment » sur leur enfouissement.
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui doit rendre son rapport définitif sur Cigéo prochainement, a aussi pointé le cas épineux de ces rebuts bitumineux qui peuvent réagir en cas d’élévation de la température.
« Toute la motivation de ce projet vient d’un choix de responsabilité: on a produit ces déchets, maintenant il faut trouver une solution pour les faire disparaître », souligne M. Saint-Louis.
Le cahier des charges prévoit une réversibilité pendant cent ans, afin de « proposer une solution aux générations futures qui pourront décider de fermer le stockage », précise-il.
Près de deux milliards d’euros ont déjà été dépensés sur les 25 milliards d’euros alloués au projet sur une période de 140 ans.
Acheminés dans les entrailles de la terre avec un funiculaire, les fûts de déchets, glissés dans un conteneur métallique, seront entreposés dans la zone de stockage, vaste de 15 km2.
Les plus dangereux seront introduits dans des alvéoles courant sur 100 m dans la roche argileuse.
Dans ce dédale de 1,8 km de galeries, dans un brouhaha permanent, des fils colorés pénètrent dans les parois en plus de 10.000 points pour relever température, pression, déformation… Tout est étroitement surveillé: comportement de la roche et techniques de creusement sont observés en permanence.
Avec l’érosion naturelle, la radioactivité s’échappera inexorablement des « colis »: au plus tard dans 400.000 ans, au plus tôt dans 100.000 ans.
« La roche immobilisera les éléments radioactifs et ralentira ceux qui se déplaceront dans la roche (afin qu’ils aient) perdu la majeure partie de la radioactivité », quand ils atteindront l’air libre et leur impact sera alors négligeable, glisse M. Saint-Louis.
Autour du site entouré de barbelés, la gendarmerie patrouille sans relâche. Le projet Cigéo est régulièrement contesté devant la justice et sur le terrain par des militants opposés à son développement.
Le ministre français de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a estimé récemment qu’enfouir les matières nucléaires usées n’était « pas une solution entièrement satisfaisante », mais la « moins mauvaise ».
R.B avec AFP
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