En quelques années, l’atmosphère politique a profondément changé à Bruxelles et les grandes ambitions environnementales ne figurent plus en haut des priorités politiques, notamment à cause des retours économiques maussades du Green Deal sur l’industrie.
L’Union européenne s’est fixé pour horizon d’atteindre la neutralité climatique en 2050 et l’un des premiers dossiers de la nouvelle Commission sera de négocier « l’objectif 2040 », pour lequel elle recommande une baisse de 90 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Un objectif vivement critiqué par la France, le jugeant irréaliste et économiquement dangereux, d’après une note confidentielle que s’est procurée Le Point.
La finance dite durable est aussi aux prises avec des difficultés grandissantes – entre faibles rendements, accusations d’écoblanchiment et oppositions politiques -, quand de grands groupes industriels comme Shell et BP décident de diminuer drastiquement les investissements dans le renouvelable par manque de rentabilité.
La France, de son côté, souhaite d’autres barèmes de calcul dans la part du renouvelable dans le mix énergétique, souhaitant y inclure le nucléaire, une énergie à très basse émission de CO2.
Changement d’atmosphère au sommet de l’UE en 2025
En 2019, les Verts s’offraient une percée au Parlement européen avec plus de 70 élus. En juin 2024, les écolos ont perdu une vingtaine d’eurodéputés sanctionnés par “l’écologie punitive”, alors que le parlement européen penche maintenant davantage à droite.
Au cours du mandat écoulé, la Commission est parvenue à faire adopter au Parlement un ambitieux « Green Deal », incarné par l’ancien commissaire européen néerlandais Frans Timmermans, dont les mesures ont marqué les esprits comme l’interdiction à la vente de voitures thermiques neuves en 2035.
Frans Timmermans était d’ailleurs rattrapé par le scandale du « Greengate » en janvier 2025, où l’on apprenait que l’ancien commissaire néerlandais avait organisé un système de financements d’ONG écologistes pour influencer les eurodéputés et les États membres lors des votes en faveur du Pacte vert.
Au sein de la droite européenne, le PPE de 2025 voit avec circonspection que la baisse de 90 % des émissions en 2040 est « extrêmement ambitieuse ». Avec l’Europe qui s’approche de la récession économique à cause des restrictions du Pacte Vert, la droite européenne veut un rééquilibrage et davantage de « pragmatisme », plutôt qu’une écologie « d’interdictions ».
À la tête de la Commission, Ursula von der Leyen assure vouloir maintenir un « engagement très clair » sur « l’objectif de neutralité climatique » en 2050 mais veut mettre en place des aménagements et adoucir les restrictions pour ne pas pousser de grandes entreprises à la faillite.
Le 12 mars, le pionnier suédois des batteries électriques Northvolt, fournisseur de Volvo et Volkswagen, s’est déclaré en faillite. Il constituait la plus grande initiative européenne dans ce secteur stratégique. Le ralentissement du marché des voitures électriques et les coûts de production européens, qui sont environ 50 % plus élevés qu’en Chine, ont eu raison de ses ambitions.
La finance durable n’a plus le vent en poupe
Les fonds d’investissement « ESG », qui revendiquent la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs décisions, ne sont plus en odeur de sainteté sur les grandes places financières mondiales.
Symbole de ce retournement : BlackRock, premier gestionnaire au monde, a quitté début janvier 2025 la Net Zero Asset Managers Initiatives (NZAM), une alliance mondiale financière pour la neutralité carbone, qui a aussitôt suspendu ses activités.
« L’enthousiasme s’est essoufflé » à la fois chez les investisseurs et les gestionnaires d’actifs, résume Hortense Bioy, directrice de la recherche sur l’investissement durable pour le spécialiste des données financières Morningstar.
Les fonds se revendiquant « ESG » ont subi sur les trois premiers trimestres de 2024 des sorties nettes de capitaux de près de 16 milliards de dollars aux États-Unis, selon Morningstar. En Europe, premier marché de l’ESG, la croissance est de plus en plus faible : les capitaux investis ont été divisés par deux sur la même période par rapport à 2023.
Les titres liés aux énergies fossiles et à la défense ont profité de la guerre en Ukraine, quand les entreprises spécialisées dans la transition écologique ont cédé du terrain. Le S&P Global Clean Energy Index, qui réunit les titres de ce secteur à Wall Street, a reculé de 40 % entre janvier 2022 et 2025.
La finance durable est aussi la cible d’accusations croissantes de « greenwashing » ou écoblanchiment. Des organisations peu scrupuleuses qui profitent du flou juridique ou des écarts entre les promesses de l’efficacité de l’ESG et la réalité détournent les épargnants de ces placements.
En 2024, 70 % des fonds ESG étaient exposés à des entreprises liées au charbon, au pétrole ou au gaz, selon un rapport de l’ONG Reclaim Finance. « L’ESG, c’est énormément de marketing, une manière pour certains gestionnaires de faire payer des frais plus élevés », tranche Lionel Melka, gérant de Swann Capital.
Après Shell, BP fait marche arrière sur le renouvelable
Le géant britannique des hydrocarbures BP va réduire « de manière significative » ses investissements dans les énergies renouvelables. Comme son compatriote Shell en décembre 2024, BP confirme son rétropédalage sur la transition énergétique, pour doper sa rentabilité.
Le patron actuel, Murray Auchinloss, « cherche des moyens pour augmenter le rendement des actionnaires » avec des projets où les dépenses « peuvent être soigneusement contrôlées » et les retours sur investissement sont élevés, ce qui n’est pas le cas de l’éolien offshore, selon l’analyste.
Son concurrent britannique Shell a lui aussi fait machine arrière ces derniers mois sur certains objectifs climatiques, pour se recentrer sur les hydrocarbures et doper ses bénéfices. Il a annoncé qu’il ne développerait plus de nouveaux projets d’éoliennes en mer.
Le Norvégien Equinor lève le pied dans les renouvelables
Le géant norvégien de l’énergie Equinor a également revu à la baisse ses ambitions dans les énergies renouvelables et à la hausse sa future production d’hydrocarbures. Le groupe industriel, comme beaucoup de ses pairs, rechigne à sacrifier ses activités dans les hydrocarbures au profit des énergies renouvelables, notamment l’éolien en mer, beaucoup moins rentables.
De son côté, le danois Ørsted, qui a renoncé aux énergies fossiles pour se concentrer sur les renouvelables, a dû procéder en janvier à des dépréciations massives sur fond de coûts élevés. Equinor, qui détient près de 10 % d’Ørsted, renonce pour sa part à son objectif de consacrer la moitié de ses investissements bruts au secteur des renouvelables d’ici à 2030.
Les prévisions sur la demande de pétrole font aujourd’hui débat. Si l’Agence internationale de l’énergie (AIE) envisage un pic de la demande pétrolière mondiale d’ici la fin de la décennie, d’autres scénarios précisent qu’elle ne diminuera pas avant 2040 au moins, tandis que l’Opep prévoit une progression au moins jusqu’à 2050.
La France, forte de son nucléaire, refuse les objectifs de l’UE
La France, en contentieux avec la Commission européenne pour son retard sur les énergies renouvelables, a envoyé à Bruxelles une stratégie climatique actualisée qui ne rehausse pas l’ambition sur l’éolien et le solaire autant qu’exigé, invoquant l’origine majoritairement décarbonée de son énergie, grâce au nucléaire.
La France mène depuis plusieurs années un bras de fer avec Bruxelles faute d’avoir atteint les objectifs fixés en 2009 de compter 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie en 2020, alors que la Commission européenne a fixé un objectif de 33 % de renouvelables d’ici 2030.
Mais la France préfère mettre en avant un objectif « décarboné », incluant donc le nucléaire, peu émetteur de gaz à effet de serre responsables du changement climatique. La trajectoire prévue « permettra à la France d’atteindre 58 % d’énergies décarbonées dans sa consommation finale d’énergie » en 2030, « ce qui contribue pleinement aux objectifs européens », se défend Paris.
La France prend ainsi le risque d’une procédure de sanctions par la Commission. Mais, profitant d’un retour en grâce du nucléaire, elle espère aussi rallier des États autour de son action pour remplacer les objectifs de renouvelables par des objectifs de décarbonation.
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