Les entrepreneuses afghanes prennent leur destin en main, malgré le joug taliban

Par Epoch Times avec AFP
24 novembre 2024 10:00 Mis à jour: 24 novembre 2024 13:37

Quand Zainab Ferozi a vu les femmes autour d’elles plonger dans la pauvreté au retour du pouvoir taliban, elle a rassemblé ses économies et monté une usine de tapis. Comme elle, de nombreuses Afghanes lancent leur affaire, pour subvenir à leurs besoins et assurer ceux de leurs employées.

Huit mois après la chute de Kaboul intervenue en août 2021, Mme Ferozi a investi 20.000 afghanis, environ 275 euros, amassés en donnant des cours de tissage, pour ouvrir son atelier à Hérat, dans l’Ouest.

Aujourd’hui, dit-elle à l’AFP avec fierté, elle « couvre toutes les dépenses du foyer » parce que son mari, journalier, peine à travailler.

Sur cette photo prise le 12 novembre 2024, Zainab Ferozi, une femme d’affaires, parle lors d’une interview avec l’AFP à Herat. (Photo MOHSEN KARIMI/AFP via Getty Images)

Sa quinzaine de tisseuses sont d’anciennes travailleuses ayant perdu leur emploi ou des étudiantes frappées par l’interdiction faite aux filles d’étudier au-delà de 12 ans. Sous cet « apartheid de genre » selon l’ONU, le taux d’emploi des femmes dans le service public est passé de 26% « à zéro ».

Sur cette photo prise le 11 novembre 2024, une femme afghane tisse un tapis dans une usine de la banlieue de Kaboul. (Photo WAKIL KOHSAR/AFP via Getty Images)

« Pour que les femmes puissent avoir un salaire »

Touba Zahid, 28 ans et mère d’un enfant, a elle aussi dû rebondir après avoir été bannie de sa faculté de littérature. Dans le sous-sol de sa maison, elle fabrique confitures et condiments.

« J’ai rejoint le monde des affaires pour créer de l’emploi et pour que les femmes puissent avoir un salaire », raconte à l’AFP cette Afghane menue, souriante au milieu de ses employées en blouses blanches.

Sur cette photo prise le 12 novembre 2024, des femmes afghanes préparent des confitures et des cornichons dans l’entreprise de production alimentaire Parnivan, située dans le sous-sol d’une maison à Kaboul. (Photo WAKIL KOHSAR/AFP via Getty Images)

Ensemble, elles présentent les pots de confiture de figues et autres légumes marinés qui seront vendus sur place car les femmes sont de moins en moins admises en public.

Les marchés sont dominés par les hommes

Si certaines tiennent des échoppes, les marchés sont dominés par les hommes et « il n’y a pas de commerciales pour vendre ou promouvoir leurs produits », se lamente Fariba Noori, à la tête de la Chambre de commerce des femmes (AWCCI) à Kaboul.

Les femmes peinent aussi à s’approvisionner car elles ne se sont plus autorisées à faire de longs déplacements sans un chaperon mâle de leur famille, un « mahram », une gageure dans un pays où quatre décennies de guerres ont laissé de nombreuses veuves et orphelines. Trouver « un mahram pour aller acheter leurs matières premières » est un défi, assure Mme Noori.

Malgré tout, l’AWCCI voit ses adhésions exploser : 10.000 aujourd’hui, principalement des PME, contre « 600 grosses entreprises » en 2021, rapporte celle qui a rejoint le patronat il y a 12 ans.

Sur cette photo prise le 10 novembre 2024, Fariba Noori, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie des femmes afghanes (AWCCI), s’exprime lors d’un entretien avec l’AFP à Kaboul. (Photo WAKIL KOHSAR/AFP via Getty Images)

Payées entre 70 et 180 euros par mois

Khadija Mohammadi, elle, a lancé sa marque « Khadija » de tapis et de couture il y a deux ans. Professeure mise au chômage par les nouvelles lois talibanes, elle emploie maintenant plus de 200 femmes.

Sur cette photo prise le 10 novembre 2024, Khadija Mohammadi, une femme d’affaires, regarde ses employés travailler dans un atelier d’artisanat à Kaboul. (Photo WAKIL KOHSAR/AFP via Getty Images)

« Je suis fière à chaque fois qu’une femme aide une autre à devenir indépendante », lance cette Afghane apprêtée qui dit payer ses employées entre 5.000 et 13.000 afghanis, soit 70 et 180 euros par mois.

« Pas d’autre choix » possible

L’une d’elles, Qamar Qasimi, travaillait encore l’an dernier dans un salon d’esthétique depuis fermé.

Aujourd’hui, cette mère de 24 ans avoue tisser des tapis pour 5.000 afghanis parce qu’elle n’a « pas d’autre choix » pour subvenir aux besoins des huit membres de sa famille.

Sur cette photo prise le 11 novembre 2024, une fillette afghane regarde des femmes tisser des tapis dans une usine de la banlieue de Kaboul. (Photo WAKIL KOHSAR/AFP via Getty Images)

« Comme esthéticienne, je pouvais gagner entre 3.000 et 7.000 afghanis en maquillant et en coiffant une seule mariée. C’est sans comparaison », affirme-t-elle, au milieu de femmes qui s’activent.

Il n’y a pas que les salons de beauté qui ont fermé. La plupart des espaces où les femmes pouvaient se retrouver ont suivi.

Un restaurant réservé aux femmes à Badakhchan

Pour tenter de leur offrir malgré tout un espace de détente, Zohra Gonish, 20 ans, a ouvert un restaurant réservé aux femmes à Badakhchan, dans le nord-est frontalier de la Chine.

Sur cette photo prise le 23 octobre 2024, Zohra Gonish, propriétaire d’un restaurant, parle lors d’une interview avec l’AFP dans son restaurant du district de Fayzabad, dans la province de Badakhshan. (Photo OMER ABRAR/AFP via Getty Images)

« Les femmes peuvent venir pour des événements ou pour manger. Toutes nos employées sont des femmes pour que nos clientes soient à l’aise », explique-t-elle.

Si elle parle fièrement de son projet, en 2022 Zohra Gonish a dû batailler pour l’imposer dans un pays où la part des femmes dans le monde du travail est dix fois inférieure à la moyenne mondiale.

Un tiers de la population survit au pain et au thé

Elle a insisté une semaine auprès de son père qui a fini par céder quand elle a expliqué vouloir « être financièrement indépendante mais aussi l’aider », alors qu’un tiers des 45 millions d’habitants de l’Afghanistan survivent au pain et au thé.

C’est aussi pour aider ses parents que Soumaya Ahmadi a rejoint l’usine de tapis de Mme Ferozi à 15 ans à peine.

« Nos troubles psychologiques ont disparu »

Privée d’école et « déprimée », elle voulait à tout prix sortir de chez elle. « A la maison, j’étais énervée. Maintenant, on travaille et ça nous fait du bien, nos troubles psychologiques ont disparu », déclare-t-elle.

Avec son salaire, elle veut s’assurer que ses deux frères, eux, ne seront pas privés d’éducation. « Comme les écoles sont fermées aux filles, je travaille à leur place », indique Soumaya Ahmadi. « Je leur dis d’étudier pour pouvoir faire quelque chose de leur vie ».

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