Devenu un refuge de la liberté d’expression pour de nombreux citoyens désireux d’échapper à la censure exercée par les GAFAM, Twitter, devenu X, risque l’expulsion du paysage numérique européen, à partir de 2024. Le réseau social « sera banni de l’Union européenne s’il ne se conforme pas à nos règles », mettait en garde le 29 mai le ministre chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot. Un avertissement renouvelé ce 10 décembre, dans les mêmes termes. Pour autant, Elon Musk pourrait sortir de sa manche un atout capable de sauvegarder la présence de la plateforme sur le Vieux continent.
Pour la maire de Paris, Twitter n’est plus une fête. Le 27 novembre, dans une tribune publiée par Le Monde, la cible du désormais célèbre hashgtag #SaccageParis annonçait son départ du réseau social, devenu, à ses yeux, « l’arme de destruction massive de nos démocraties » et « un vaste égout mondial ». Une décision que les internautes ont aussitôt raillée : « C’est Noël avant l’heure. Si Anne Hidalgo pouvait aussi quitter la mairie de Paris », taclait par exemple Amaury Breulet, journaliste chez Valeurs Actuelles. « Anne Hidalgo décide de quitter X, devenu trop pluraliste et ouvert pour elle. Elle va rejoindre au plus vite un réseau social entièrement gaucho-progressistes », renchérissait de son côté Jean Messiha.
Bruxelles vole dans les plumes de l’ancien oiseau bleu
Chez les macronistes, on rit moins. Interrogé à ce sujet sur France info le 10 décembre, le ministre délégué chargé du Numérique Jean-Noël Barrot a réagi par une phrase lapidaire sur le sort qui pourrait bien être réservé à X au cours des prochains mois : « Ce n’est pas à nous Européens de quitter Twitter. C’est à Twitter de quitter l’Europe si Twitter ne se met pas en conformité avec nos règles ».
L’occasion pour lui de rappeler que la plateforme « fait l’objet d’une enquête ». Le 12 octobre, après l’attaque terroriste perpétrée quelques jours plus tôt par le Hamas contre Israël, l’exécutif bruxellois, jugeant que circulaient sur le réseau social des « contenus violents et à caractère terroriste », des « discours de haine » et des « fausses informations », a initié la première procédure dans le cadre de la nouvelle législation sur les services numériques (DSA). « Si la Commission juge que Twitter n’est pas au niveau, alors elle pourra dans un premier temps prononcer des amendes extrêmement lourdes et, dans un deuxième temps, Twitter peut, s’il ne redresse pas la barre, être banni de l’UE », prévient l’homme politique, confirmant ainsi que le destin européen du réseau social est bel et bien toujours sur la sellette.
« L’oiseau est libre », s’était réjoui Elon Musk au lendemain du rachat de Twitter, en octobre 2022. « En Europe, l’oiseau volera selon nos règles », lui avait alors rétorqué Thierry Breton, en référence au Digital Services Act. Entré en vigueur le 25 août dernier, ce texte, qui modifie la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, doit, selon ses auteurs, lutter contre la haine, la manipulation, la désinformation. Des termes vagues, abstraits et sujets à interprétations qui suscitent l’inquiétude en Europe : « Cette législation rend la liberté d’expression otage des penchants idéologiques de responsables européens non élus », n’hésitait pas à dénoncer David Thunder, chercheur et maître de conférences à l’Institut pour la culture et la société de l’Université de Navarre (Espagne) dans une tribune à Epoch Times.
Depuis l’adoption de ce règlement, les altercations entre « l’absolutiste de la liberté d’expression » et le commissaire européen au Marché intérieur se multiplient. Pour l’heure, ce dernier, bien qu’il ne fasse pas mystère de son animosité à l’endroit du réseau social, n’a pris aucune sanction. Si Bruxelles peut recueillir les réponses – ou les absences de réponses – de l’entreprise américaine dans sa modération des contenus afin de déterminer si celle-ci a enfreint les règles de l’UE, d’un point de vue juridique, aucune mesure ne peut être appliquée à son encontre tant que le groupe composé des vingt-sept autorités référentes DSA de chaque État membre (l’Arcom pour la France) n’aura pas été instauré.
Or, celui-ci ne devrait être opérationnel qu’au début de l’année 2024. C’est seulement à partir de cette date que la Commission sera en mesure d’infliger des sanctions à la plateforme d’Elon Musk, en commençant par une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires mondial annuel. Le fera-t-elle ? Pas si sûr, estime Fabrice Epelboin.
Le levier de pression d’Elon Musk
Selon le spécialiste des médias sociaux et enseignant au Medialab de Sciences Po, l’homme d’affaires dispose d’un « pouvoir de chantage » sur les technocrates européens : les « Twitter Files », un ensemble d’extraits de correspondances internes au réseau social avant son rachat par le milliardaire.
Ces documents avaient dévoilé la coopération entre l’oiseau bleu et le gouvernement américain, depuis le département d’État juqu’au Pentagone en passant par la CIA, dans le cadre d’une opération de censure de certains discours mettant en cause le discours des autorités sanitaires sur le Covid-19, l’intégrité de l’élection présidentielle américaine de 2020, ou encore l’affaire Hunter Biden. Preuves pour Elon Musk de la politique de « suppression de la liberté d’expression » en vigueur par le passé sur la plateforme, ces révélations avaient défrayé la chronique outre-Atlantique, portant un coup dur à la confiance du public américains dans les institutions du pays.
Pour Fabrice Epelboin, le patron de Tesla « a le pouvoir de faire de même sur des personnalités européennes. Il y a fort à parier qu’il dissuade, en coulisses, l’UE de prendre des mesures trop strictes envers X. C’est une véritable épée de Damoclès au-dessus de Thierry Breton et la Commission européenne ». Reste à savoir quels dossiers compromettants pourrait-il avoir en sa possession et s’il compte en faire usage pour défendre le maintien de son réseau social sur le Vieux continent. Réponse probable en 2024.
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