Les familles de membres de l’opposition tunisienne arrêtés ont déposé mercredi une plainte devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour demander la libération immédiate de leurs proches.
Depuis début février, les autorités tunisiennes ont incarcéré plus de 20 opposants et des personnalités parmi lesquelles des ex-ministres, une répression condamnée par la communauté internationale et par les groupes de défense des droits humains. Rached Ghannouchi, l’ancien président du Parlement et l’un des principaux opposants au président tunisien Kais Saied, qui a dissous le Parlement en juillet 2021 et s’est arrogé les pleins pouvoirs, figure parmi les personnes détenues.
« Complot contre la sûreté de l’État » ou élimination de l’opposition ?
M. Ghannouchi, 81 ans, chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, avait été arrêté en avril et condamné le 15 mai à un an de prison pour « apologie du terrorisme ». Pour sa fille, Yousra Ghannouchi, 45 ans, qui vit en Grande-Bretagne, les accusations portées contre l’ancien président du Parlement tunisien sont « politiquement motivées et fabriquées » et font partie d’une tentative de M. Saied pour « éliminer l’opposition », a-t-elle déclaré à l’AFP. Kais Saied avait de son côté affirmé que les personnes détenues étaient des « terroristes » impliqués dans un « complot contre la sûreté de l’État ».
Ces arrestations et condamnations ont été qualifiées par les opposants de « coup d’État » et de retour à un régime autocratique dans la seule démocratie qui a émergé à la suite des soulèvements des Printemps arabes il y a plus de dix ans.
« Ils ne se taisent pas et nous ne nous tairons pas »
Les proches de M. Ghannouchi et de plusieurs autres opposants emprisonnés ont déposé une plainte devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à Arusha, en Tanzanie, dans le cadre d’une campagne mondiale pour demander leur libération. « Nous espérons que cela conduira à leur libération et à la justice pour eux », a affirmé mardi Yousra Ghannouchi à Nairobi, à la veille d’un déplacement à Arusha. « Ils ne se taisent pas et nous ne nous tairons pas », a-t-elle poursuivi.
Yousra Ghannouchi, comme plusieurs autres proches de détenus, a également appelé les États-Unis, l’Union européenne et la Grande-Bretagne à imposer des sanctions ciblées contre M. Saied et plusieurs ministres qui sont « tous impliqués dans des violations des droits humains ». « Ils essaient de défendre leurs dossiers en Tunisie, mais toutes les portes ont été fermées », a déclaré à l’AFP Rodney Dixon, avocat de M. Ghannouchi et de cinq autres personnes emprisonnées.
Une « allégation de torture » bientôt soulevée devant la cour
M. Dixon a déclaré que les proches souhaitaient saisir la justice pour constater que les emprisonnements étaient contraires à la charte africaine des droits humains et obtenir leur libération. « Il n’y a pas de justice par le biais du système là-bas (…), c’est pourquoi ils doivent venir » devant la Cour africaine, a affirmé M. Dixon, précisant que les détenus n’avaient pas régulièrement accès à des avocats et avaient du mal à obtenir des soins médicaux appropriés.
L’avocat a également déclaré qu’une « allégation de torture » sur un détenu sera soulevée devant la Cour. Yousra Ghannouchi s’est dite inquiète pour la santé de son père, car il souffre d’hypertension et « ce n’est plus un jeune homme ». L’ancien président du Parlement a été emprisonné à deux reprises dans les années 1980 pour activités politiques clandestines avant de s’exiler pendant 20 ans puis de revenir après le renversement du dictateur Zine El Abidine Ben Ali lors de la révolte du printemps arabe de 2011.
La Tunisie est l’un des six pays du continent à avoir pleinement adhéré à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
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