Avec l’annonce du rachat d’un grand média par Xavier Niel d’ici la fin de l’année, c’est une tendance de fond qui se confirme dans le monde des médias. Vincent Bolloré, 9e fortune de France, a pris le contrôle de Canal + à la rentrée, quand Pierre Drahi rachetait Libération, l’Express et BFMTV. Un changement de paradigme dont pourrait souffrir l’indépendance des médias et qu’il faut suivre d’une manière globale.
Le secteur des médias est en pleine restructuration. Avec la poussée du numérique, l’information est devenue une valeur marchande comme une autre, qui, à l’image des temps, doit se consommer vite et sans distinction. La course récente pour le rachat des médias par les grandes fortunes de France et les grands patrons d’entreprise montre à la fois le pouvoir de l’information, mais aussi sa fragilité. En cause, des intérêts économiques et politiques en contradiction avec les objectifs d’un média public : une information vérifiée, un travail d’enquête et une valeur ajoutée pour mieux comprendre l’actualité et le monde qui nous entoure.
Les grandes fortunes françaises à la tête des grands médias
Le 5 octobre, Xavier Niel, patron de Free et 10e fortune de France, a annoncé une levée de fond de plus de 500 millions d’euros avec le banquier Matthieu Pigasse et le producteur Pierre-Antoine Capton. Il s’agit de former d’ici la fin de l’année un nouveau grand groupe médiatique français. Le patron de Free et Matthieu Pigasse avaient déjà, avec Pierre Bergé, racheté le groupe Le Monde et Le Nouvel Observateur.
Cette initiative est vraisemblablement une réponse aux rachats récents de médias français par des concurrents. Patrick Drahi, 3e fortune de France et patron de Numéricable-SFR a acquis Libération en juin 2014, L’Express en février 2015 et compte devenir propriétaire du groupe NextradioTV, dont fait partie BFMTV, d’ici 2019. Vincent Bolloré, 9e fortune de France, a quant à lui pris le contrôle de Canal+ à la rentrée et compte sur d’autres acquisitions dans les médias.
L’histoire des médias et des fortunes françaises n’est pourtant pas nouvelle. LVMH, dirigé par Bernard Arnault, 2e fortune de France, possède le journal économique Les Échos, Radio Classique, le journal Investir et le magazine La connaissance des Arts. Le groupe cherche d’ailleurs à racheter Le Parisien–Aujourd’hui en France. L’Opinion, créé en 2013 par Nicolas Beytout, est financé en partie par Bernard Arnault et la famille Bettencourt, 1ère fortune de France. Le Figaro est détenu par Serge Dassault, 5e fortune de France et patron de Dassault Système. TF1 appartient au groupe de Télécom et de construction Bouygues, Europe 1 au groupe Lagardère et Le Point à l’homme d’affaires François Pinault.
L’épée de Damoclès au dessus de l’indépendance des médias
Attention, pas de chasse aux sorcières, il faut toujours de l’investissement pour éditer un média. Le fait qu’un média appartienne à un homme d’affaires n’est pas un problème en soi, plutôt même une évidence : pour faire vivre un média, il faut de l’argent.
Par contre, si le média est utilisé à des fins personnelles ou pour servir des intérêts économiques, là, la musique est différente. Nous rentrons alors dans le domaine délictuel de la corruption et du conflit d’intérêt – et plus généralement dans la corruption des idées.
Quid alors de la liberté de la presse ou de l’indépendance des médias ? Elles dépendront des intérêts économiques internationaux des propriétaires, un retour au bon vieux roman d’Orwell. En octobre 2008, le journal Le Monde a rapporté des témoignages de journalistes du Figaro se plaignant de la pression exercée par Serge Dassault sur la rédaction. La pression est la même pour les médias du groupe LVMH de Bernard Arnault qui possède beaucoup d’intérêts dans le luxe en Chine. Ces médias parleront rarement, voir jamais, d’une actualité sur la Chine qui ne soit pas dans la ligne du régime chinois.
Il n’est ainsi pas étonnant de trouver des informations plus indépendantes dans des titres de médias n’ayant pas d’intérêts économiques immédiats à l’étranger (comme les journaux Le Monde, 20min, Ouest-France, Médiapart, La Croix, la chaîne de télévision Arte, etc.). Le risque inverse pour l’indépendance de la presse (que nous ne développerons pas ici) est qu’elle soit dirigée par des idéologies politiques anti-libérales (rappelons seulement que les médias ont le devoir de rapporter les faits tels qu’ils sont).
Les médias alimentent-ils un enfermement des idées de plus en plus marqué ?
Il est donc intéressant d’en savoir un peu plus sur les intervenants.
Parmi ces personnalités figure Pierre-Antoine Capton, qui va s’allier avec Xavier Niel pour le rachat d’un grand média fin 2015. Le producteur a fondé Troisième Oeil Productions, une nouvelle société de production française qui réalise l’émission de télévision quotidienne « C à vous » sur France 5 et l’émission polémiste « Zemmour et Naulleau » sur Paris Première.
Examinons le questionnement d’Alain Garrigou dans son papier « La guerre des mots« , publié dans le Monde Diplomatique :« Les chaînes de télévision n’ont jamais organisé autant de débats. Avec des politiques dont on serait bien en mal de dire aujourd’hui ce qu’ils ont dit hier. […] Les médias jouent ainsi un rôle de désinformation en laissant croire que ce sont des questions d’opinion. […] Ce régime d’opinion, c’est l’envers de la raison, l’envers du savoir. […] En croyant faire de l’information, en croyant respecter le pluralisme, les médias font aujourd’hui le lit du fascisme ».
Serge Halimi, écrivain et journaliste français, résume ainsi la situation actuelle du rôle des médias dans la société : « tout conspire à détruire le journalisme qui enquête et vérifie ».
Même pour Google, le pluralisme des médias est une chimère aux yeux de velours
Peut-on encore alors parler de liberté de la presse ? Si nous suivons notre raisonnement, cette liberté de la presse et le pluralisme des médias vont de pair et existent bel et bien, mais ils sont effacés par les lois du marché. À plusieurs niveaux, l’information reste bloquée et censurée par des intérêts économiques et politiques, étouffant l’indépendance vitale de l’information.
On peut remarquer ce biais fondamental jusque sur le Web dans les algorithmes de classement de Google. Pour Google, la qualité d’une information est importante mais jusqu’à un certain point : c’est surtout le plus gros et le plus riche qui gagne. Dans ces « 10 principes fondamentaux », Google met en avant son attachement au pluralisme des médias et à la liberté de l’information. Google y soutient que « la démocratie sur le Web fonctionne ».
Dans les faits, des ‘médias’ venant de Chine ( Le Quotidien du Peuple, l’Agence Xinhua, Radio Chine international, etc) ou de Russie (Sputnik) arrivent dans les meilleurs résultats des moteurs de recherche.
Les raisons ? Beaucoup d’argent injecté dans les rédactions (des rédactions françaises également), pour publier une masse d’articles suivant la ligne de propagande et de censure du régime, dans l’objectif de noyer ou de troubler la crédibilité des autres informations – pour celles-là, libres.
Et pourtant Google, les reconnaît comme des médias au même titre que les autres, les plaçant même devant les autres. Leur information n’en reste pas moins fortement biaisée par les intérêts d’ apparatchiks, n’autorisant dans leur pays d’origine aucune liberté de l’information et aucune indépendance de la presse.
Mais pourtant un petit village de journalistes résiste
Des titres et des émissions résistent quand même à la montée du cloisonnement par le bas des idées. En voici un échantillon.
La chaîne de télévision franco-allemande Arte a diffusé récemment deux enquêtes issues d’un travail d’investigation : « La propagande selon Poutine » (à regarder ici en attendant la rediffusion) et « Laogai, le goulag chinois ». Ces rares travaux d’enquêtes montre une réalité de l’actualité internationale, différente de celle répétée par la plupart des grands médias d’actualité. Pourtant à y regarder de plus près, ces informations sont essentielles à une bonne compréhension du monde et pour bien en comprendre sa complexité.
L’émission d’Elise Lucet Cash Investigation montre également la face cachée des grandes sujets de l’actualité. L’action de la journaliste de France 2 contre la directive européenne sur le « Secret des affaires » a rendu publique la précarité du journalisme d’investigation.
Le journal Epoch Times résiste aussi à sa manière en couvrant des sujets d’actualité que les autres médias ne traitent pas. Notre couverture sur la Chine notamment est unique au monde. Avec des informations de première main nous travaillons activement à la liberté de la presse en Chine. Malgré que ces sujets soient tabous dans les médias et institutions ayant des intérêts économiques avec le régime chinois, nous traitons en toute indépendance l’actualité politique, économique, sociale, ainsi que l’environnement et la situation des droits de l’homme. Nous sommes par exemple les seuls à pouvoir suivre l’actualité d’un génocide en cours depuis 1999 et qui s’est généralisé à toute la société chinoise.
Devant la complexité des chemins et la difficulté de trouver une information de qualité, utile et vérifiable, il faut toujours se poser la question des intérêts et des valeurs défendues par la source. Cela peut permettre de faire un bon filtre quant à la crédibilité des médias et aux différents canaux d’information.
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