Faire défiler, taper et glisser. C’est sans fin.
Pour la plupart des adolescents d’aujourd’hui, les plateformes telles que TikTok, Instagram et YouTube sont comme des trous noirs dont ils ne peuvent s’éloigner, l’adolescent lambda passant plus de cinq heures par jour en ligne. Mais le prix de cette connexion pourrait bien être leur santé mentale.
Des chercheurs commencent à établir des liens surprenants entre l’utilisation des médias sociaux et la dépression. Chaque heure supplémentaire passée sur les sites de médias sociaux est associée à un plus grand nombre de symptômes de dépression.
La prévalence des épisodes dépressifs majeurs chez les adolescents étant passée de 8,1% à 15,8% entre 2009 et 2019, des spécialistes de la santé mentale ont commencé à étudier les facteurs qui contribuent à cette augmentation.
Les causes de la dépression sont multiples et souvent interdépendantes, a expliqué Jean M. Twenge, professeure de psychologie à l’université d’État de San Diego, à Epoch Times. « Par exemple, certaines personnes ont une prédisposition génétique à la dépression, mais elles sont susceptibles de traverser un épisode dépressif que si leur environnement crée les conditions adéquates », a-t-elle expliqué. « Le fait de passer beaucoup de temps sur les médias sociaux pourrait être l’un de ces facteurs. »
Connecter ou isoler
Les médias sociaux peuvent perpétuer la dépression en faisant le contraire de ce pour quoi ils ont été créés : encourager le développement d’une communauté et entretenir des relations amicales.
Selon Roger McFillin, docteur en psychologie, certifié en psychologie comportementale et cognitive, l’essor des médias sociaux a conduit certains jeunes à perdre leurs aptitudes sociales et à s’isoler derrière des écrans au lieu de vivre leur vie en toute authenticité. Par exemple, la pratique du sport a considérablement diminué depuis 2008. Seuls 24% des jeunes âgés de 6 à 17 ans pratiquent au moins 60 minutes d’activité physique par jour, contre 30% dix ans plus tôt, selon l’enquête nationale sur la santé des enfants.
« Pourquoi pratiquer un sport – quelque chose qui est physiquement, psychologiquement et relationnellement difficile – alors que vous pouvez rester dans un monde de médias sociaux qui ne vous met pas au défi ? »
Des études confirment ce phénomène. Les personnes qui utilisent les médias sociaux principalement pour entretenir des relations se sentent plus seules que celles qui les utilisent pour d’autres raisons, selon une étude publiée en 2023 dans Health Psychology and Behavioral Medicine.
« Si les médias sociaux peuvent faciliter les contacts sociaux dans une certaine mesure, ils ne permettent pas forcément de favoriser le type de contact souhaité par les personnes qui les utilisent principalement pour cette raison », indique l’étude. Ces résultats corroborent les conclusions précédentes faisant état d’une plus grande solitude chez les utilisateurs de réseaux sociaux que chez les autres.
Un véritable engagement se produit de visu, a souligné M. McFillin. « L’utilisation excessive des médias sociaux perpétue le sentiment de solitude et nous éloigne du monde réel », a-t-il ajouté. Les jeunes adultes qui utilisent beaucoup les médias sociaux se sentent plus isolés socialement que ceux qui les utilisent moins, selon une étude publiée en 2017 dans l’American Journal of Preventive Medicine.
Même s’ils promettent d’établir des liens, les médias sociaux ne sauraient remplacer les interactions directes. Une dépendance excessive aux médias sociaux pourrait nuire aux vraies relations dont les êtres humains ont besoin.
Une étude publiée en 2023 dans la revue Brain Sciences le confirme. Les chercheurs ont demandé à 30 participants de dresser la liste de 20 amis ou parents proches, de 20 influenceurs ou célébrités qu’ils appréciaient, et de 20 personnes avec lesquelles ils ne se sentaient pas proches. L’activité cérébrale des participants a été enregistrée par EEG pendant qu’ils regardaient les noms. La réaction des ondes cérébrales était beaucoup plus importante pour les amis ou parents que pour les influenceurs ou célébrités.
« Ces résultats expérimentaux constituent une preuve empirique objective que le cerveau humain fait clairement la distinction entre les influenceurs ou autres célébrités et les personnes qui leur sont proches dans la vie réelle, même si les sentiments subjectifs de proximité et de confiance peuvent être similaires. En résumé, l’imagerie cérébrale montre qu’il n’y a rien de tel qu’un véritable ami », ont écrit les auteurs.
Comparer et suivre
L’auto-comparaison, un processus psychologique qui permet aux individus de s’évaluer eux-mêmes en comparant leurs capacités, leurs attributs ou leur situation à ceux des autres, est très répandue sur les médias sociaux et participe à la dépression chez les adolescents, a expliqué Mme Twenge.
Selon un rapport publié dans Depression and Anxiety, l’exposition à la vie apparemment « parfaite » des autres en ligne suscite des envies et la conviction erronée que les autres sont plus heureux et réussissent mieux. Au fil du temps, cette impression peut engendrer un sentiment d’infériorité et un état dépressif.
Des études montrent que la dépendance aux médias sociaux est liée à une faible estime de soi, et que les personnes qui ont une faible estime de soi augmentent leur dépendance à l’égard des médias sociaux – un cercle vicieux. Selon une étude de 2014 publiée dans la revue Computers in Human Behavior, même si l’on sait que les médias sociaux détériorent l’humeur, les gens y reviennent, pensant qu’ils combleront le vide ainsi créé.
Une étude réalisée en 2015 sur plus de 600 adolescents a établi un lien entre la comparaison sociale et la quête de reconnaissance basées sur la technologie, d’une part, et les symptômes de dépression, d’autre part. Une corrélation a été découverte en plus des effets de l’utilisation générale des technologies, de la recherche d’un réconfort excessif dans la vie quotidienne et des symptômes antérieurs de dépression.
« Suivre la vie apparemment parfaite que mènent des centaines de personnes sur Internet n’est pas ce pour quoi nous sommes conçus », a souligné M. McFillin au journal Epoch Times.
« Cette pratique va à l’encontre de l’ordre naturel tribal et familial », a-t-il indiqué. Les liens sociaux solides, associés à une diminution de la dépression, ne se forment pas en suivant quelqu’un sur les médias sociaux, a-t-il ajouté. « Les liens authentiques, qui construisent la vie, se nouent en face à face. »
Comment l’utiliser est important
La consommation passive, comparée à une consommation active et saine, peut aggraver l’état mental.
L’utilisation passive des médias sociaux consiste à faire défiler et à consommer du contenu sans s’engager. L’utilisation active se traduit par une interaction directe : envoyer des messages à des amis, commenter des articles, partager son propre contenu.
Dans une étude de 2018, des chercheurs ont analysé les taux de dépression chez 702 utilisateurs de médias sociaux selon le mode d’interaction avec les contenus. Une consommation passive accrue était significativement corrélée à des symptômes de dépression plus sévères. Aucun lien de ce type n’a été constaté pour l’utilisation active. En fait, les chercheurs ont noté une diminution des symptômes de dépression chez les utilisateurs actifs de médias sociaux.
Selon M. McFillin, ces résultats soulignent l’importance de la création par rapport à la consommation. La consommation passive de contenus sur les médias sociaux va directement à l’encontre de la création active et de la sollicitation de notre cerveau, provoquant ainsi des troubles dépressifs.
Mobiliser notre esprit dans des activités comme la peinture, la musique, le jardinage, l’écriture, la lecture et des conversations peut stimuler la joie et la satisfaction. Le défilement passif nous prive de ces bienfaits.
« La plupart du temps, la dépression est le symptôme d’un problème plus grave. Nous devrions nous efforcer de traiter le problème qui se trouve à la racine de la dépression, et pas seulement les symptômes », a indiqué M. McFillin. Les médias sociaux pourraient être l’une des causes premières de la dépression chez les adolescents.
« Une fille de 15 ans sur cinq passe plus de sept heures par jour sur les médias sociaux », a rappelé Mme Twenge. « Le nombre de personnes qui y passent un temps considérable est donc très important – ce n’est pas un problème isolé. »
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