Le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci en 2019 est l’occasion pour l’un des plus anciens ateliers de tissage de soie d’Europe de faire découvrir, au cœur de Florence, une des innombrables machines inventées par le génie de la Renaissance. Niché dans le quartier historique de San Frediano, L’Antico Setificio Fiorentino travaille aujourd’hui encore les précieux fils de soie sur des métiers à tisser datant des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Mais le joyau de ce haut lieu de l’artisanat florentin, fondé en 1786, est une machine à dévider les bobines de fils, dessinée il y a cinq siècles par Léonard de Vinci (1452-1519).
« C’est un ourdissoir fabriqué à la fin du XVIIe siècle d’après les plans originaux du maître et nous fabriquons aujourd’hui encore des passementeries en utilisant cette structure en bois entièrement verticale », explique à l’AFP Beatrice Fazzini, l’une des employées. Plus qu’un outil, c’est une oeuvre d’art qui sert à préparer les fils avant qu’il ne soient placés sur le métier à tisser, selon une technique jalousement gardée depuis des siècles et qui a fait la fortune de nobles familles florentines.
L’atelier, qui appartient depuis 2010 à la famille du designer italien Stefano Ricci, fabrique des tissus, dentelles et rubans dans le style élégant et aux couleurs de la Florence des Médicis. C’est sous la dynastie de cette riche famille de marchands devenus banquiers, à la Renaissance, que la fabrication de la soie connut son apogée sur les rives de l’Arno.
Certaines des étoffes produites par L’Antico Setificio Fiorentino ornent les palais de la République italienne (Présidence, Sénat), mais aussi la célèbre galerie des Offices de Florence ainsi que des résidences royales, comme celle du Danemark, ou encore le Kremlin à Moscou. Et l’atelier compte notamment parmi ses clients le pape François et les chanteurs d’opéra Maria Callas ou Andrea Bocelli.
« C’est un musée qui est aussi une usine », explique Briza Datti, architecte d’intérieur et responsable du secteur commercial. L’atelier comprend exclusivement des métiers à main, qui suivent le rythme du tisserand et « gardent l’empreinte de la famille à laquelle ils appartenaient dans le passé », souligne-t-elle.
Simona Polimeni, 26 ans, entrecroise les fils de chaîne et de trame, tout en actionnant une pédale, reproduisant des gestes ancestraux. De ses mains surgit un damas aux finitions étincelantes, comme par magie. Pas moins de huit heures de travail sont nécessaires pour produire deux mètres d’un tel tissu, digne de la Cour de Laurent le Magnifique. « Chaque tissu doit être tissé par la même personne, le rythme doit toujours être le même, au risque de voir des imperfections apparaître », souligne Simona Polimeni, formée à l’école de tissage et de restauration de Florence.
Les dessins et motifs des étoffes, considérés comme des trésors, sont conservés dans les archives historiques de l’atelier. Les chenilles d’or, le damas, le taffetas aux motifs floraux ou géométriques font partie des tissus fabriqués par l’enseigne séculaire et leurs prix oscillent entre 200 et 1.500 euros le mètre. La quinzaine d’ouvrières qui travaillent dans ce temple de la tradition voient comme un privilège le fait de produire ces tissus précieux en soie mais aussi en lin ou en coton qui ont inspiré de nombreux artistes et étaient utilisés jadis par les rois et empereurs.
« C’est une chance pour moi de travailler ici, au milieu des métiers vieux de plusieurs siècles. Mais je ne me sens pas dans un musée, c’est juste un environnement particulier », confie ainsi Simona Polimeni.
L’atelier ouvre ses portes aux groupes d’écoliers ou de touristes sur demande sans arrêter sa production. Sur l’un des métiers, Silvana, une Brésilienne de 50 ans, déplace les navettes de fils naturels aux couleurs chatoyantes, du jaune moutarde au fuchsia en passant par le bleu pétrole. « C’est un travail très créatif et aussi un domaine d’excellence », ajoute la quinquagénaire venue il y a 30 ans en Italie pour travailler dans les industries textiles de Toscane, à la renommée mondiale.
D.C avec AFP
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