Après l’attaque d’Arras où un enseignant a été tué, les autorités veulent serrer la vis sur les expulsions d’étrangers radicalisés, un processus prévu par la loi sous l’œil vigilant de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Emmanuel Macron a demandé aux autorités de passer au peigne fin le fichier des personnes radicalisées susceptibles d’être expulsées. « La ligne de fermeté est extrêmement claire », a assuré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, prônant l’« expulsion systématique de tout étranger » considéré comme « dangereux par les services de renseignement ». Concrètement, 193 étrangers en situation irrégulière verront leur procédure d’expulsion accélérée, a-t-il affirmé. Et la situation de 2852 autres, en situation régulière, sera réexaminée.
L’idée est notamment de voir s’il faut leur retirer leur titre de séjour, ou la protection dont ils bénéficient au titre de l’asile. Il s’agit là d’une application de la loi : la carte de séjour peut être retirée « à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l’ordre public ».
Mardi, les « groupes d’évaluation départementaux » de la radicalisation se réuniront autour des préfets pour faire le point. Dans les faits, « tout va vraiment dépendre des éléments qu’ont les services de renseignement », affirme à l’AFP Serge Slama, professeur de droit public. Une partie des étrangers « sont sur les radars, sans pour autant avoir commis d’agissements justifiant soit une atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, soit de judiciariser », ajoute-t-il.
Une « procédure contradictoire »
Pour l’avocate Lucie Simon, « il faut prendre les termes ‘‘menaces à l’ordre public et radicalisation’’ avec des pincettes. Souvent les personnes visées ne sont jamais passées par la case pénale, pas même la garde à vue ».
Une personne sous le coup d’un retrait de titre de séjour peut déposer un recours. « La procédure est contradictoire, avec éventuellement le passage devant une commission de séjour. Ça ne se fait pas du jour au lendemain », affirme M. Slama, qui souligne que « pour l’asile, c’est encore plus long car il faut saisir l’Ofpra » (Office de protection des réfugiés et apatrides), organe indépendant qui suit également une procédure contradictoire.
Un bon observateur estime que « c’est une façon de mettre la pression sur les préfets, de leur dire : ‘‘même si avez des réticences, tentez le coup, vu le contexte ça peut passer’’ ». Un autre parle lui d’« affichage ». L’expulsion, prononcée dans le cas de menaces graves à l’ordre public, est décidée par le préfet ou le ministre de l’Intérieur. Certaines personnes sont relativement protégées (par leurs liens privés et familiaux notamment), mais dans les cas très graves cette protection tombe. Seuls les mineurs ne peuvent pas être expulsés.
Un processus « laborieux »
Pour le cas de l’assaillant d’Arras, arrivé en France à l’âge de 5 ans, Gérald Darmanin a justement regretté que « la loi de la République empêche le ministre de l’Intérieur d’expulser tout citoyen étranger qui a commis un acte grave mais qui est arrivé avant l’âge de 13 ans sur le territoire national ». Le projet de loi immigration, dont l’examen au Sénat doit débuter le 6 novembre, doit justement permettre de pallier cette « difficulté dans le droit », a-t-il expliqué.
Un étranger en situation irrégulière peut aussi faire l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire). Le processus est laborieux, comme en témoigne le faible taux d’exécution des OQTF, sous les 10% en 2021.
Car il faut obtenir du pays d’origine un « laisser-passer consulaire ». Certains pays traînent des pieds. Pour d’autres « c’est l’absence de liaisons aériennes qui va empêcher de facto les expulsions, comme vers la Russie depuis la guerre en Ukraine », souligne Me Simon. Gérald Darmanin a annoncé dimanche avoir reçu l’autorisation d’Emmanuel Macron pour reprendre les discussions avec Moscou pour renvoyer en Russie les ressortissants fichés S – ce qui concernerait une vingtaine de personnes selon lui.
Le juriste Serge Slama souligne que « le Conseil d’État ou la Cour européenne des droits de l’Homme peuvent empêcher une expulsion au regard de l’article 3 de la Convention des droits de l’Homme » protégeant des traitements inhumains. Un cas de figure « assez fréquent pour la Tchétchénie », dit-il.
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