SCIENCES

Le lifi et ses ondes lumineuses, ça vous parle ?

juin 18, 2017 11:34, Last Updated: juin 18, 2017 11:34
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L’acronyme lifi (light fidelity) est né en 2011, basé sur le très connu wifi (wireless fidelity). On trouve également le terme VLC (visible light communication), plus générique.

La technologie lifi a émergé à la fin des années 2000, en s’inspirant fortement des technologies et des savoir-faire développés dans les télécommunications optiques passant par la fibre. Celles-ci permettent aujourd’hui d’avoir des échanges de données en grande quantité, plusieurs dizaines de gigabits par seconde (1 Gb/s = 1 milliard de bits par seconde) sur chaque fibre. Mais ces technologies imposent d’avoir une fibre optique et des composants, notamment des lasers infrarouges, qui sont chers et complexes.

Depuis peu, l’avènement des LED (light emitting diode, ou DEL en français) a révolutionné le domaine de l’éclairage. Les LED sont peu chères, fiables, rentables énergétiquement et affichent une grande durée de vie, entre autres avantages. Aujourd’hui, vous achetez des lampes à LED et non plus tant des lampes à ampoule à filament, et ce n’est plus l’ampoule que l’on change, mais la lampe entière !

Les LED présentent également un énorme avantage par rapport aux ampoules à filament : vous pouvez les éteindre et les allumer à des vitesses très importantes, ce qui n’est pas possible avec un filament dont le principe repose sur des effets thermiques lents. L’allumage – extinction de la LED repose sur des phénomènes de pilotage simple par une basse tension, facilement intégrable sur une carte électronique.

Quand les LED émettent des données

Diodes de différentes couleurs. Angstorm/wikipedia, CC BY-SA

La fréquence d’allumage – extinction peut être très supérieure aux fréquences visibles par l’œil humain, et ainsi servir à transmettre des données numériques. La LED allumée représente un « 1 », la LED éteinte représente un « 0 ». Ceci se fait sans perturber la fonction d’éclairage car l’œil ne perçoit pas ces variations, appelées modulation de puissance.

Fort de cet avantage, la LED joue le rôle des lasers dans les réseaux fibrés, mais cela démultiplie les applications. Partout où vous avez une lampe à LED, vous disposez d’un émetteur de données ultrarapides. Il ne vous reste plus qu’à mettre un récepteur sensible à cette modulation d’amplitude, et vous captez l’information. Ce type de récepteur est constitué d’un petit photodétecteur chargé de convertir la lumière en tension qui est traitée par une carte électronique. Le détecteur peut par exemple être l’élément de caméra de votre smartphone !

Si le terme lifi est issu du terme wifi, c’est qu’il y a de nombreuses analogies. Ces deux technologies sont en même temps concurrentes, mais surtout complémentaires. Le wifi est basé sur des ondes radiofréquences et non sur la lumière. Comparons les deux :

  • Le wifi se propage dans toutes les directions et peut avoir des portées de plusieurs dizaines de mètres, et même traverser des obstacles tels les murs. Le lifi doit, en revanche, avoir une ligne de vue et est directif, et la lumière ambiante du jour se superpose au signal ce qui limite sa portée, qui est actuellement plutôt de quelques mètres. Avantage au wifi ou au lifi ? Ni l’un ni l’autre, car certes une portée longue et un franchissement d’obstacle sont des atouts majeurs, mais dans des applications militaires par exemple, la sécurité inhérente du lifi est pertinente.
  • Les fréquences libres pour émettre du wifi sont limitées, et ce que l’on appelle la bande passante utile n’est plus extensible. Le nombre de canaux disponibles en simultané est restreint. Ce n’est pas le cas des ondes optiques qui ont une bande passante quasi infinie comparativement aux ondes radio. Vous pouvez donc démultiplier le nombre de canaux théoriques et augmenter le flot de données échangées.
  • Les deux ondes, radiofréquence ou lumineuse, se déplacent à la même vitesse, celle de la lumière (environ 300 000 km/s). Mais la fréquence des ondes lumineuses est très supérieure à celle des ondes radio, environ 200 000 fois plus. La théorie de transmission de l’information montre que plus la fréquence de l’onde est élevée, plus vous pourrez effectuer cette fameuse modulation d’amplitude rapidement, et avoir des débits d’informations importants. On peut prendre l’analogie d’un adulte et d’un enfant qui marchent main dans la main : l’adulte ferra moins de pas que l’enfant, mais les deux vont bien à la même vitesse ! L’enfant faisant plus de pas, on peut coder plus d’information dans sa marche.

Antenne Wifi. Quique251/wikimedia, CC BY-SA

  • Le wifi actuel peut avoir, dans de bonnes conditions, environ 50 Mb/s de débit, tandis que les records actuels démontrés en lifi en laboratoire atteignent 8 Gb/s, soit 160 fois plus (8 Gb/s = quelques secondes de transfert environ pour 1 DVD). Les prototypes commerciaux ne sont encore qu’à quelques dizaines de Mb/s, ce qui est suffisant pour transmettre de la musique ou de la vidéo en temps réel ; mais lorsque l’on examine la courbe de croissance des records de débits sur les dernières années, gageons que ces chiffres ne sont qu’un début.
  • Aujourd’hui, la nocivité des ondes radio reste encore un sujet de controverse. Les ondes lumineuses émises par les LED, même s’il a été démontré des impacts sur le sommeil selon la couleur, restent considérées comme peu nocives et peu perturbatrices. Dans des environnements comme les avions, les hôpitaux, le lifi s’avére précieux.
  • Les normes qui régissent le wifi sont complexes. Vous ne vous en rendez pas compte en tant qu’utilisateur, mais entre tous les émetteurs, un système de demande de prise de parole, d’accusé réception, de temps d’attente est géré par le protocole wifi ; il y a énormément d’interférences. Ceci conduit à des files d’attente si le nombre de canaux est faible par rapport au nombre d’utilisateurs. Le lifi étant une émission directive, la norme actuelle est moins contraignante et l’on gagne potentiellement beaucoup sur les temps morts.

Une lampe, un accès Internet

Signe Li Fi.

La présence de LED partout dans notre environnement est un atout fort pour le déploiement du lifi. Dans toutes les applications émergentes, on peut distinguer deux grands lots : les applications en intérieur, et celles en extérieur.

Les applications intérieures bénéficient du réseau d’éclairage des bâtiments. On vise des portées de quelques mètres. Le lifi est déjà très utilisé pour la géolocalisation des personnes ou des objets connectés. En effet, il est très simple que chaque lampe émette par lifi un identifiant unique. En reliant cet identifiant à un plan en mémoire, on peut se localiser dans un bâtiment complexe, une gare, un musée, une usine, un centre technique. Des prototypes équipent déjà des supermarchés, où votre parcours est guidé via votre chariot au travers des méandres de la grande surface. La localisation peut être très précise, mieux que le mètre, et pertinente, car le système bien connu du GPS (Global Positioning System) que tout le monde utilise est basé sur des réseaux satellitaires et ne fonctionne pas en intérieur.

En complément et grâce aux débits potentiels très importants du lifi, chaque lampe peut servir de borne reliée à Internet, pour peu que votre ordinateur soit équipé de la technologie. Ce n’est pas encore le cas, mais quelques prototypes commerciaux voient le jour avec des systèmes de clé USB à rajouter. Gageons que vos tablettes et autres terminaux auront bientôt intégré la technologie.

Les applications extérieures sont aussi pertinentes : transmettre entre les bâtiments pour éviter d’avoir des bornes radiofréquences haute puissance, utiliser l’infrastructure des villes existantes avec par exemple des lampadaires intelligents qui diffusent de l’information. De même demain, toute l’industrie automobile, tant au niveau des véhicules qu’au niveau des infrastructures routières auront déployé des LED dans les phares, les luminaires, les panneaux indicateurs qui pourront relayer de l’information entre les véhicules, les piétons, l’infrastructure, les transports en commun, et les millions d’objets connectés. Tout ceci d’une manière complémentaire aux ondes radiofréquences pour assurer une meilleure couverture et un débit plus important.

Luc Chassagne, Professeur, actuellement directeur du Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes de Versailles (LISV/UVSQ), Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines – Université Paris-Saclay

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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