A quelques jours du bicentenaire de sa naissance, un collectif demande de retirer les symboles rendant hommage au général Louis Faidherbe (3 juin 1818-1889) qui avait conquis puis colonisé le Sénégal au XIXe.
Dans une lettre ouverte adressée à la maire socialiste de Lille Martine Aubry, le collectif « Faidherbe doit tomber » – une reprise du slogan « Rhodes must fall » en Afrique du Sud – critique la restauration récente de l’imposante statue équestre située en plein cœur de la ville.
D’après l’historien Thomas Deltombe, coordinateur de cette campagne, Lille ne peut plus présenter « un paysage urbain vitrifié dans la IIIe république coloniale ».
Pour l’historien Alain Coursier, auteur d’une biographie de ce général peu connu du grand public et hostile à tout déboulonnage, on ne peut « revoir l’histoire avec l’œil d’aujourd’hui ». En outre, Faidherbe, né à Lille et qui a fini sa carrière comme sénateur socialiste du Nord, a préservé la région « de l’invasion allemande en 1870 », un épisode qu’on ne peut « balayer d’un revers de main ».
Si Mme Aubry estime que le débat « a sa légitimité », la municipalité n’a ni « l’intention de retirer la statue (…) restaurée au titre de sa valeur patrimoniale, ni de renommer la rue ». La mairie socialiste récuse « une quelconque bienveillance vis-à-vis du colonialisme » et a d’ailleurs fait renommer la rue Canrobert, un maréchal (1809-1895) qui a notamment participé à la conquête de l’Algérie.
« C’est un débat à mener, peut-être aussi au niveau national. Car de nombreuses villes ont une rue Faidherbe », estime Mme Aubry, notant que le questionnement sur les traces du passé colonial dans l’espace public « prenait de l’ampleur un peu partout dans le monde ».
À 5 000 km au sud de Lille, à Saint-Louis du Sénégal, une statue de Faidherbe orne également une des principales places de l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale français (AOF), jumelée depuis 1978 ans à Lille. Sur le socle de la statue érigée en 1891 : « A son gouverneur L. Faidherbe le Sénégal reconnaissant ».
En septembre dernier, après de fortes pluies, la statue est tombée de son piédestal, et remise en l’état. « C’était l’occasion rêvée de s’en débarrasser une fois pour toutes mais la municipalité a décidé contre toute attente de la remettre, ce qui a soulevé beaucoup de colère », regrette Khadim N’Diaye, membre du collectif.
Mais pour d’autres Sénégalais, le Français est aussi perçu comme un « gouverneur bâtisseur », qui a permis le développement de projets d’infrastructures et d’équipements.
« Beaucoup de Sénégalais ont une ambivalence de sentiments : tantôt il est perçu comme un colon conquérant face à la résistance armée des royaumes sénégalais, tantôt comme le créateur de l’État du Sénégal moderne et le libérateur des Noirs sénégalais face aux exactions des Maures » en Mauritanie voisine, nuance l’historien Amadou Bakhaw Diaw.
C.V. avec AFP