Consultant international sur l’Afrique et spécialiste des migrations, le démographe Jean-Paul Gourévitch s’est employé à analyser méthodiquement les coûts et bénéfices de l’immigration dans une étude éditée par l’association Contribuables Associés. Un moyen, à ses yeux, de pallier le manque d’approche scientifique sur cette question sensible, idéologique, néanmoins capitale. Conclusion : elle coûterait chaque année au contribuable près de 54 milliards d’euros, une charge financière qui pourrait en réalité se révéler encore plus élevée en raison de l’opacité de différents services de l’État à tenir des comptes fiables en la matière. Par réticence et par négligence.
Une richesse pour la France. La gauche a longtemps affirmé que l’immigration ne pesait pas sur les finances publiques. Bien au contraire, les immigrés viendraient participer à l’enrichissement économique du pays, assurait-elle. Ces propos sont notamment basés sur les recherches des professeurs Xavier Chojnicki et Lionel Ragot. Dans une étude parue en 2010, les universitaires concluaient à un bénéfice net de l’immigration de 12 milliards d’euros, provoquant alors un tollé qui les amènera à réévaluer, en 2012, ce solde positif à 3,9 milliards d’euros.
Finalement, en 2018, dans l’étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), les mêmes auteurs admettront que l’immigration est la cause d’un déficit public estimé à 1,4 milliards d’euros, battant ainsi en brèche la théorie relative à son impact économique positif.
« Les rentrées d’argent issues de l’immigration pèsent peu face aux dépenses multiples qu’engendre l’immigration régulière et irrégulière »
Ce constat reste cependant bien en-deçà de la réalité, selon les découvertes de Jean-Paul Gourévitch. 53,9 milliards d’euros chaque année, voilà le véritable coût de l’immigration. Un chiffre qui pourrait être encore plus important en raison d’une marge d’incertitude qualifiée par le démographe de « pénombre de l’immigration ». Obtenir les chiffres utiles à la réalisation de son étude s’est en effet révélé un vrai parcours du combattant en raison d’une réticence des ministères, collectivités territoriales et associations à les communiquer, mais aussi en raison de leur inexistence à certains niveaux. « Dans la colonne des bénéfices, explique-t-il dans un entretien au Figaro, il est quasi impossible d’évaluer ce que rapportent les investissements en termes d’éducation et de politique de la ville, qui visent à améliorer les compétences et les conditions de vie des immigrés et de leurs descendants directs. Le bénéfice est réel, mais différé. Dans la colonne des coûts, l’impossibilité d’obtenir un montant précis des fonds publics directement dédiés aux associations d’aide aux migrants nous a contraints à faire une évaluation, que nous estimons au minimum à 1,2 milliard d’euros. Et comme nous ne pouvons pas mesurer l’efficacité à long terme de ces investissements, à effet différé et aléatoire, nous les avons inscrits eux aussi dans cette zone grise. »
Dissimulation ou négligence ? Le chercheur ne veut pas trancher. Quoi qu’il en soit, il estime que son travail peut néanmoins servir de « base » afin de « faciliter la prise de conscience de ce que l’immigration représente en termes financiers pour notre pays ».
Pour Benoît Perrin, directeur de Contribuables associés, « l’immigration doit être traitée au même titre que la dette, les dépenses publiques, la fiscalité ou encore les gaspillages. Elle coûte cher au contribuable : 53,9 milliards par an, c’est plus de quatre fois le budget du ministère de la Justice. Certes, elle génère des recettes, fiscales et non fiscales, et des contributions sociales, mais ces rentrées pèsent peu face aux dépenses multiples qu’engendre l’immigration régulière — en termes de prestations sociales, de coûts régaliens, sociétaux, éducatifs… — et irrégulière — coûts médicaux, de lutte contre l’immigration irrégulière, hébergement d’urgence. Notre objectif est de nourrir les débats, d’abord au Sénat, où le projet de loi immigration doit être discuté en septembre, puis à l’Assemblée nationale quand le texte reviendra devant les députés. Cette étude devrait être réalisée chaque année par les services de l’État mais, par manque de courage, ce n’est jamais fait. »
Coûts directs et indirects
Les dépenses associées à l’immigration régulière sont principalement des prestations sociales : revenu de solidarité active (RSA), dépenses couvertes par la Sécurité sociale, chômage. Ainsi, la part de l’immigration dans les 12,36 milliards versés en 2022 au titre du RSA est d’un peu moins de 3 milliards. S’agissant des dépenses couvertes par la Sécurité sociale, celles prenant en charge la maladie constituent le plus gros poste de déficit : 41,44 milliards en 2022.
Les migrations occasionnent aussi des coûts indirects, via les frais de fonctionnement des organismes qui les gèrent, Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) en tête, mais aussi en raison du travail déployé par la police et la justice. D’après les calculs de Jean-Paul Gourévitch, la proportion de l’ensemble de la délinquance étrangère dans la petite délinquance est de 71 %. Pour le trafic de drogue, dont le coût pour l’État se chiffre à quelque 13 milliards d’euros, 12,48 milliards seraient imputables à l’immigration.
Combien coûte l’immigration clandestine ? Malgré l’augmentation du parc dédié aux demandeurs d’asile qui comptabilise aujourd’hui plus de 100.000 places, sa capacité ne permet d’héberger qu’un demandeur d’asile sur deux, les autres vivant dans des hôtels au frais du contribuable dans le cadre du dispositif intitulé « abri inconditionnel » : un hébergement gratuit et sans limitation de durée pour l’immigré irrégulier. Une singularité française qui n’existe nullement ailleurs en Europe. Selon l’expert, qui se base sur les chiffres rendus publics en 2020 par Didier Leschi, directeur de l’Ofii, dans son livre Ce grand dérangement. L’immigration en face, le coût annuel de l’hébergement se situe à 3 milliards d’euros.
Jean-Paul Gourévitch s’est aussi penché sur la rentabilité des investissements extérieurs de l’État, essentiellement l’aide publique française au développement des pays d’origine des candidats à l’immigration. En 2022, elle atteignait 16 milliards d’euros, un record historique, tandis qu’elle coûtait 10,3 milliards en 2018. L’Afrique subsaharienne a perçu près d’un tiers de ces versements, soit six milliards d’euros, dont 2,4 milliards ont l’objectif spécifique de donner à ses bénéficiaires des raisons de rester dans leur pays d’origine. Pourtant, selon Jean-Paul Gourévitch, ces aides « tendent paradoxalement à accroître le désir et les opportunités de migration plus qu’à les contenir », parce qu’une fois formés, ses récipiendaires ne parviennent pas à décrocher sur place un emploi en phase avec leurs compétences et qu’une partie de ces prestations est employée à des fins d’émigration.
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