L’Unesco a retiré mercredi Liverpool de sa liste des sites classés au patrimoine mondial en raison d’un surdéveloppement de ce port anglais emblématique de l’ère industrielle, provoquant la consternation des élus locaux et du gouvernement britannique.
Treize délégués du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco, dont la session par vidéo en cours est présidée par la Chine, ont voté pour un déclassement de ce port du nord-ouest de l’Angleterre, classé en 2004, et cinq contre, soit une voix de plus que la majorité de deux tiers requise pour déclasser un site.
Liverpool devient ainsi le troisième site à subir cette mesure rarissime. Seuls deux sites avaient auparavant été retirés de cette liste qui existe depuis 1972.
Le sanctuaire de l’oryx arabe, un type d’antilope, avait été retiré en 2007 après la décision d’Oman de réduire sa superficie de 90% pour un projet de prospection d’hydrocarbures, puis deux ans plus tard la vallée de l’Elbe à Dresde (Allemagne) en raison d’un projet de construction de pont routier.
Classé en 2004 au patrimoine mondial de l’Unesco
En cause pour Liverpool: les plans de réaménagement du port, dont les très hauts immeubles et un nouveau stade de football risquent d’« endommager de manière irréversible » son patrimoine, a affirmé le comité de l’Unesco.
Liverpool avait été classé en 2004 au patrimoine mondial de l’Unesco, après une ambitieuse réhabilitation du front de mer et des docks suivant des décennies de déclin.
Port de départ de millions de migrants irlandais et britanniques ainsi que d’esclaves africains, la ville au riche patrimoine musical est aussi le berceau des Beatles. Une histoire qui a forgé ce que l’Unesco considérait comme le « caractère distinctif et l’esprit unique » de Liverpool.
Pour autant, le Conseil international des monuments et des sites, qui conseille l’Unesco, avait déjà « demandé à plusieurs reprises » au gouvernement britannique de fournir des garanties plus solides concernant l’avenir de la ville, qui figurait depuis 2012 sur la liste du patrimoine en péril.
Faire appel de ce déclassement
Mais les projets d’aménagements se sont poursuivis, au point de lui faire perdre son authenticité. Le nouveau stade pour le club de football d’Everton -approuvé par le gouvernement sans aucune enquête publique- constitue « l’exemple le plus récent d’un projet majeur totalement contraire » aux objectifs de l’Unesco, a ajouté le conseil.
« Nous sommes extrêmement déçus par cette décision », a réagi mercredi matin un porte-parole du gouvernement. « Nous estimons que Liverpool mérite toujours son statut de patrimoine mondial étant donné le rôle important qu’ont joué les docks dans l’histoire et la ville plus largement ».
Dans une vidéo postée sur Twitter, la maire travailliste de la ville, Joanne Anderson, elle aussi « déçue », explique avoir « du mal à comprendre comment l’Unesco peut préférer que nous ayons des docks vides plutôt que le stade d’Everton » et annonce vouloir faire appel de ce déclassement.
Une « mesure rétrograde, qui ne reflète pas la réalité du terrain »
Dénonçant une « décision prise à l’autre bout du monde par des personnes qui ne semblent pas comprendre la renaissance » qu’a vécu la ville ces dernières années, le dirigeant de la région de Liverpool, Steve Rotheram, y voit une « mesure rétrograde, qui ne reflète pas la réalité du terrain ».
« Beaucoup des sites cités par l’Unesco se trouvent dans des communautés qui ont cruellement besoin d’investissements », a-t-il souligné, estimant que les « endroits comme Liverpool ne devraient pas être confrontés au choix binaire entre garder son statut au patrimoine » et aider « des communautés laissées pour compte ».
Plusieurs pays parmi lesquels l’Australie, dont la Grande Barrière de Corail est aussi menacée de déclassement, s’étaient prononcés contre le retrait de Liverpool de la liste, estimant qu’il s’agirait d’une mesure « radicale » en pleine pandémie de coronavirus. Brésil, Hongrie et Nigeria ont ainsi demandé à ce que la décision soit reportée d’un an, pour donner plus de temps au nouveau conseil municipal élu en mai.
Le prestigieux label du patrimoine mondial constitue une aubaine pour le tourisme et encourage les gouvernements à protéger leurs trésors culturels ou environnementaux. Mais l’ajout n’est pas permanent, et ces sites peuvent aussi être déchus de leur statut ou être avertis qu’ils sont en danger.
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