Après avoir adopté mardi la suppression de l’aide médicale d’État (AME) réservée aux sans-papiers, le Sénat s’apprête à faire de même mercredi sur les régularisations d’immigrés dans les métiers en tension, autre mesure symbolique pour la droite qui entend durcir le projet de loi immigration.
Deux jours d’après débats dans l’hémicycle ont permis à la chambre haute d’imprimer un sérieux tour de vis à la réforme du gouvernement et d’aboutir à un accord en coulisses entre la droite et les centristes sur la mesure la plus crispante, l’article 3.
Cette disposition visant à octroyer un titre de séjour d’un an renouvelable aux travailleurs sans-papiers dans des secteurs en pénurie de main d’œuvre sera examinée dès mercredi en fin après-midi, conformément à une réorganisation du calendrier des débats annoncée dans la nuit. Le groupe centriste et Les Républicains, qui forment la majorité sénatoriale, ont peiné à accorder leurs violons sur cette mesure d’intégration par le travail, mais leur compromis devrait mener à sa suppression.
Accord sénatorial « sur les métiers en tensions »
L’accord trouvé mardi entre ces deux camps, qui ouvre la voie à une adoption d’une version durcie du projet de loi lors d’un vote solennel le 14 novembre, prévoit néanmoins que le sujet des régularisations réapparaitra ailleurs dans le texte à travers de nouveaux amendements.
« Nous nous félicitons qu’un accord ait été trouvé par la majorité sénatoriale sur les métiers en tensions », s’est réjoui le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, attaché à préserver l’aile gauche de la majorité présidentielle qui tient à ce volet. Dans la nuit, le ministre a obtenu au Sénat le rétablissement d’une mesure d’intégration du gouvernement visant à obliger les employeurs à aménager du temps de travail à certains employés étrangers pour leur permettre de prendre des cours de français.
Adoption par le Sénat de l’article 1 du projet de loi immigration qui acte l’obligation de maîtrise du français pour détenir un titre de séjour en échange de cours gratuits. Une réforme historique pour l’intégration des étrangers en France.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) November 7, 2023
Le retrait de l’AME, « une profonde erreur »
Mardi après-midi, droite et centre étaient déjà alignés pour voter la suppression de l’aide médicale d’État (AME), transformée en « aide médicale d’urgence » par un vote large de 200 voix pour et 136 contre. Le gouvernement, tiraillé sur ce dossier ces dernières semaines, « est très attaché à l’AME », un « dispositif de santé publique », a déclaré Mme Firmin Le Bodo, venue épauler pour ce volet M. Darmanin, omniprésent sur ce texte.
Le choix du Sénat est « une profonde erreur » et « même une faute », a déploré le ministre de la Santé Aurélien Rousseau dans l’émission Quotidien, ouvrant la voie au retrait de la mesure par l’Assemblée nationale, saisie du projet de loi à partir du 11 décembre.
L’AME prévoit depuis plus de vingt ans une couverture intégrale des frais médicaux et hospitaliers accordée aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. L’aide médicale d’urgence votée par le Sénat, si elle entrait en vigueur, serait « recentrée » sur la prise en charge « des maladies graves et des douleurs aiguës », réduisant le panier de soins actuellement accordé à quelque 400.000 bénéficiaires.
La mesure du Sénat, qualifiée « d’article de la honte » par la gauche, intègre aussi les soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive. La droite la justifie par les risques d’« appel d’air » que représente selon elle l’AME, ainsi que son coût : environ 1,2 milliard d’euros.
La majorité sénatoriale est donc restée fidèle à sa volonté de durcir le texte du gouvernement, déjà lui-même déterminé à faire preuve de « fermeté » sur le volet répressif, qui prévoit notamment de faciliter les expulsions des étrangers « délinquants ».
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