Un « système complexe et élaboré de blanchiment » et une « escroquerie » fiscale : les sociétés françaises de Lycamobile ont été condamnées jeudi à 10 millions d’euros d’amende, l’ancien PDG du groupe se voyant infliger de la prison ferme pour complicité d’une partie des faits.
Dans un communiqué, l’opérateur mobile a « déploré la décision » et « annoncé avoir fait appel » : le deuxième procès « permettra de réexaminer cette affaire et d’apprécier l’absence de fondements des allégations formulées », a affirmé l’entreprise.
Près de quatre mois après le procès, qui s’est déroulé du 12 juin au 5 juillet, le tribunal correctionnel de Paris a jugé que Lycamobile France et Lycamobile Services avaient « participé sciemment à un système complexe et élaboré de blanchiment » entre 2014 et 2016, portant sur 17 millions d’euros.
Un système « opaque » pour rémunérer illégalement des salariés
Ce système « opaque », qui impliquait une série de sociétés-écrans, deux commerciaux de Lycamobile et des revendeurs dans le quartier parisien de La Chapelle, fonctionnait au profit d’entreprises du bâtiment en demande d’argent liquide pour rémunérer illégalement des salariés.
Les entreprises de cartes et recharges prépayées ont en outre été reconnues coupables d’avoir « trompé » le fisc en « dévoyant » un régime légal concernant la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Pour le tribunal, cela a permis à Lycamobile de réclamer au fisc des remboursements « indûs » (840.000 euros ont été versés, sur plus de 20 millions demandés).
La juridiction a conclu que ces pratiques relevaient d’une « stratégie » pour l’entreprise afin d’être « très concurrentielle » sur le marché dit « ethnique » des communautés maghrébines, africaines et indo-pakistanaise souhaitant téléphoner à l’étranger.
« Les accusations de blanchiment d’argent concernent les activités de deux commerciaux, ayant été mis à pied et licenciés dès la découverte de cette activité parallèle », a réagi Lycamobile, qui a assuré pour la TVA avoir « simplement eu recours au cadre règlementaire propre au secteur de la téléphonie, comme l’a admis le tribunal ». Lycamobile Services s’est vu infliger trois millions d’euros d’amende et Lycamobile France sept millions d’euros d’amende.
Des peines jusqu’à 18 mois ferme
L’ancien patron britannique du groupe, Christopher Tooley, a été condamné pour complicité d’escroquerie à la TVA en bande organisée et complicité de tentative, à trois ans d’emprisonnement dont 18 mois ferme – une peine aménageable, ce qui signifie qu’il n’ira a priori pas en prison. Le tribunal a aussi prononcé une amende de 250.000 euros, ainsi qu’une interdiction de gérer une entreprise pendant 5 ans, applicable immédiatement même en cas d’appel.
Le directeur général gérant les deux sociétés, Alain Jochimek, a lui été condamné dans les deux volets de l’affaire, donc aussi pour blanchiment aggravé, à 3 ans de prison dont 18 mois ferme sous bracelet électronique, avec une amende de 120.000 euros et la même interdiction de gérer. Il a fait appel, a indiqué à l’AFP sa défense.
L’autre dirigeant britannique du groupe, Andrew England, a au contraire été relaxé, les juges estimant qu’il était « très peu impliqué » dans les entités françaises. Huit autres personnes ont enfin été sanctionnées pour avoir été des « maillons » du « circuit de blanchiment ». Leurs peines vont de la prison avec sursis à 18 mois ferme sous bracelet électronique, assorties d’amende entre 5000 et 20.000 euros.
En revanche l’État français, qui avait demandé 7,9 millions d’euros en dommages et intérêts, a été débouté : le tribunal a jugé qu’il ne pouvait l’indemniser, n’étant pas saisi de faits de fraude fiscale mais seulement d’escroquerie. Lors du procès, le parquet national financier (PNF) avait requis 5 millions d’euros d’amende contre chaque entreprise et deux ans d’emprisonnement dont un an ferme, ainsi que 600.000 euros d’amende, contre Christopher Tooley. Le PNF peut lui aussi faire appel dans un délai de 10 jours.
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