Les médias sociaux sapent notre capacité d’apprentissage, ce dont nous nous souvenons, comment nous nous en souvenons.
La prolifération explosive des plateformes de médias sociaux et leur utilisation par des milliards de personnes chaque jour nous montrent que cette nouvelle forme d’interaction entre les êtres humains et la technologie a un impact profond.
Cette technologie a permis à pratiquement tout le monde, partout dans le monde, de se connecter avec ses voisins proches et lointains, et de partager instantanément tout ce qu’il y a à partager, des photos mignonnes d’animaux de compagnie aux opinions politiques enflammées. Les chercheurs en sciences sociales s’efforcent de comprendre l’impact que ce changement radical dans les interactions humaines a réellement sur nous — et sur notre cerveau — à chaque étape de la vie. Des recherches récentes montrent qu’en matière de mémoire, l’utilisation intensive des médias sociaux semble nous affaiblir.
L’influence dominante des médias sociaux
Qu’il s’agisse de Facebook, de Youtube, d’Instagram, de WhatsApp ou de TikTok — chacun d’entre eux retenant régulièrement l’attention de plus d’un milliard d’utilisateurs (ou, dans le cas de Facebook, de près de trois milliards), parcourir les fils d’actualité des médias sociaux est un passe-temps prédominant pour de nombreuses personnes. Nous passons en moyenne un peu plus de deux heures par jour sur les médias sociaux, mais ce temps varie considérablement d’un groupe d’âge à l’autre.
La génération Z, par exemple, celle qui est née entre le milieu des années 90 et 2010 et qui est la première à avoir été élevée avec une connexion Internet toujours à portée de main, passe en moyenne 4,5 heures par jour sur les médias sociaux. Et il s’agit là de « moyennes ». Selon Pew Research, (Centre de recherche Pew ), 46 % des adolescents et 44 % des 18-49 ans déclarent être en ligne « presque constamment », et il est probable que cette même cohorte passe un temps supérieur à la moyenne sur les sites de réseaux sociaux.
Les médias sociaux exercent manifestement une influence dominante, et des questions se posent quant à l’impact qu’ils peuvent avoir sur nos relations, notre santé mentale et nos fonctions cognitives.
L’impact négatif des médias sociaux sur la mémoire
Malgré le potentiel positif des médias sociaux pour établir des interactions humaines, la recherche montre les effets préoccupants et nocifs d’une utilisation intensive des médias sociaux sur la santé mentale et émotionnelle, en particulier chez les adolescents.
Trois études connexes, publiées dans le Journal of Experimental Social Psychology, (Journal de psychologie sociale expérimentale) en mai 2018, ont examiné comment la mémoire est affectée lorsque les participants enregistrent leurs expériences personnelles sur les médias sociaux, lorsqu’ils les partagent et lorsqu’ils ne les utilisent tout simplement pas. Dans chaque cas où les participants enregistraient ou partageaient leurs expériences sur les médias sociaux, leur capacité à se souvenir des détails de leur expérience était réduite.
« Dans les trois études, nous avons trouvé des preuves que l’utilisation des médias altère la mémoire, que celle-ci soit testée peu après l’expérience ou plus d’une semaine plus tard », concluent les auteurs de l’étude.
Une autre étude, publiée en février 2020 pour le compte de la Gerontological Society of America, (société de gérontologie d’Amérique), a examiné la corrélation entre la mémoire et le temps passé sur les médias sociaux chez les adultes et a constaté que, les jours où l’utilisation des médias sociaux était « élevée », les participants avaient systématiquement plus de défaillances de leur mémoire.
Une « décharge de dopamine » qui maintient la dépendance
Les médias sociaux pourraient nuire à notre capacité de mémorisation pour deux raisons : ils nous distraient et nous rendent dépendants. C’est une question liée à leur conception.
Le processus de réflexion qui a présidé à la création de ces applications, Facebook étant la première d’entre elles… était axé sur la question suivante : « Comment pouvons-nous consommer le plus de choses possible ? Comment consommer le plus possible de votre temps et de votre attention ? Et cela signifie que nous devons en quelque sorte vous donner un petit coup de dopamine de temps en temps parce que quelqu’un a aimé ou commenté une photo ou un post ou autre », a déclaré Sean Parker, le premier président de Facebook, lors d’une interview accordée à Axios en 2017.
Ce mécanisme incitera les utilisateurs à fournir davantage de contenus, d’appréciations et de commentaires, a expliqué Sean Parker.
« Il s’agit d’une boucle de rétroaction de validation sociale… exactement le genre de chose qu’un pirate informatique comme moi pourrait inventer parce qu’il exploite une vulnérabilité de la psychologie humaine. Les inventeurs … l’ont compris consciemment. Et nous l’avons quand même fait ».
Le Dr Matt Johnson, neuroscientifique titulaire d’un doctorat en psychologie cognitive de l’université de Princeton, expert en psychologie du consommateur et auteur de « Branding That Means Business », a déclaré à Epoch Times que des expériences de ce type peuvent anticiper la formation de la mémoire.
« Il y a un processus important qui doit se produire pour que de nouveaux souvenirs se forment. Plus nous sommes concentrés sur l’expérience, mieux nous nous en souviendrons plus tard. Lorsque nous vivons une expérience et que notre téléphone est là, nous allons toujours le consulter. Il existe une multitude d’expériences numériques qui peuvent nous détourner de l’expérience que nous pourrions vivre ».
C’est précisément parce qu’il est difficile de s’empêcher d’attraper un appareil chaque fois qu’il s’allume avec une notification que nous sommes plus distraits et multitâches que jamais, mais nous ne sommes pas très doués pour cela. Dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé, des étudiants qui faisaient défiler leur compte Instagram pendant qu’ils écoutaient un conférencier se souvenaient nettement moins bien des informations présentées que leurs camarades qui écoutaient sans distraction numérique.
Nous ne nous souvenons tout simplement pas aussi bien des choses lorsque notre attention est divisée. Et l’impact sur l’éducation est préoccupant.
« En tant que professeur, je le vois moi-même », a déclaré le Dr Matt Johnson, soulignant les effets de la distraction numérique sur l’expérience de la classe.
« En outre, plus vous passez de temps sur ces plateformes, plus vous acceptez la gratification immédiate. Les expériences qui ne sont pas immédiatement gratifiantes suscitent une impatience très désagréable. L’éducation est une proposition à long terme. Les étudiants perdent patience pour les entreprises à long terme, comme l’apprentissage d’un sujet ou la réussite d’un cours.
L’effet Google
Une autre façon dont l’utilisation intensive des médias sociaux peut avoir un impact sur la mémoire est un phénomène que les chercheurs appellent « l’effet Google ». Il n’y a pas si longtemps, la recherche d’informations sur un sujet peu familier nécessitait un effort personnel considérable : aller à la bibliothèque, feuilleter des ouvrages de référence ou téléphoner à d’autres personnes susceptibles d’être au courant.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des informations, des plus triviales aux plus obscures, peuvent être trouvées en quelques secondes via Google ou d’autres moteurs de recherche. En effet, nous « externalisons » notre mémoire sur l’internet et utilisons les médias sociaux comme l’une de nos banques de mémoire personnelles en ligne.
En fait, une étude publiée dans le numéro du 5 août 2011 de la revue Science a révélé que « lorsque les gens s’attendent à avoir accès à l’avenir à des informations, ils se souviennent moins bien de l’information elle-même et se souviennent mieux de l’endroit où ils peuvent y accéder ». En d’autres termes, il est plus probable que nous nous souvenions du site web à consulter que de l’information que nous recherchons.
Selon le Dr Matt Johnson, en matière d’apprentissage, l’effort compte.
« Il existe un lien très étroit entre l’effort que vous avez tendance à fournir pour une tâche et la probabilité que vous vous en souveniez. Plus vous sollicitez vos facultés cognitives, mieux vous vous en souviendrez. Si vous devez vraiment travailler, en combinant un grand nombre de processus cognitifs différents, votre mémoire sera très forte. En ligne, vous obtiendrez la réponse, mais vous n’aurez pratiquement aucun souvenir de cette expérience et vous devrez la rechercher à nouveau. Nous exportons notre mémoire à long terme vers ces appareils ».
Briser l’habitude
La question de savoir dans quelle mesure les médias sociaux peuvent créer des expériences agréables et des liens significatifs entre les personnes peut être débattue, mais une chose ne l’est pas : le temps que la plupart d’entre nous passent sur les médias sociaux modifie ce dont nous nous souvenons, la manière dont nous nous en souvenons et peut-être même notre capacité de mémorisation. De plus en plus d’études suggèrent qu’à grande échelle, l’effet sur la mémoire est surtout néfaste.
Il est impossible de dire avec précision combien de temps passé sur les médias sociaux est excessif, mais il existe quelques règles simples qui peuvent aider à gérer l’utilisation, en particulier pour les adolescents. La recherche suggère que les effets négatifs sur la santé mentale augmentent lorsque l’on passe plus de deux heures par jour sur les sites de réseaux sociaux, ce qui peut donc être une bonne limite supérieure à ne pas dépasser.
Le Dr Matt Johnson suggère également de réfléchir régulièrement à ses récentes expériences sur les médias sociaux et d’être conscient des regrets ou des expériences négatives associés à ce temps.
Il est également prudent de fixer des limites claires au temps passé sur les médias sociaux. Matt Johnson suggère d’utiliser une minuterie pour se rappeler de manière audible quand le temps est écoulé.
« Lorsque le minuteur se déclenche, il faut éteindre l’application, même si l’on est en plein milieu d’une vidéo. Établissez une structure stricte quant au temps que vous vous autorisez à passer sur ces applications. Il s’agit essentiellement d’exporter notre approche de ces applications vers des règles externes. Si nous nous en remettons à notre autodiscipline, les applications nous battront à chaque fois parce qu’elles sont conçues pour cela ».
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