ENTRETIEN – L’entrepreneur et président du Club Italie-France Edoardo Secchi revient dans un entretien accordé à Epoch Times sur les succès économiques de l’Italie et l’instauration par Donald Trump de tarifs douaniers réciproques.
Epoch Times : L’économie italienne a de quoi faire des envieux : excédent budgétaire en 2024, des comptes publics en meilleur état. Comment Giorgia Meloni a-t-elle fait pour obtenir de pareils résultats ?
Edoardo Secchi : La réduction du déficit a été possible grâce à une combinaison de mesures, notamment des réductions sélectives des dépenses publiques et l’introduction de taxes ciblées sur des secteurs spécifiques, comme l’impôt sur les bénéfices excédentaires des banques et des compagnies d’assurance.
Une politique entamée avant l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en 2022, mais que cette dernière a poursuivi. Ces deux éléments combinés ont permis de réduire le déficit à 3,4 % du PIB en 2024 contre 7,2 % l’année précédente.
Le voisin transalpin est devenu le 4e exportateur mondial. Vers quels pays exporte-t-il le plus ?
Le premier marché pour l’Italie reste l’UE. Les États-Unis arrivent en deuxième : les exportations outre-Atlantique représentent 73 milliards, dont environ 40 milliards d’excédent commercial. Rome, grâce à une politique très pragmatique mise en place depuis une vingtaine d’années visant à diversifier les produits fabriqués mais aussi les marchés, a su s’imposer comme l’un des principaux exportateurs mondiaux.
Selon les données de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), l’Italie se distingue par l’un des niveaux de diversification des exportations les plus élevés au monde. Autrement dit, elle est moins dépendante des secteurs macroéconomiques que l’Allemagne, la France et même les États-Unis !
Le deuxième élément qui explique ce succès en matière d’exportations est la différenciation ou ce que j’appelle la « stratégie de niche ».
Aujourd’hui, l’Italie préside avec succès environ 3000 niches de marché, notamment dans la mécanique de précision, le sport, le design ou le textile. Rome est, par exemple, le premier exportateur de textile en Europe, et le deuxième au monde après la Chine. La diversification et la différenciation forment ainsi le « binôme gagnant » qui font aujourd’hui le succès de l’économie italienne.
Maintenant que l’Italie est en meilleur santé d’un point de vue économique, quels sont les défis qui l’attendent ?
Les défis ne manquent pas. Le plus important reste celui du déclin démographique et du départ des jeunes. Rien qu’en 2024, presque 200.000 jeunes ont quitté le pays !
Si la jeunesse continue de partir, il y a à long terme un risque de perte de compétitivité et productivité pour le pays. Il faut mettre en œuvre des politiques et des dispositifs pour les retenir !
La diaspora italienne, hautement formée, décide de faire fortune à l’étranger, que ce soit en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux États-Unis, en Chine ou au Japon. L’Italie n’est actuellement pas en mesure de régénérer tout ce capital humain, d’autant plus dans un contexte d’arrivée sur le sol d’immigrés très peu qualifiés. Le pays est donc en proie à un déficit de compétences et à une pénurie de main-d’œuvre, précisément de main-d’œuvre spécialisée.
L’autre défi majeur est au niveau énergétique. Cependant, je note que Giorgia Meloni a fait des efforts considérables pour réduire le déficit énergétique, mais aussi pour trouver des nouveaux partenaires afin d’assurer son approvisionnement. C’est l’une de ses grandes forces. D’ailleurs, grâce à elle, seulement 5 % de l’énergie consommée par l’Italie provient de Russie, contre 40 % auparavant ! Ce n’est pas rien !
Puis, elle a eu l’intelligence de renforcer ses relations avec d’autres pays producteurs d’énergie comme l’Algérie, l’Égypte, l’Azerbaïdjan et le Qatar et a lancé divers projets avec ces derniers.
Il était temps que nos dirigeants agissent puisque cette dépendance énergétique a une réelle incidence sur la balance commerciale. L’Italie réalise un excédent commercial de 105 milliards hors produits énergétiques qui descend à 55 milliards à cause de la facture énergétique.
Le président américain a décidé d’instaurer des droits de douane réciproques. Cela ne risque-t-il pas d’affaiblir l’économie italienne ? L’Italie exporte beaucoup outre-Atlantique.
Il est vrai que si le président américain décidait par exemple d’augmenter des tarifs douaniers sur l’acier ou la mécanique, l’Italie rencontrerait des problèmes. Mais je pense qu’après l’annonce, il faudrait voir les répercussions aussi pour les consommateurs américains.
À titre d’exemple, si les composants des voitures américaines sont européens et/ou chinois, ces dernières seront vendues plus chères aux constructeurs américains. Par conséquent, les entreprises, mais aussi les consommateurs américains seront pénalisés dans l’immédiat.
Les bonnes relations que Giorgia Meloni entretient avec Donald Trump peuvent-elles lui permettre de convaincre le président américain de revenir sur cette décision ?
Les États-Unis ont toujours agi selon leurs propres intérêts. Beaucoup d’entre nous s’attendaient à une augmentation des tarifs douaniers américains. L’annonce faite hier par Donald Trump n’est qu’une confirmation. Je suis sûr que Giorgia Meloni s’y attendait, même si elle espérait encore pouvoir négocier. À ce stade, l’Europe doit réagir de manière unanime en prenant les contre-mesures appropriées.
Cependant la stratégie italienne de diversification des exportations, notamment au Mexique et au Canada – deux pays épargnés par la hausse de droits de douane sur de nombreux produits grâce à l’accord commercial États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) – peut aider Rome à mieux résister aux tarifs douaniers.
Rappelons que l’Italie est déjà le deuxième partenaire commercial européen du Mexique avec plus de 2300 entreprises présentes et qu’elle compte également de nombreuses entreprises présentes au Canada. Ce positionnement permettrait de contourner partiellement la barrière tarifaire.
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