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Ne laissez pas les gourous de la tech décider de l’avenir, alerte le Nobel d’économie Simon Johnson

octobre 23, 2024 18:15, Last Updated: octobre 23, 2024 18:17
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L’avenir doit-il être décidé par les patrons des géants de la tech ? Pour le Nobel d’économie Simon Johnson, professeur au prestigieux MIT, laisser trop de pouvoir à quelques milliardaires ne peut se faire qu’au détriment de l’intérêt général.

Le développement de l’intelligence artificielle (IA) doit profiter aussi aux moins qualifiés, insiste l’économiste britanno-américain dans un entretien téléphonique avec l’AFP, soulignant les risques de l’automatisation du travail, un de ses sujets de prédilection avec les relations entre démocratie et prospérité économique. Simon Johnson a remporté le Prix Nobel d’économie 2024 avec l’Américano-Turc Daron Acemoglu et le Britanno-Américain James A. Robinson.

Vos travaux étudient le lien entre les institutions démocratiques et le progrès économique, mais une partie importante de la population des pays occidentaux se tourne vers des mouvements populistes car elle se sent exclue de la croissance. Comment expliquer cela ? J’étais en France lors des récentes élections, je ne suis pas un expert de ce pays mais il me semble que même dans les zones prospères, les gens sont déçus, ils sont frustrés, ils ont le sentiment que la démocratie n’a pas été mise en œuvre. On retrouve la même chose aux États-Unis.

L’impact majeur de l’IA sur les emplois

Cette incapacité à produire des résultats dans la vie des gens représente un problème, nous devons y remédier en créant davantage d’emplois de qualité, c’est fondamental : un travail où votre productivité est plus élevée, votre salaire est plus élevé et vos conditions de travail et de vie sont meilleures qu’elles ne l’étaient dans le passé, meilleures que celles de vos parents… Si un système fait des promesses là-dessus et ne tient pas ses promesses, je pense que l’on peut s’attendre à une certaine déception et à un retour de bâton.

Or, la manière dont la technologie est inventée, développée et déployée a un impact majeur sur le type d’emplois créé. En ce qui concerne l’intelligence artificielle (IA) : augmentera-t-elle la productivité et les salaires des travailleurs peu qualifiés, ou produira-t-elle de l’automatisation excessive, consistant à licencier les travailleurs dans les magasins pour les remplacer par des bornes automatiques?

À qui profite l’intelligence artificielle dans ce cadre ? Aux salariés les plus éduqués ? Soyons honnêtes, l’IA est surtout bénéfique aux grosses entreprises de la tech. Ces gens sont regardés comme des héros aujourd’hui. Mais je pense qu’il faut se demander si l’on doit confier autant de pouvoir à un petit nombre de personnes.

La vision qui façonne la technologie est absolument décisive. Nous avons parlé aux plus hauts niveaux du gouvernement américain, en disant : “Ne laissez pas les grands gourous de la technologie dominer ce qui est développé, comment c’est utilisé et quel impact cela a sur les emplois”. Car ce que vous obtiendrez, c’est leur vision de l’avenir, pas pour votre population, pas pour votre communauté, mais pour leur propre richesse.

La publicité numérique, c’est comme le tabac et la malbouffe

Faut-il dès lors davantage de régulation pour les grandes entreprises de la tech? Le modèle économique de Meta (Facebook, Instagram), d’Alphabet (la maison mère de Google, ndlr) et de quelques autres entreprises repose sur la publicité numérique, qui attire votre attention, manipule vos émotions. C’est mauvais pour la santé mentale, c’est très mauvais pour les enfants, et c’est terrible pour la démocratie, parce que ce qu’ils veulent, c’est vous énerver, vous mettre en colère contre d’autres. Nous devrions nous rendre compte que la publicité numérique, c’est comme le tabac et la malbouffe.

Je ne propose pas de l’interdire, je ne pense pas que cela fonctionnerait, mais elle devrait être lourdement taxée. Nous (avec Daron Acemoglu, ndlr) proposons une taxe assez élevée sur la publicité numérique, qui génèrerait environ 200 milliards de dollars de recettes supplémentaires pour les États-Unis, ce qui est une somme importante à l’heure actuelle. Nous suggérons que le Congrès consacre une partie de cet argent à la santé mentale, dont la santé mentale des enfants.

Quoi qu’il en soit, pousser ces entreprises à changer leur modèle économique et à moins dépendre de la publicité serait bénéfique pour beaucoup, sur de nombreux fronts, mais aussi sur le front de la démocratie. Nous devons dépolariser, et revenir à la recherche d’un terrain d’entente.

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