À 17 000 kilomètres de Nouméa, l’Assemblée nationale se penche lundi sur une révision constitutionnelle visant à élargir le corps électoral propre au scrutin provincial de l’archipel, un point sensible qui cause de vives tensions sur place entre loyalistes et indépendantistes.
Véhicules incendiés, pillages, barrages filtrants, interpellations… Sur le Caillou, des violences ont émaillé la journée et la soirée de lundi, à l’approche de l’examen des parlementaires à Paris.
Après celle du Sénat, l’approbation des députés est nécessaire pour faire cheminer ce projet gouvernemental, qui sera soumis à un vote solennel mardi après-midi dans l’hémicycle de l’Assemblée. Il faudra ensuite réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer.
Prônant l’apaisement, Emmanuel Macron a promis de ne pas convoquer le Congrès « dans la foulée » du vote de l’Assemblée selon son entourage. Le président de la République veut laisser une dernière chance aux discussions entre les parties prenantes locales en vue d’un accord institutionnel global.
Ces dernières seront très prochainement invitées à Paris pour « une rencontre avec le gouvernement », a fait savoir dimanche l’entourage du président. Car derrière ce texte de loi assez technique se joue une grande partie de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, comme en témoignent les tensions croissantes que connaît l’archipel ces derniers jours.
Deux camps s’opposent. Celui des non-indépendantistes, favorables à la réforme, et celui des indépendantistes qui y voient au contraire un passage en force de l’État pour « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».
Un appel au dialogue
Lundi soir, la mobilisation a franchi un nouveau cap, avec plusieurs sites en proie aux flammes et des affrontements entre forces de l’ordre et jeunes manifestants masqués, autour de plusieurs rond-points bloqués, a constaté l’AFP. Un peu plus tôt, le Congrès de Nouvelle-Calédonie avait adopté une résolution demandant le retrait de la réforme, un appel relayé par la gauche en métropole.
Dans une tribune au Monde cosignée notamment par son leader Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise demande au gouvernement de « cesser d’attiser les tensions qui fracturent la population », redoutant une « véritable bombe contre la paix civile en Calédonie » et appelant à la création d’une « mission de dialogue ».
Dans le même journal, trois anciens Premiers ministres, Jean-Marc Ayrault, Édouard Philippe et Manuel Valls, ont plaidé pour que Gabriel Attal reprenne la main sur ce dossier sensible, historiquement piloté par Matignon.
Une mise en garde partagée par une partie de l’opposition et les indépendantistes, qui appellent régulièrement le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à « se dessaisir du dossier ». Dans un courrier adressé la semaine passée à Emmanuel Macron, les parlementaires socialistes ont ainsi demandé la création d’une nouvelle « mission de dialogue » dont Gabriel Attal serait le « garant ».
Les tensions locales sont aussi exacerbées par un contexte économique très pesant dans l’archipel, avec une grave crise de la filière nickel à laquelle le gouvernement tente de répondre par un plan de redressement décrié.
La réforme constitutionnelle vise à ouvrir les élections provinciales aux résidents installés depuis au moins dix ans. Prévu à ce stade au plus tard le 15 décembre, ce scrutin est essentiel sur l’archipel où les trois provinces détiennent une grande partie des compétences.
« Une solution négociée, pacifique et durable »
Établi en 1998 par l’accord de Nouméa, le corps électoral est en effet gelé, ce qui a pour conséquence, 25 ans plus tard, de priver de droit de vote près d’un électeur sur cinq. Cette situation « n’est plus conforme aux principes de la démocratie », martèle Gérald Darmanin, pour qui le gouvernement doit donc « prendre ses responsabilités ».
Au Sénat, un mécanisme a été ajouté pour permettre la suspension de cette réforme constitutionnelle si un accord local survient jusqu’à 10 jours avant les prochaines élections provinciales. Le gouvernement avait initialement fixé une date limite au 1er juillet, perçue comme un « ultimatum » par les oppositions.
À l’Assemblée nationale, le projet de loi a été adopté sans encombre en commission avec le soutien du camp présidentiel, de la droite et de la droite nationaliste, malgré l’opposition de la gauche qui a déposé une série d’amendements.
« Il est urgent de laisser le temps aux parties de construire une solution négociée, pacifique et durable », insiste le socialiste Arthur Delaporte. Ce dernier s’apprête à défendre une motion de rejet préalable du texte dans l’hémicycle… Mais l’initiative a peu de chances d’aboutir.
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