Du 28 au 30 juin, la World Nuclear Exhibition, grand messe du nucléaire, battait son plein au Bourget. La filière, qui regroupe en France le travail de 2 500 entreprises, est en difficulté. Face aux énergies renouvelables, dont l’efficacité et l’exploitation ne cessent de progresser, l’énergie de l’atome est de moins en moins compétitive.
En 2015, dans le monde, 300 milliards d’euros ont été investis dans les énergies renouvelables, soit dix fois plus que dans le nucléaire.
Deuxième parc nucléaire au monde derrière les États-Unis, la France défend une très bonne réputation de sûreté et compte ses VRP de luxe, tels Emmanuel Macron. L’industriel Hubert Wargner, directeur du développement pour le secteur Énergie pour Alten, assurait que « le savoir-faire français reste une référence ». Face à la concurrence russe ou coréenne, les Français tentent d’imposer leur griffe dans le mix électrique mondial et de gagner du terrain sur les marchés émergents comme la Chine.
Faible compétitivité de l’atome ?
En coulisses, pourtant, les chiffres du nucléaire montrent une réalité plus complexe. D’après un document interne d’EDF que s’est procuré le JDD, près de 300 milliards d’euros devront être mis sur la table pour renouveler le parc nucléaire français. Suivant les nouvelles recommandations de sécurité de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), en vigueur depuis Fukushima, le prolongement de dix ans du parc nucléaire actuel coûtera entre 100 et 260 milliards d’euros au lieu des 35 milliards initialement prévus par EDF. Soit plus que le coût de sa construction, qui s’élevait selon la Cour des comptes à 96 milliards d’euros.
Le prix du nucléaire se ressent aussi dans la facture d’électricité qui a augmenté de 20% en trois ans et devrait probablement continuer à grimper. Le coût des externalités, qui comprend subventions, dépollutions, cadeaux aux dictateurs africains – l’uranium du nucléaire français provient pour une large part du sous-sol de l’Afrique –, opérations militaires de sécurisation des sites, se reporte également sur la facture.
Ces nouvelles alourdissent un peu plus le bilan financier d’Areva et d’EDF, au bord de la faillite. La valeur boursière d’EDF, détenue à 85% par l’État, a perdu 136 milliards d’euros en sept ans. Pour finir, le projet d’enfouissement des déchets nucléaires de Cigéo a été estimé à 33 milliards d’euros par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), au lieu des 15 milliards initialement prévus.
Le pari très risqué de l’EPR
L’EPR en phase de construction, pressenti comme l’avenir de la filière nucléaire française, remplit difficilement ses promesses. En plus d’enregistrer un retard de cinq ans, le réacteur nouvelle génération a présenté des défauts de sûreté au dernier contrôle effectué par l’ANR. Pourtant, cela n’empêche pas EDF de vendre son projet sur le marché : à Hinkley Point, en Angleterre, le fournisseur d’énergie s’est engagé à assumer les deux tiers de la construction de deux réacteurs EPR, pour un total de 24 milliards d’euros.
Le projet rencontre une vive contestation outre-Manche, même parmi les défenseurs du nucléaire. Là encore, la viabilité économique du projet est remise en question : l’Angleterre a promis de racheter l’électricité à EDF 125 euros le MWh. Mais la dévaluation de la livre pourrait faire peser encore un peu plus le coût du projet côté anglais. En mai, Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, se demandait « si [la France devait] poursuivre ce projet ». « Je pense que si Hinkley Point ne se concrétisait pas, cela ne mettrait pas en péril le secteur français du nucléaire », continuait-elle, interrogée par le Financial Times.
« La principale difficulté avec l’EPR est qu’on a lancé plusieurs chantiers en même temps dans le monde, sans avoir pour l’instant aucun retour d’expérience complet sur la construction d’un réacteur », affirme Hubert Wargner. Pourtant, malgré les échecs et les perspectives des EPR actuels, les commandes ne cessent d’affluer. Xavier Bertrand affiche sa volonté d’avoir une centrale EPR dans les Hauts-de-France. Emmanuel Macron prend également la défense de la filière.
L’estimation initiale du prix du MWh que délivreront ces nouvelles centrales, de l’ordre de 46 euros, n’a cessé de grimper depuis 2010. Bien que ces coûts soient difficiles à prévoir, en 2012, la Cour des comptes signalait que le MWh pourrait valoir entre 70 et 90 euros. Avec l’augmentation des dépenses liées à la maintenance et les retards, ce coût pourrait aujourd’hui atteindre 120 euros.
Le boom des énergies renouvelables
Si ces chiffres devaient se confirmer, le choix du nucléaire s’avère de plus en plus difficile à justifier. Car en face, la concurrence des énergies vertes est rude. Le prix de l’éolien terrestre (80 euros/MWh), mais surtout du photovoltaïque, dont les technologies future pourraient porter le prix de l’électricité à 50 euros/MWh en 2050. En 2014, une équipe franco-allemande a atteint un taux de conversion lumière/électricité de 46% (contre 10% actuellement). De plus, plus 80% de ses infrastructures construites aujourd’hui sont recyclables.
« Quand on regarde les prix vers lesquels on va, que ce soit pour l’éolien, le solaire, les nouveaux moyens de production en nucléaire ou en fossile, on est en train de converger vers une gamme entre 80 et 120 euros du MWh », affirme Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables. En 2015, dans le monde, 300 milliards d’euros ont été investis dans les énergies renouvelables, soit dix fois plus que dans le nucléaire. D’après l’Agence internationale de l’énergie, la tendance est à la baisse du coût des énergies solaires, ce qui pourrait faire du solaire la première source d’énergie mondiale d’ici à 2050.« Pour les années à venir, les énergies renouvelables ne seront plus un facteur d’augmentation du prix de l’électricité, mais au contraire un facteur de stabilité du prix », précise Jean-Louis Bal.
Les énergies renouvelables présentent également des difficultés. Par exemple, il est difficile de produire du solaire la nuit. Ou encore, les infrastructures actuelles des pays développés, pensées pour intégrer l’énergie issue du nucléaire ou des énergies fossiles. Cependant, les pays émergents, qui ont opté plus tôt pour les énergies vertes, peuvent à terme faire peser le mix électrique en faveur du renouvelable. Des coopératives françaises et belges telles qu’Enercoop ou Ecopoxer proposent déjà une électricité 100% renouvelable. Se pose la question, pour le gouvernement français, des acteurs qu’il privilégiera dans son mix électrique futur.
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