« C’est un traumatisme qui ne s’oublie pas » : quarante après, les survivants du massacre de Lucanamarca, au Pérou, n’ont rien oublié de cette nuit funeste de 1983 où la guérilla maoïste du Sentier lumineux a assassiné plusieurs dizaines de villageois. Et ne peuvent pas pardonner à son chef historique, Abimael Guzman, décédé le 11 septembre.
Rolando Misaico avait dix ans lorsque sa mère a été assassinée le 3 avril 1983 à Santiago de Lucanamarca, village de montagne situé à 550 km au sud-est de Lima.
Cette nuit-là, une soixantaine de guérilleros du Sentier Lumineux, armés de machettes, de haches, de couteaux et de fusils, pénètrent dans la localité située à 3.500 mètres d’altitude.
Um desses ataques entrou para a história como o Massacre de Lucanamarca, quando 69 camponeses peruanos foram assassinados pelo Sendero Luminoso – incluindo 18 crianças (uma delas com 6 meses de idade).
Muitos aldeões foram queimados com água fervente. pic.twitter.com/o6t7Yxbse5
— Rodrigo da Silva (@rodrigodasilva) June 6, 2021
Ils rassemblent la population sur la place centrale et tuent 69 villageois, dont 14 femmes et 24 enfants. Certains sont aspergés d’essence et brûlés vifs, d’autres sont tués à la hache, ont raconté des survivants à l’AFP.
La raison d’un tel massacre ? Le refus par les villageois d’accepter les règles imposées par le Sentier lumineux, guérilla d’extrême gauche qui avait le projet de porter la révolution depuis les campagnes vers les villes en s’inspirant du maoïsme.
La cruauté et la détermination du chef de la rébellion
Le message derrière la tuerie de Lucanamarca était clair : voilà ce qui arrivait à ceux qui n’étaient pas prêts à soutenir le Sentier lumineux. Il montra aussi toute la cruauté et la détermination du chef de la rébellion, Abimael Guzman, mort en prison le 11 septembre à l’âge de 86 ans.
« Ma maman était restée à la maison. Ils l’ont tuée à coups de hache. Lorsque que je suis revenu des champs où je gardais le bétail, elle était morte », raconte Rolando Misaico qui a perdu six autres membres de sa famille dans le massacre.
Il est responsable, entre autres, du massacre de Lucanamarca qui a tué violemment 69 civils, dont 18 enfants (un d’entre eux avait 6 mois).
Effectivement, c’était bien un vrai communiste. https://t.co/D5MvMI2Huv— Herminoraptor? (@Rapt0r_H) September 12, 2021
« J’en ai réchappé par miracle », souffle-t-il après avoir déposé des fleurs sur la tombe de sa mère dans le cimetière du village.
« Ils m’ont capturé et m’ont amené jusqu’à la place du village. Ils nous ont arrosé d’essence devant la porte de l’église », se souvient Epifanio Quispe, 75 ans, qui a finalement réussi à fuir.
Après la tuerie, les survivants se sont réfugiés dans les grottes des montagnes alentour, craignant de nouvelles attaques.
« Qu’on le jette à la mer pour qu’il disparaisse »
« Abimael Guzman nous a fait beaucoup de mal », raconte à l’AFP Heraclides Misaico, 68 ans, qui perdu son mari, Alberto Tacas et ses quatre enfants âgés de quatre à neuf ans. Elle a survécu en se cachant dans sa maison.
« Nous ne voulons pas penser à lui. Il a tué des innocents. Ici, beaucoup d’enfants se sont retrouvés orphelins », renchérit Matilde Ebanan, 57 ans, dont la grand-mère a été assassinée.
Orfelinda Quincho, 64 ans, a perdu neuf parents dans le massacre, dont sa mère et un fils : « Abimael voulait nous détruire tous, en particulier les paysans. La cicatrice qu’il nous a laissée ne s’efface pas », dit-elle.
En 2006, Abimael Guzman et son épouse Elena Yparraguirre ont été condamnés à la prison à perpétuité, reconnus coupables d’avoir été les commanditaires du massacre de Lucanamarca.
« S’il est mort, que l’on brûle son corps et qu’on le jette à la mer pour qu’il disparaisse », demande Orfelinda. « On ne peut pas pardonner ».
Un monument avec le nom des victimes installé sur la place centrale
Face aux craintes qu’une sépulture ne se transforme en lieu de pèlerinage pour les partisans de l’ex-chef rebelle, les autorités ont fait voter une loi pour que sa dépouille puisse être incinérée.
Dans le petit village agricole de 2.600 habitants, où s’alignent des maisonnettes en briques et pisé, un monument a été installé sur la place centrale. Les noms des 69 victimes y ont été inscrits.
Les restes des victimes, la plupart identifiées après avoir été exhumées d’une fosse commune, reposent dans un mausolée du cimetière. Sur les plaques commémoratives, la même date de décès : 3 avril 1983.
Par crainte des représailles, les habitants n’ont dénoncé formellement les faits que 18 ans plus tard, en 2001, devant les fonctionnaires de la Commission vérité et réconciliation qui enquêtaient sur le conflit.
Selon la Commission, entre 1980 et 2000, 70.000 Péruviens sont morts et des milliers ont disparu, pris entre les feux des guérillas du Sentier Lumineux, du Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste) et de l’armée.
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